Bilan de la Saison 2: L’heure du bilan
Après tout, traîner dans la boue la série qu’il a idolâtrée et annoncée comme la révélation de la décennie la saison précédente, n’est-ce pas ce qu’un pErDUSien sait faire de mieux ? N’est-ce pas la raison même qui le pousse à se lever le matin ?
The O.C., Desperate Housewives, Nip / Tuck, 24... autant de séries adulées ici pendant leurs premières saisons, et descendues impitoyablement par la suite.
Veronica Mars avait elle une chance d’échapper à la malédiction de la voiture... pardon... à la malédiction du départ trop réussi ? Vue la maîtrise quasi parfaite de sa première saison, et le fort capital sympathie dont cette série « qui ne fait pas d’audience, mais on se demande pourquoi parce que tout le monde sans exception à pErDUSA regarde et adore » disposait au sein de la rédaction, la chute, que dis-je, la déchéance semblait inévitable.
Et pourtant, à la rédaction, on a voulu y croire. Jéjé, surtout, qui s’entendait déjà scander à tout va « j’ai été le seul rédacteur de pErDUSA à aimer la Saison 2 de Veronica Mars dès le premier épisode ! ». On a voulu croire que Rob n’avait pas tout donné l’année dernière, et qu’il pouvait nous pondre une deuxième saison qui, à défaut de surpasser la première, ferait aussi bien...
Alors, Veronica a-t-elle été à la hauteur ?
Eh bien oui ! Ou presque... Car si elle n’est pas exempte défauts, et s’il faut bien avouer que la Saison 1 conservera toujours une place particulière dans mon cœur, cette deuxième saison a fait preuve d’une maîtrise et d’une qualité constante sur 22 épisodes que j’ai rarement vue à la télévision.
Bon, assez de teasing comme ça, place aux explications !
Le mystère de la saison : une recette un peu différente de l’an dernier

S’il y a bien un point sur lequel les fans attendaient Rob Thomas au tournant, c’était celui du mystère de la saison. Il se devait en effet d’être aussi prenant, aussi cohérent, aussi ramifié et surtout aussi bien dosé que l’avait été l’enquête sur la mort de Lilly Kane l’an dernier.
Or justement, passé l’enthousiasme qui a suivi le cliffhanger du premier épisode de la saison, qui posait les bases en une quinzaine de secondes mémorables, beaucoup, dont j’ai fait partie, ont commencé à émettre des réserves sur le sujet.
Il faut dire que, à la mi-saison, le mystère me semblait à la fois trop complexe et trop évident (C’est paradoxal, je sais...). Trop complexe parce que, comme tout le monde, je ne comprenais rien à ces histoires d’immobilier et à l’implication des Fitzpatrick dans cette affaire de bus. Et trop évident parce que, malgré tout, il n’y avait pas 36 coupables possibles et, comme beaucoup, je craignais de ne pas être surpris par l’identité de l’assassin.
La structure de l’enquête n’était pas sans défaut elle non plus. Alors que dans la Saison 1, on avançait à peu près au même rythme que Veronica, j’avais souvent cette année l’impression d’avoir une longueur d’avance sur les personnages. Par exemple, Veronica ne comprend la véritable fonction du rat mort que plusieurs épisodes après le téléspectateur. De même, elle ne commence à soupçonner le maire que quelques épisodes avant la fin de la saison, alors qu’on le trouvait tous louches depuis le premier épisode. Bon, soyons honnête, Veronica est loin d’être bête et c’est elle qui a le plus souvent une longueur d’avance sur nous, pas le contraire... Mais, même si ça arrive rarement, on a de temps en temps envie de lui crier « mais bon sang regarde c’est évident ! », et c’est assez frustrant...
Autre réserve concernant la structure du mystère de la saison : j’avais trop souvent l’impression de piétiner pendant plusieurs épisodes en ce qui concerne l’accident de bus.
