Et quoi ?
Il va nous refaire le même coup qu’avec Boardwalk Empire ou quoi ?
Qu’est-ce que c’est ?
A l’origine, The Chicago Code s’appelait Ride Along. Shawn Ryan avait l’intention d’en faire une série qui "aurait donné l’impression au spectateur d’être dans la voiture aux côtés des policiers". Mais le concept a rapidement évolué : la ville de Chicago se serait imposée comme personnage et les policiers, de simples enquêteurs d’un cop-show, seraient devenus "des personnages représentants la charnière entre la Politique et les Citoyens"…
En bref, Shawn Ryan a découvert The Wire et s’est rendu compte que Conduite Accompagnée était un titre encore moins sexy que Terriers pour une série policière.
C’est avec qui ?
Deux anciens de Showtime (Jennifer Beals pour The L Word et Jason Clarke pour Brotherhood).
Et Matt Lauria, dans le cadre du programme du réinsertion des "petits jeunes de Friday Night Lights".
De quoi ça parle ?

C’est "une femme d’honneur" (Jennifer Beals) et "un justicier dans la ville" (Jason Clarke) à Chicago.
Si ça marche, ça va réduire les chances d’une saison 4 pour Fringe ?
Drum… Ju… Qu’est-ce qu’il vous arrive avec Fringe ?
De toute façon, ça ne marche pas. Malgré une grosse campagne de lancement de la FOX une forte exposition pendant le Superball, une diffusion après House le lundi, The Chicago Code n’a pas attiré l’attention des fans de Hugh Laurie.
Pourquoi c’est pas une review du pilote ?
Parce que l’on ne peut vraiment se faire une idée de la réussite d’une série qu’après trois ou quatre épisodes. Cela permet de voir si les bases posées par le pilote sont suffisamment solides, si la série a un univers cohérent, des personnages qui s’épaississent…
C’est surtout que je n’ai pas eu le temps d’écrire avant.
Et c’est bien ?
Après le pilote, j’aurais dit : "Y’a peut-être du potentiel."
Après le deuxième épisode : "C’est pas très bien parti."
Après celui-là : "Euh, en fait… Non !"
Qu’a-t-on appris en trois épisodes ?
Que Chicago est une ville corrompue.
Qu’il y a des flics corrompus.
Qu’il y a des employés municipaux corrompus.
Que la mafia irlandaise a la main sur la filière du bâtiment et qu’elle n’hésite pas à… corrompre des gens.
Que de très hauts responsables élus de la Mairie sont corrompus.
L’idée est à peu près claire, et au cas où le spectateur ait une mémoire de poisson rouge, c’est répété toutes les cinq minutes.

Mais, heureusement, dans la ville d’Oprah et d’Al Capone, il y a quelques professionnels intègres. Ce sont les deux héros de la série. Teresa Colvin et Jarek Wysocki, d’anciens partenaires, désormais amis.
Elle a gravi tous les échelons de la hiérarchie policière. Hyper déterminée, hyper intransigeante, elle est devenue la nouvelle Super Intendante de la police et n’a qu’un objectif : débarrasser la ville de la… corruption.
Lui est resté sur le terrain. Tête brûlée, hyper efficace, hyper investi, hyper exigeant, il a du mal à garder un partenaire plus de deux semaines, mais il s’est associé avec Teresa pour… débarrasser la ville de la corruption.
Raconté de cette façon-là, le point de départ de la série la fait plus ressembler à une nouvelle version de Batman & Robin à Gotham City qu’à la grande fresque réaliste voulue par Shawn Ryan [1]. Pourtant, c’est vraiment ce qui ressort du pilote. C’est tout ce que l’on retient du bouillonnement hystérique de personnages et d’intentions que les scénaristes ont empilés pendant un pilote de quarante cinq minutes, visiblement insuffisantes.
Parce qu’il y aussi la nièce de Wysocki, jeune policière, dont le père (et frère de Jarek) est mort en service. Un flic infiltré dans la mafia irlandaise. Le nouveau partenaire de Jarek. L’ex femme de Jarek.
Et celui que l’on nous présente comme le terrible méchant de la série. L’Alderman Gibbons (en gros, un personnage politique encore plus influent que le maire).
Mais de ces personnages, on ne nous montre quasiment rien. Il ne faut pas moins de quatre voix off pour leur donner un minimum d’existence.

Prenons par exemple le dernier, Gibbons. Tout ce que l’on sait de lui, c’est ce qu’annone Teresa pendant tout l’épisode. "Il est vraiment méchant", "il est vraiment corrompu", "il est vraiment manipulateur". Et tout ce que l’on voit, c’est qu’il a un grand bureau, qu’il fume des cigares, que sa secrétaire lui lèche l’oreille quand la télé passe des infos qui lui font plaisir et qu’il a un rire profond… Moi, ça me fait juste penser à un méchant de comic-book.
A la fin du pilote, le chauffeur de Teresa est tué en la protégeant lors d’une fusillade. C’est surprenant, mais émotionellement inutile. On ne savait pas qui c’était car, là encore, le personnage avait été brossé, comme les autres, en quarante cinq secondes chrono avec un clip de trois scènes de sa vie et des commentaires en voix-off.
Le deuxième épisode a un rythme moins frénétique et se base sur le développement de deux points du pilote : la mort du chauffeur et la mise au placard d’un flic paresseux par Teresa. C’est plutôt une bonne chose, ça donne une sensation de continuité.
Au fur et à mesure de l’épisode, on se rend compte que les deux situations sont liées, que la tentative d’assassinat de Teresa n’a rien à voir, comme elle le croyait, avec Gibbons, son ennemi juré, mais qu’elle est une conséquence de la façon rigide et impulsive avec laquelle elle mène sa croisade anti-corruption.
Intéressant comme intrigue, mais elle arrive beaucoup trop tôt dans la saison.
Ca fait deux épisodes qu’on nous dit que Teresa est vraiment la meilleure des meilleures, et elle se ramasse lamentablement.
Dans l’épisode suivant, c’est encore pire. Elle se fait carrément manipuler par Gibbons, qui pour le coup prend un peu plus d’ampleur. Mais, elle apparaît comme un personnage sans grand sens politique. Il faut qu’elle se mette à Survivor ou James Ellroy… Sa croisade paraît bien compromise et son association avec son ancien partenaire sans grande utilité. Que vont-ils bien pouvoir faire tous les deux sur leurs grands chevaux blancs et avec leurs grands principes ?
Parce que ce n’est pas le flic infiltré qui va être d’une grande aide. Il prend un air complètement dégoûté à chaque fois qu’un gangster fait une entorse à la loi. Et il s’expose en permanence en passant des coups de fil à Wysocki toutes les dix minutes pour donner des infos incomplètes. Bref, comme Teresa, il donne l’image d’un amateur dans un rôle qui n’est pas fait pour lui.
Quant à la nièce, je m’interroge encore sur l’intérêt même de l’existence de ce personnage...
La complexité est pourtant possible sur les networks, comme l’a montrée The Good Wife, mais elle demande du temps et des personnages construits.
[1] J’ai l’impression que "le style fantaisiste très roman noir second degré dans le registre Blade Runner/Charlie Jade", dont parle Rorschach sur le forum est involontaire. Shawn Ryan a insisté énormément sur l’aspect réaliste qu’il voulait donner à sa série. "“I’ve been personally able to provide 114 real Chicago police officers as extras into the show,” he says, “some of them featured and also some with speaking roles. And that, I feel, is really different than other shows, and was very beneficial to myself and the cast, working very closely with the police.”