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The Middleman - Bilan enthousiaste de la première (et unique) saison de la série

The Middleman (Bilan de la Saison 1) : Dub-Dub et Pillow Lips Sauvent le Monde

Par Ju, le 2 septembre 2008
Par Ju
Publié le
2 septembre 2008
Saison 1
Episode 12
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Contrairement à une croyance « populaire », The Middleman n’est pas simplement une série postmoderne à l’esthétique sophistiquée qui traite de l’explosion de la cellule familiale et du passage à l’âge adulte. Non, en réalité, The Middleman est une série postmoderne à l’esthétique sophistiquée qui traite de l’explosion de la cellule familiale, du passage à l’âge adulte, et dont les audiences sont tellement faibles qu’ABC Family préfère ne pas les communiquer. [1]

Parfois, on commence à regarder une série par hasard, sans trop savoir de quoi elle parle, parce que c’est l’été, qu’il n’y a rien d’autre à voir, et qu’on reconnaît vaguement un nom au générique. Parfois, même si c’est rare, le pilote est bien écrit, original, et plutôt intelligent.

Et parfois, encore plus rarement, on tombe tellement sous le charme de la série que deux mois plus tard on ne peut pas s’empêcher d’en dresser un petit bilan sans spoiler pour donner envie à un maximum de gens d’y jeter un coup d’œil.

C’est le cas d’une série comme The Middleman.

Fighting Evil So You Don’t Have To

Dans le septième épisode, au détour d’une scène, le concept de la série est résumé (avec clarté et précision) de la façon suivante : Wendy Watson et son patron, le Middleman (l’Intermédiaire), sont des consultants d’envergure internationale qui résolvent des « problèmes exotiques » pour des corporations, des individus et même des gouvernements.

Une définition tout à fait exacte, mais qui n’éclairera pas forcément ceux qui n’ont jamais vu la série. Pour faire plus simple, chaque semaine dans The Middleman, les « Gentils » débarrassent le Monde des « Méchants ».
Et par « Méchants » je fais entre autres référence à des poissons zombis, un joueur de tuba immortel, une Ligue de Catcheurs Mexicains, ou encore un gorille mafieux à l’intelligence supra-développée. Oh, et c’est important, notons bien que (lorsqu’elle ne sauve pas le Monde) Wendy Watson squatte illégalement un loft avec sa meilleure amie, une autre jeune et adorable artiste photogénique, Lacey.

...

J’ai bien conscience que ce petit résumé en aura déjà fait fuir plus d’un, mais j’avais le choix entre ça, et décrire la série comme un mélange de Men in Black pour l’intrigue et de Gilmore Girls pour les dialogues... Et l’expérience m’a appris que les gens formidables qui lisent pErDUSA peuvent rarement résister à l’appel d’un gorille mafieux à l’intelligence supra-développée qui cite Le Parrain 3 en semant d’énormes peaux de bananes.

generique middleman
Middleman !

Pourquoi j’aime The Middleman
(Et autres commentaires à vocation humoristo-informative)

J’entends déjà les plus réfractaires se demander pourquoi ils devraient regarder une série à l’esthétique sophistiquée de 12 épisodes (et sans doute jamais plus) qui traite de l’explosion de la cellule familiale alors qu’ils n’ont pas que ça à faire. Franchement. Voyons. Un peu de sérieux.
Une question pertinente, certes, à laquelle je n’ai qu’une seule réponse : parce qu’en seulement 12 épisodes (et sans doute jamais plus), la série propose la mythologie la plus complexe et la plus passionnante jamais écrite pour la télévision.

Alors oui, effectivement, ce que je viens d’écrire est complètement faux. La série n’a pas de mythologie à proprement parler. Ce qui fait tout l’attrait de The Middleman, ce sont ses personnages, son humour, et son originalité.
La vraie richesse de la série est là. Les relations entre les personnages évoluent tout au long de la saison, les épisodes précédents ne sont jamais oubliés, ce qui fait qu’on n’a jamais l’impression d’être devant une bête anthologie type « Monstre de la Semaine Contre Protagonistes Bienveillants Mais Amnésiques ».

Même s’ils sont (pour la plupart) réussis, les Monstres de la Semaine ne sont jamais au centre des préoccupations des scénaristes. Non, ce qui les intéresse, c’est trouver des excuses pour faire évoluer leurs personnages dans de nouvelles situations, les faire progresser, et nous en apprendre un peu plus sur eux au passage. Quelque part, on est très proche dans l’esprit des deux premières saisons de Buffy... et maintenant que j’y pense, là, tout de suite, la ressemblance est assez troublante : deux séries plutôt cheap qui ne se prennent pas au sérieux, une grosse louche de pop culture, et beaucoup d’humour.
Oui, The Middleman, c’est carrément du Buffy à l’ancienne.