Alors que l’an dernier l’enquête semblait avancer un peu chaque semaine, cette année on a régulièrement l’impression que Veronica a mis l’accident de bus de côté, jusqu’à ce qu’une nouvelle information ne surgisse de nulle part pour la ramener sur les rails, en général en guise de cliffhanger. C’est d’autant plus frustrant que le cliffhanger en question est rarement approfondi dans l’épisode suivant... Bref, il y a tout un passage à la mi-saison où l’on a l’impression de ne pas progresser du tout en ce qui concerne l’accident de bus (les rares avancées qu’on nous offre, comme la bombe trouvée chez le père de Jackie, étant de toutes évidence des fausses pistes) et, avouons le, c’est un peu énervant de voir le mystère qui nous passionne (enfin, personnellement j’avais très envie d’en savoir plus quand même) délaissé en apparence par l’héroïne et les scénaristes.
Je dis « en apparence » parce que, mine de rien, il s’en passe des trucs dans ces épisodes de mi-saison, et on ne peut pas s’empêcher de pressentir que, sous le flot d’informations diverses et variées qui nous assaillent à chaque épisode, Rob a caché des indices... Mais voilà, il faut attendre la fin de la saison pour en avoir la confirmation, et en attendant la frustration est là...
Certains ont tenté tant bien que mal de justifier cette structure un peu déstabilisante. Pour Conundrum (qui me corrigera si j’ai tort) et d’autres, Veronica ne pouvait pas être dès le départ aussi impliquée dans l’enquête de la saison que l’an dernier sans que cela ne paraisse forcé. En effet, en Saison 1, Veronica enquêtait sur un événement qui l’avait profondément affectée : le meurtre de sa meilleure amie (et peut-être même sa sœur), qui par ricochet avait détruit sa cellule familiale et fait d’elle une paria au sein de son ancienne classe sociale. On pouvait donc aisément comprendre qu’elle s’investisse au maximum dans cette affaire. Cette année, malgré les efforts des scénaristes pour la relier à l’accident de bus, Veronica ne pouvait pas être autant impliquée tout au long de la saison : les victimes étaient nombreuses, certes, mais à l’exception de Meg (qui survécut malheureusement à l’accident, ce qui restera pour moi la seule vraie boulette de la saison) Veronica les connaissait à peine, et il aurait été étrange de la voir mettre cette enquête sur le même plan que le meurtre de Lilly. En conséquence, avant de s’impliquer complètement dans la résolution de l’accident de bus, Veronica (et le téléspectateur) devait d’abord apprendre à connaître les victimes. Et c’est ce qu’elle a fait involontairement. Car, si l’on regarde de plus près les enquêtes des « loners » de la Saison 2, on s’aperçoit qu’une majorité d’entre elles évoquent, à un moment ou à un autre, une victime de l’accident. Du coup, au fil des épisodes, les victimes inconnues de l’accident de bus nous deviennent de plus en plus familières, à nous téléspectateurs comme à Veronica, et lorsque l’excellent épisode « des rêves » se permet de synthétiser tout ça, on est surpris de s’apercevoir qu’on a progressivement appris à toutes les connaître.
Rob Thomas procède donc un peu comme dans la première saison, où on apprenait à connaître Lilly Kane après sa mort au fil des épisodes, par le biais de souvenirs et de flashbacks, sauf qu’ici Veronica est dans la même situation de découverte que nous.
Trop complexe pour être comprise... Trop évidente pour surprendre... Structurée maladroitement... Voilà donc, résumées, les inquiétudes que j’avais à la mi-saison concernant l’enquête de la saison. Alors, après avoir vu l’ensemble, mes réserves étaient elles justifiées ? Oui et non. Mais surtout non heureusement.

Tout d’abord, j’ai constaté avec un soulagement certains que la résolution de l’enquête sur l’accident de bus était à la hauteur, et que l’ensemble était solide et complètement cohérent. Pas de culpabilité surprise sortie de nulle part à la Nip / Tuck, ni de rebondissement tellement improvisés qu’ils obligent les scénaristes à revenir maladroitement sur les épisodes précédents pour tenter de toutélier (« Ah ah ! Vous vous demandez comment j’ai pu me faire sucer alors que je n’avais pas de pénis ? Mais c’est parce que j’avais payé la fille pour faire semblant ! Ah ah ! »). Non, ici, toutes les pièces du puzzle (les histoires d’immobilier, l’attitude de Beaver avec Mac, le rat...) s’assemblent devant nos yeux émerveillés pour former un ensemble cohérent ou compréhensible... ou presque.
Car, il faut bien l’avouer, si j’ai à présent compris dans les grandes lignes le pourquoi et le comment de cet accident de bus, certains éléments restent un peu trop complexes à mon goût. A titre d’exemple, je défie quiconque affirme que l’ensemble est limpide de m’expliquer la signification du dernier rêve de Veronica dans l’épisode 18. De même, si quelqu’un pouvait me résumer le rôle qu’ont joué les Fitzpatrick et Kendall dans cet accident (s’ils en ont joué un), je suis preneur ! Je ne doute pas que l’explication soit là, quelque part au creux d’une réplique ou d’une allusion dans un épisode, mais soyons honnêtes, un petit récapitulatif explicatif aurait été plus que bienvenu dans les derniers épisodes. C’est bien de ne pas prendre le téléspectateur pour un imbécile, mais parfois il est bon de se rappeler qu’il ne travaille pas à Scotland Yard non plus ! Et qu’il a souvent une vie qui l’empêche de regarder cinq fois chaque épisode au ralenti à la recherche du moindre indice !
On n’avait donc pas complètement tort de s’inquiéter de la complexité du mystère à la mi-saison, même si la résolution de celui-ci était heureusement bien plus simple qu’on ne pouvait le craindre (ouf ! l’explication ne repose pas sur des histoires de cours d’actions en bourse et de marché de l’immobilier !). Son évidence apparente était-elle quant à elle une illusion ? Pas complètement : si mes pires craintes (la culpabilité « surprise » du maire ou des Fitzpatrick) ont heureusement été évitées, l’identité du coupable ne m’a pas véritablement surpris, parce que je soupçonnais Beaver sans trop y croire depuis un moment. La faute à quelques indices de trop disséminés dans le dernier tiers de la saison, et en particulier à leur timing un peu maladroit (on nous suggère dans le même épisode que le maire aime bien les jeunes garçons (quand il tâte les biceps de Logan) et que Beaver a eu une expérience traumatisante par rapport au sexe (quand il plaque Mac sans explications après que celle-ci ait tenté de franchir le cap avec lui)... forcément c’est louche !) J’étais loin d’être certain, évidemment, mais LA révélation de la saison ne m’a pas fait le même effet « coup de massue » que l’an dernier, où jamais la culpabilité d’Aaron ne m’avait traversé l’esprit. C’est dû en partie aussi à la forme de l’épisode final : alors que dans la Saison 1, l’effet de surprise (oh mon Dieu c’est Aaron sur la vidéo avec Lilly !!!) était immédiatement suivi par l’explication (Veronica revisitant le meurtre sous nos yeux), cette année on a d’abord droit à un gros « Oh my God » de Veronica lorsque celle-ci aperçoit le nom de Beaver sur la photo, puis 5 minutes plus tard la confirmation qu’elle pense qu’il est le coupable, puis encore 5 minutes plus tard les détails et explications, qui n’arrivent que quand l’effet de surprise est passé depuis un bon moment. Résultat, j’ai cru un instant à une dernière fausse piste, et j’ai été un peu déçu qu’il n’y ait pas d’ultime rebondissement de ce côté-là... Et je pense honnêtement que l’impact de la révélation aurait été bien plus puissant si les explications concernant Beaver étaient arrivées immédiatement.
Cela dit, même si l’identité du coupable ne m’a pas autant laissé sur le c... que je l’aurais souhaité, le dernier épisode réservait malgré tout quelques révélations bien sympathiques. La première, c’est celle qui touche au viol de Veronica. Je m’étais douté, quand elle cherchait l’origine de sa MST, qu’elle s’était vraiment faite violer à la fête où on l’avait droguée. Mais, je l’avoue, je n’avais absolument pas fait le lien avec Beaver., et j’ai donc été agréablement surpris par cette histoire. De même je n’avais absolument pas vu venir les révélations concernant la société immobilière montée par Kendall et Beaver (celui-ci avait parié contre la re-incorpotation tout en faisant chanter le maire pour l’obliger à monter un mini-scandale qui ferait échouer celle-ci). Ainsi, même si l’identité du coupable avait été devinée par beaucoup, Rob a su ménager quelques surprises à ses fans pour le Season Finale.