Avec encore moins d’argent.

J’ai un peu honte, mais il aura fallu que j’arrive à la moitié de mon bilan pour faire le parallèle avec Buffy [2]. Si j’avais réalisé plus tôt, j’aurais pu préparer quelque chose et trouver une paire d’exemples un peu plus précis. Là, ça va faire bizarre d’enchainer directement avec les personnages...
Mais bon.

Pourquoi j’aime les personnages
(Paragraphe 100% garanti sans Buffy)

Comme je l’écrivais plus haut, les intrigues de la semaine sont une occasion (parfois bien tordue) pour les scénaristes de parler de leurs personnages... et surtout de faire parler (beaucoup) leurs personnages. Car si une chose est claire au visionnage de la première saison, c’est que ces scénaristes les adorent.
Comment expliquer autrement qu’ils soient tous aussi attachants, intelligents et pleins de ressources, sans pour autant que leurs relations en deviennent moins intéressantes à suivre ?

the middleman et dub dub
Buffy et... Buffy !

Ce qui marque le plus chez eux, c’est leur capacité à aller au-delà de ce à quoi on pouvait s’attendre. Par exemple, la première fois que j’ai vu l’épisode pilote, j’ai fait l’erreur de prendre le Middleman comme une caricature du héros sans peur et sans reproche.
Or, si le personnage est bien l’archétype du héros tel qu’on ne les voit plus (grand, beau, fort, courageux et infaillible), il est écrit et interprété (par un Matt Keeslar royal) sans aucune ironie, et avec une telle sincérité, que jamais il ne tombe dans la parodie. Il est drôle, certes, mais il n’est pas le bouffon ringard dont on doit se moquer. Le Middleman est droit, juste, il boit du lait, ne jure pas, aime les westerns et la musique country, et reste pourtant complètement fascinant. Mieux encore, au fil des épisodes, on découvre chez lui une certaine mélancolie qui ajoute à sa complexité.

Wendy Watson (Natalie Morales), ou Dubbie, ou encore Dub-Dub (et j’ai quand même mis quatre épisodes à comprendre d’où venaient ces surnoms) joue le rôle du téléspectateur. La Middleman en Formation (c’est son titre officiel) est à la fois notre porte d’entrée dans le Monde de la série, mais c’est aussi une amatrice de cinéma de genre en puissance qui remarque tout haut les facilités scénaristiques lorsqu’elles se présentent. Un procédé que je n’apprécie pas d’habitude, mais qui fonctionne parfaitement ici grâce au ton de l’ensemble. Au passage, la série ne cache pas ses références aux classiques de la SF et du fantastique, bien au contraire, The Middleman trouve toujours des raisons réjouissantes et bien barrées d’en incorporer à l’histoire tout en en justifiant très sérieusement leur existence. Voir par exemple pourquoi il n’y a rien d’étonnant à ce que les conduits d’aération de leur QG soient suffisamment grands pour pouvoir s’y déplacer.
Pour en revenir à Wendy, si elle commence bien la saison comme faire-valoir du héros et otage de la semaine (situation dont elle se plaint elle-même), on la voit évoluer peu à peu, et prendre de l’assurance dans ce boulot qu’elle adore. Un message positif s’il en est, qui passe encore mieux lorsqu’elle en profite pour rendre hommage à Ursula Andress dans Dr. No, ou lorsqu’elle s’infiltre incognito au « Booty Chest », un bar à thème dédié aux pirates avec des serveuses peu vêtues.

Et oui, je sais, c’est une façon classique et un peu révoltante de faire monter l’audience. Mais pour leur défense, ce procédé odieux qui consiste à déshabiller sans raison les personnages est utilisé aussi bien avec Wendy qu’avec le Middleman.
Et c’est d’autant plus innocent que la série va être annulée malgré ça.

Enfin, même si on est devant « The Middleman » et que « Wendy Watson » est au centre des intrigues, mon personnage préféré reste Lacey Thornfield (Brit Morgan), jeune artiste photogénique terriblement adorable. Lacey est peut-être une artiste militante qui passe son temps à défendre de grandes causes, mais encore une fois on est loin de tomber dans la caricature. Lacey n’est pas une activiste casse-couille (passez-moi l’expression) qui s’oppose à tout et n’importe quoi sans raison. Lacey n’est pas une Lindsay Bluth, mais une artiste pleine de personnalité avec ses rituels étranges (Big Yellow Bear) et son univers (Art Crawl !).
Comme elle le dit elle-même, « ce n’est pas parce qu’elle est végétalienne qu’il faut la prendre pour une conne ».