Oui oui ! Une recette différente de l’an dernier !
Je suis sûr que personne ne s’en rappelle, mais dans ma review du premier épisode de la Saison 2, Urine Trouble, j’avais dit que Rob Thomas avait repris la recette du Season Premiere de la Saison 1 : une enquête banale et pas très stimulante pour Veronica, entrecoupées de flashbacks qui posaient la base des différents mystères de la saison tout en expliquant les relations tendues entre les personnages. J’avais raison en ce qui concerne cet épisode (j’ai toujours raison) mais par contre, à l’échelle de la saison, Rob Thomas est loin d’avoir repris la recette de l’an dernier.
Je m’explique. L’an dernier, malgré toutes ses ramifications, le mystère de la saison était malgré tout centré sur une question qui cristallisait notre intérêt : « Qui a tué Lilly Kane ? ». Par conséquent, si l’identité du tueur avait été trop facile à deviner, comme cette année (où c’était pourtant loin d’être évident), beaucoup auraient été déçus et l’ensemble serait retombé comme un soufflé. Du coup, les indices sur la véritable identité du tueur étaient très rares (seuls quelques détails concernant la personnalité d’Aaron permettaient de rendre la révélation crédible, mais rien ne permettait de le soupçonner plus qu’un autre jusqu’à l’avant dernier épisode, et encore) et les révélations et indices au fil de la saison se concentraient sur les autres aspects de l’enquête (la filiation de Veronica, le viol, la condamnation d’Abe Koon...). Le plaisir lors de la résolution du mystère, l’an dernier, reposait donc essentiellement sur l’effet de surprise : on était ravi de ne pas avoir vu venir du tout l’implication d’Aaron (ou les révélations concernant l’inceste ou le viol de Veronica), mais on pouvait difficilement repenser à l’ensemble de la saison en se disant « comment j’ai pu ne pas le voir venir plus tôt ? ».

Cette année, le plaisir lié au mystère est différent. On est pas complètement surpris par les révélations, qu’on avait souvent vu venir en partie, mais par contre on est ravi de voir s’assembler sous nos yeux de manière complètement cohérente les pièces d’un puzzle qu’on n’arrivait à interpréter et à relier que partiellement jusque là. En gros, Rob Thomas a choisi de donner beaucoup plus d’indices cette année, pour donner au fan la possibilité de réfléchir et, peut-être, de trouver. A l’heure où Internet permet aux fans du monde entier d’échanger leurs théories en un instant dès la fin d’un épisode, c’était un gros risque. C’est ce qui explique, selon moi, la structure un peu différente de cette saison : reliés trop tôt à l’accident de bus, les indices éparpillés auraient été trop évidents, d’où l’obligation de les en détacher, de les faire parvenir au téléspectateur et à Veronica de manière anodine pour ne pas trop éveiller le soupçons, et donc de ne pas les étiqueter « indices sur l’enquête principale » dès qu’ils apparaissaient dans un épisode. D’où les problèmes de structures dont j’ai parlé plus haut et cette impression qu’on avait souvent que l’accident de bus avait été oublié, alors qu’on collectait sans le savoir une foule d’indice sur le sujet...
Rob Thomas n’a rien inventé, me direz vous, n’importe quel auteur de roman policier a déjà utilisé cette technique. C’est vrai. Mais il faut reconnaître que le format « série » de Veronica Mars lui était particulièrement adapté : alors que dans un policier on ne se laisse pas berner à croire que tel ou tel événement étrange n’a aucun rapport avec le mystère, le fait que Veronica Mars soit une série télé avec des loners et des personnages secondaires pas forcément liés à l’enquête contribuait à tromper plus facilement l’attention du téléspectateur.
En conclusion, Rob Thomas a osé, l’air de rien, nous offrir un mystère différent dans le fond comme dans la forme et le risque s’est révélé payant. Certes, beaucoup pourront dire que ça n’était pas « aussi bien » que l’an dernier. Mais ce n’est pas parce que le cahier des charges n’a pas été rempli, c’est juste parce qu’il a changé en ne cherchant plus à plaire de la même façons. Et je pense que, plus encore que la Saison 1, la Saison 2 s’appréciera énormément au second visionnage, ne serait-ce que pour voir tous les indices qui étaient là dès le premier épisode et qu’on a manqué.
Des personnages parfaitement intégrés à l’intrigue de la saison
L’autre point fort de Veronica Mars, c’est indéniablement ses personnages. Ce sont eux qui nous font revenir chaque semaine, plus encore que le suspense lié aux enquêtes. Ces personnages complexes, attachants, remarquablement interprétés, qui ne sombrent jamais dans la caricature... et surtout, surtout, qui servent tous à quelque chose !
C’est peut-être le point qui m’aura le plus impressionné cette saison : malgré leur nombre conséquent, tous les personnages sans exception ont été intégrés de près ou de loin à l’intrigue... Pas un seul boulet parmi les nouveaux, pas un seul personnage dont on se demande avec amertume à quoi il sert cette année parmi les anciens. Même ceux qui ne sont pas directement impliqués dans l’accident de bus servent à quelque chose, soient en tant que sidekick de Veronica (Wallace qui permet d’humaniser notre héroïne, et qui sert aussi de lien avec Jackie... je n’avais pas d’affection particulière pour le personnage l’an dernier, mais son absence dans 5 épisodes d’affilé cette année a prouvé à quel point il était utile à l’équilibre de la série), soit en étant intégré à une intrigue secondaire (Weevil et Logan ont leur propre enquête en solo qui, si elle se révèle moins passionnante et surprenante que l’accident de bus, permet de très bons développements de ces personnages).
Pas de Lynette, de Dawn ou de Dixon dans la Saison 2 de Veronica Mars donc... C’est d’autant plus impressionnant quand on sait que certains personnages, comme Jackie ou Kendall, ont été imposés à Rob Thomas pas la chaîne.

Jackie est, pour moi, une véritable réussite : introduite comme la nouvelle « bitch in town » au début de la saison, elle a réussi à s’imposer comme un personnage attachant grâce à la finesse de l’écriture et à celle du jeu de son interprète. Elle n’a jamais été cantonné à un seul rôle, que ce soit celui du « love interest » de Wallace, de l’arch-nemesissss de Veronica ou de la fille du suspect numéro un dans l’enquête sur l’accident de bus... Du coup, malgré une introduction qui paraissait un poil forcée, elle a été parfaitement intégrée à la série. J’aime aussi la relation qu’elle a développé avec Veronica : leur amitié n’a pas été imposée aux spectateurs, on sent simplement qu’un respect mutuel s’est installée entre les deux filles au fil des épisodes, sans que cette évolution paraisse jamais forcée. Bref, Jackie n’a rien du boulet qu’on pressentait, et elle me manquera réellement l’année prochaine... Je dirais bien, d’ailleurs, que c’est dommage d’introduire un bon personnage pour une seule saison, mais soyons honnêtes : à part Veronica et Keith, et éventuellement Logan (et encore...), aucun personnage n’est indispensable à la série, et la politique du « on garde les personnages populaires dans le coin et on verra bien plus tard si on leur trouve quelque chose à faire » ce n’est pas le genre de Rob Thomas !
D’ailleurs, puisqu’on parle de personnages interchangeables, je dois bien reconnaître que Duncan ne me manque pas. Pourtant, je m’étais surpris à apprécier le personnage, et à trouver le couple qu’il formait avec Veronica assez mignon (ils ont de très belles scènes en début de saison, à la fois réalistes et touchantes, comme celle où Duncan réalise qu’il a oublié de parler du bal à Veronica tellement y aller avec elle lui semblait évident). Mais il faut reconnaître que la série fonctionne plutôt bien sans lui, et je préfère voir le personnage disparaître tant qu’il sert encore à quelque chose plutôt que de s’incruster sans avoir de véritable rôle. Et puis, même si le triangle amoureux Duncan - Veronica - Logan fonctionnait bien (parce que Rob Thomas avait eu la bonne idée de rendre Duncan plus intéressant), sa résolution aurait été trop évidente pour qu’il garde son intérêt tout le long de la saison.