Autour de ces trois personnages principaux gravitent tout un petit monde. On a d’un côté Ida, la secrétaire cyborg sarcastique, et (dans une certaine mesure) Sensei Ping, et de l’autre la communauté d’artistes qui squattent le même immeuble que Wendy et Lacey : Noser, l’alibi ethnique (avouons-le) dont on n’assiste jamais aux représentations, Pip et son monologue de trois heures « Hé ! Monsieur Dieu ! », ou encore Joe 90 et ses sculptures phalliques.

Il en faut pour tout le monde.

pip lacey joe 90
Pip, "Lacey !" et Joe 90

Pourquoi 12 épisodes, c’est bien.
(Mais pas aussi bien que 13)

Souvent, quand une série est annulée (ce qui est, selon toute vraisemblance, le cas ici), il est facile et plutôt agréable de s’en prendre à la chaine, et de maudire ses dirigeants, bien trop occupés à compter leurs sacs de billets pour se rendre compte de ce qu’ils font.
Mais voilà, à l’origine, The Middleman est un épisode pilote écrit en 1999 qui ne trouve pas acquéreur, et dont l’intrigue est transformée (mot pour mot) en comic-book six ans plus tard par son créateur, Javier Grillo-Marxuach. Parce qu’ABC Family a quand même acheté les droits en se basant là-dessus, donné sa chance à la série, et produits 12 épisodes, j’ai un peu de mal à leur en vouloir.

Maintenant, ce que je peux leur reprocher, c’est qu’ils auraient pu se douter que la série n’était pas vraiment adaptée aux téléspectateurs de leur chaine. J’ai un peu de mal à voir en quoi The Middleman peut s’adresser aux amateurs de la gentillette Greek, de The Secret Life of The Crazy Christian Teenager, ou encore de Kyle N’a Pas de Nombril... ne serait-ce que par l’inévitable Blague Salace de la Semaine, qui attirerait les foudres des associations de parents si leurs membres n’étaient pas déjà couchés le lundi à 22 heures pendant la diffusion des épisodes.
Ma Blague Salace de la Semaine préférée, tant que j’y suis, est prononcée par le Middleman, à propos d’un alien qui a pris la forme d’une adolescente en fleur pour se débarrasser d’un Boys Band démoniaque intergalactique : « Let’s try to get there before that little girl sucks the band through a hole. (Pause) In space. »

ABC Family est donc une chaine formidable qui avait tout compris à la série, et montré un soutien sans bornes à ses créatifs. Récemment, Javier Grillo-Marxuach expliquait d’ailleurs dans une interview qu’il était « très satisfait de la façon dont la chaine traite la série »... ce qui est, bien évidemment, le code international pour « Oh mon Dieu ! Aidez-moi ! Ils m’ont fait repeindre les décors, m’obligent à trouver des excuses pour mettre mes acteurs en sous-vêtements toutes les semaines, et veulent me faire prendre une carte au parti Républicain ! ».
Là où je veux en venir (difficilement, mais je vous assure que je veux en venir quelque part), c’est au fait que je n’aurais pas grand-chose à reprocher à ABC Family si elle n’avait pas réduit sa commande de 13 à 12 épisodes, supprimant un season finale à l’intrigue prometteuse et dont les graines avaient été plantées plus tôt dans la saison [3], et transformant l’avant-dernier épisode (réussi, mais anecdotique) en final de la série.

Malgré tout ce que je viens d’écrire, j’arrive quand même à voir en quoi The Middleman avait plutôt sa place sur ABC Family.
Dans l’absolu, c’est une série très positive, une série gentille, pas dans le sens « Hiro de Heroes est gentil et bien brave », mais dans le sens où elle est dépourvue de toute méchanceté, sans pour autant devenir niaise.
Au final, je suis très surpris de voir qu’ils ont réussi à maintenir le ton du pilote sur toute la saison, un mélange de kitch assumé et modernité dans la façon de raconter des histoires, sans tomber dans l’excès, sans s’auto-parodier, et avec talent aussi bien devant que derrière les caméras...

french cuisine kills bunnies
Oh, Lacey...

Sacré Mon Petit Poney ! Dub-Dub, Lacey et Pillow Lips vont me manquer.

Ju
Notes

[1Par soucis d’honnêteté, je me dois de préciser que The Middleman ne parle pas vraiment de l’explosion de la cellule familiale, et que par « esthétique sophistiquée » je fais allusion aux décors en carton pâte.

[2Et le Prix de la Critique la Moins Préparée revient à...

[3Pour en savoir plus sur l’intrigue avortée du dernier épisode, et souffrir d’une intense frustration, je vous conseille cette interview de Javier par le très bon Alan Sepinwall.