Les circonstances de ce départ m’ont par contre un peu déçu : le bébé n’était pas forcément une mauvaise idée, mais c’est surtout la survie très pratique de Meg à l’accident de bus le temps d’accoucher qui m’a dérangé... je sais que la chaîne l’a imposé, mais ça reste pour moi l’intrigue la plus bancale de la saison... Heureusement que l’épisode du départ en question était excellent avec toutes ses fausses pistes et ses rebondissements !
En ce qui concerne Kendall (encore un personnage imposé par la chaîne), j’ai eu des doutes beaucoup plus longtemps, et il faut bien reconnaître que Rob Thomas donnait parfois l’impression de ne pas trop savoir quoi faire du personnage en la faisant apparaître dans des scènes souvent drôles mais rarement très utiles à l’intrigue (même l’aide qu’elle a apporté à Aaron pour piéger Duncan aurait pu provenir d’un autre personnage...). J’étais d’autant plus ravi de la voir projetée tout à coup au cœur du mystère de la saison dans le 19eme épisode, dans un retournement de situation que je n’avais pas du tout vu venir et qui m’avait beaucoup rassuré quant à la maîtrise de cette saison. Et même s’il s’agissait finalement d’une fausse piste, ses petites magouilles avec Beaver qui la reliaient directement à l’intrigue principale prouvent qu’elle n’était pas là uniquement pour faire de l’audience en montrant son bikini.
Enfin, pour conclure, je dirai que Rob Thomas pratique la politique du personnage « utile » à la perfection, en ayant trouvé juste le bon équilibre entre la fonction du personnage dans la série et l’attachement du téléspectateur à celui-ci. Alors que certaines séries, comme Battlestar Galactica, n’utilisent leurs héros qu’à travers leur fonction et leur place dans la mythologie et l’intrigue (d’où l’ennui relatif qu’on ressent devant les loners centrés sur la psychologie de tel ou tel personnage... ce n’est pas une critique, la série fonctionne très bien comme ça, mais si un jour Ron Moore décide de faire une pause dans la mythologie pour centrer un épisode sur les couples du Battlestar, je ne suis pas sûr qu’il réussira à produire quelque chose d’intéressant), Rob Thomas a réussi à créer une multitude de personnages qui, s’ils sont essentiellement là pour être au service du mystère de la saison, sont suffisamment bien dessinés et interprétés pour qu’on ait plaisir à suivre leurs petites intrigues secondaires, aussi insignifiantes semblent-elles...
Une petite critique cependant concernant les personnages : l’absence de continuité qu’il y avait parfois dans leur relation d’un épisode à l’autre. Ce fut rare, certes, mais les scénaristes ont une ou deux fois installé des tensions entre deux personnages pour oublier de les explorer par la suite. Je pense notamment à la scène, très forte, où Keith s’aperçoit qu’il a été manipulé par Veronica et déclare qu’il ne pourra plus jamais lui faire confiance... J’attendais impatiemment de voir la nouvelle dynamique qui allait s’instaurer entre le père et la fille, et j’ai été assez déçu que les conséquences de leur dispute n’aient pas (ou très peu) été traitées. De même en ce qui concerne la scène où Veronica vient déclarer sa flamme à Logan pour s’apercevoir qu’il a passé la nuit avec Kendall : l’intensité de sa réaction sur le moment contraste avec son attitude presque normale face à lui dans l’épisode suivant (après nous avoir rappelé en voix off qu’elle n’avait pas envie de lui parler, elle va l’interroger pour son enquête presque comme si de rien n’était). Rob Thomas a reconnu ces deux erreurs dans une interview, en expliquant que les scénaristes ne soupçonnaient pas que le jeu de acteurs donnerait tant d’intensité à la scène (l’écriture d’un épisode étant déjà terminé lorsque le tournage de l’épisode précédant commence, les scénaristes ne peuvent pas voir ce que donnent la scène à l’écran lorsqu’ils écrivent la suite). C’est une excuse qui se tient mais, maintenant que Rob Thomas sait qu’il a un cast impeccable à sa disposition, il faut qu’il en tienne compte !
Pour finir, j’aurais aimé vous parler de l’évolution de Veronica dans cette Saison 2... Vous savez, avec une analyse de son comportement, une interview de psy et tout et tout. Le problème, c’est que je ne suis pas certain de comprendre exactement où Rob Thomas a voulu en venir avec son héroïne... Ce n’est pas une critique : en fait je le soupçonne tout simplement d’avoir voulu peindre un personnage vrai et humain. Parce que, dans la vraie vie, on n’a pas forcément une révélation à la fin de l’année qui bouleverse à jamais notre manière d’agir et notre personnalité.
Ce qui est certain, selon moi, c’est qu’il y a une vraie absence de manichéisme dans le traitement du personnage. Après tout, la Veronica qu’on connaît est née avec le meurtre de Lilly Kane, qui l’a détachée de ses anciens amis et de son ancienne classe sociale. Par conséquent, il aurait été facile pour Rob Thomas d’accentuer au maximum le contraste entre son ancienne et sa nouvelle vie, et d’opposer une Veronica aux cheveux courts drôle, intelligente, dégourdie, et généreuse à une Veronica aux cheveux long ennuyeuse, pas très fute fute et plus snobe que sympa. Mais, comme toujours, Rob Thomas refuse le raisonnement simpliste qui nous présenterait les événements violents responsables de la transformation de Veronica comme une sorte d’épiphanie salvatrice.
Je me suis longtemps demandé à quoi servait le rêve de Veronica dans le Season Finale, où celle-ci imagine sa Graduation si Lilly n’avait jamais été assassinée. En y réfléchissant, je crois qu’ils sont simplement là pour nous montrer que Veronica, malgré les apparences, regrette encore son ancienne vie et que non, elle ne considère pas la perte de sa meilleure amie, de sa mère et de ses repères comme la meilleure chose qui lui soit jamais arrivée. Bien sûr, dans ce rêve, elle n’est pas la Veronica Mars qu’on connaît... mais elle n’est pas non plus une pimbêche ou une idiote pour autant (alors que dans beaucoup de séries, on l’aurait vu traiter Wallace avec mépris dans cette réalité alternative, elle se montre ici plutôt sympathique à son égard). Et, surtout, elle semble heureuse. Réellement heureuse.

En parallèle, la vie de la vraie Veronica, celle qui a vécu le traumatisme de Lilly Kane, ne nous est pas présentée comme préférable. Ce n’est pas un hasard, à mon avis, si la révélation que Veronica a été violée par Beaver a été placée dans le même épisode que ce rêve idyllique. Et les souffrances n’ont pas non plus fait d’elle un être parfait ou apprécié de tous : au fil de la saison, Rob Thomas nous a montré certains aspects peu reluisants de sa personnalité (égocentrique, égoïste, manipulatrice...elle est loin d’être parfaite malgré toutes ses qualités). Certes, Veronica a droit à quelques applaudissements enthousiastes lors de la remise des diplômes, mais on est loin du prix de Protectrice de la promotion que ses camarades avaient offert à Buffy en Saison 3.
Je compare avec Buffy parce que, justement, les schémas à l’origine des deux séries se ressemblent : une blonde populaire et un peu superficielle qui, suite à un événement traumatisant sur lequel elle n’a aucun contrôle (Buffy apprend qu’elle est l’Elue, Veronica voit ses repères s’effondrer suite au meurtre de Lilly) se retrouve héroïne malgré elle. Dans les deux cas, son nouveau statut l’éloigne de ses anciens amis (les O-Niners pour Veronica, Cordelia et compagnie pour Buffy) mais lui permet de s’en faire de nouveaux, parmi ceux qu’elle aurait qualifiés autrefois de losers, qui se révéleront bien plus loyaux que les précédents. Et, au fil des épisodes, notre héroïne en viendra à accepter et à apprécier ces changements dans sa vie, qui auront fait d’elle une personne plus forte, au point de ne plus souhaiter revenir à la normale (Buffy s’inquiète lorsqu’elle perd ses pouvoirs, Veronica continue d’enquêter sur l’accident de bus même lorsqu’elle n’est plus directement impliquée) et de devenir un brin égocentrique.
Mais voilà, si dans les grandes lignes, ça se ressemble, c’est beaucoup plus subtil et moins tranché dans Veronica Mars que dans Buffy (Et c’était déjà assez subtil dans Buffy !). Veronica a fini par accepter la situation et apprécier ses avantages, mais je l’imagine difficilement dire à Wallace à la fin d’un épisode « Qu’est-ce que je suis contente que Lilly se soit fait fracasser le crâne, que ma mère se soit enfuie et qu’on m’ait violée quand même, ça a changé ma vie ! ».
J’ai pris l’exemple de Veronica parce que c’est l’héroïne, mais ça vaut pour tous les personnages ou presque de la série. Il n’y a qu’à regarder notre coupables de l’année pour s’en convaincre : à la fois victime et bourreau, Beaver attire notre compassion autant que notre antipathie.
Ce refus de caricaturer, cette volonté de rendre ses personnages les plus humains possibles, est à mon sens l’une des plus grande qualité de Veronica Mars.
Une réalisation, une musique et d’autres trucs qui tiennent la route
Pour finir, j’aimerais m’étendre quelques lignes sur un aspect un peu moins acclamé de la série : sa réalisation. Sans être esthétiquement irréprochable (certains plans, notamment dans l’épisode final, oscillent entre l’originalité et la maladresse, et le montage manquent parfois un peu de fluidité), la série a su trouver un style élégant (j’aime beaucoup les tons rouge - ocre des intérieurs en lumière tamisé du bureau de Keith ou du salon de Veronica qui contrastent avec les plans ensoleillés des couloirs du lycée), fait souvent preuve d’inventivité pour compenser son manque de budget (je pense notamment à l’accident de bus hors caméra du premier épisode, grandiose), nous a offert quelques grands moments cette année, par exemple l’épisode des rêves que j’ai trouvé visuellement superbe.
Il serait aussi scandaleux de parler de Veronica Mars sans évoquer sa bande son, qui est tout simplement for-mi-da-ble. Pas de Coldplay ou de Sarah McLachlan à la fin de chaque épisode, mais des morceaux superbes d’artistes souvent peu connus qui semblent chaque fois avoir été écrits pour la série et accompagnent leur scène à la perfection (Aaaah, les Pixies ! Aaaaah, Sway des Perishers !) Même si la série devient nulle l’an prochain, je crois que je resterai pour la musique !
Enfin, que serait Veronica Mars sans de bons dialogues et de bons acteurs ? Probablement une enième version de Smallville que seul Joma aurait le courage et le temps de regarder ! Pas besoin d’argumenter ou de vous donner des exemples, toute personne ayant déjà regardé la série a forcément remarqué l’intelligence des dialogues, bourrés de références et d’humour, et le jeu impeccable des acteurs, capables de passer de l’humour au drame en un battement de cil ou un tremblement de voix. ‘Nough said !
En guise de conclusion...

Pas d’inquiétude à avoir, la Saison 2 de Veronica Mars était bien à la hauteur de nos espérances !
Bien sûr, elle n’est pas sans défauts... Bien sûr, elle n’a pas tout à fait autant de charme que l’agréable surprise qu’avait sa Saison 1 (vous savez, cette série dont on n’attendait rien et qui nous surprenait plus agréablement à chaque nouvel épisode)...
Mais elle a malgré tout réussi à nous offrir 22 épisodes de très bonne facture (souvent excellents, et juste biens, dans le pire des cas), un mystère complètement cohérent bien qu’un peu trop complexe, et une galerie de personnages riches et intéressants.
La série est bien plus maîtrisée que l’an dernier sur presque tous les plans, et l’on sent bien que devant comme derrière la caméra, l’équipe est plus à l’aise et que chaque détail ou presque a été mûrement réfléchi... Et même si, parfois, le côté plus spontané et naturel de la première saison me manque un peu, j’ai passé un excellent moment devant cette saison 2 de Veronica Mars, oasis de qualité au coeur d’une année télévisuelle un peu terne en ce qui concerne les séries que j’ai regardées. Vive Rob Thomas, vivement la Saison 3, et croisons les doigts pour que Veronica survive plus de 13 épisodes sur CW !