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#07 - Comment le Général de Gaulle a empêché le développement du 16/9e en France...

lundi 4 avril 2005, par pascal28

Lorsque l’on fait le tour des télévisions européennes, on constate que le 16/9 a été adopté de manière courante sur les chaînes nationales dans de nombreux pays. La Belgique, l’Allemagne ou les Pays Bas en proposent de nombreuses heures par jour en diffusion analogique et en Grande Bretagne la BBC est capable de proposer sur l’ensemble de ses chaînes en numérique la quasi totalité de ces programmes dans ce format. A contrario, en France aucune chaîne nationale ne propose de 16/9. Seules 2 chaînes à péage sont aujourd’hui capables de proposer du vrai 16/9 et seulement en numérique : Canal Plus et Cinécinéma Premier. Pourquoi une telle différence d’un pays à l’autre ? Y a-t-il un espoir pour que du vrai 16/9 soit enfin visible en masse sur les écrans français ? Pour essayer de le deviner, je vous propose de regarder vers le passé pour essayer de comprendre les évènements qui nous ont fait aboutir à cette situation.

L’utilisation du secam, la source du problème ?

Dans les années 60, la télévision était en noir et blanc. A travers l’Europe, divers laboratoires ont essayé de trouver une solution pour diffuser de la couleur. En 1966, la norme PAL développée par les allemands a été mise au point et a très vite été choisie par de nombreux pays. Quelques temps plus tard, les français mettent au point une autre norme pour diffuser en couleur : le SECAM qui semblait être techniquement un peu plus performant que le PAL. Mais commercialement, c’était trop tard : le PAL était déjà utilisé par de nombreux pays. Pour la France, le Général de Gaulle a imposé l’utilisation du SECAM. Mais comme le PAL était déjà largement utilisé, les pays encore en noir et blanc ont préféré choisir la norme qui était déjà la plus diffusée.
Si on fait le bilan, le PAL a réussi à conquérir la quasi totalité de l’Europe (et même bien plus avec une partie de l’Asie, de l’Amérique du Sud et l’Australie) alors que le SECAM n’est utilisé que par la France, quelques rares pays d’Afrique et la Russie.

Face à ce constat, on comprend assez facilement la différence de poids commercial entre le PAL et le SECAM.

L’arrivée du 16/9

Lors des premières tentatives de télévision haute définition, il a été décidé d’en profiter pour lancer un nouveau format d’image plus proche des prises de vues cinéma : le 16/9. Si les premières normes de télévision haute définition n’ont pas été conservées, les industriels ont continués à développer ce nouveau format d’image.
Bien entendu, pour avoir des images 16/9, il fallait du nouveau matériel de production mais aussi de nouveaux canaux de diffusion compatibles avec ces nouvelles normes.
Le principal problème pour mettre en place ce nouveau format, c’est que ces diffusions devaient à la fois permettre la diffusion de cette nouvelle norme tout en restant compatibles avec les téléviseurs de forme classique (les 4/3).
Avec les modes de diffusions analogiques classiques, il n’y a que très peu de solutions pour diffuser une image filmée en 16/9 : il faut choisir quel type d’écran doit être utilisé de manière optimum.
Si on transmet une image 16/9 dans des conditions optimums pour des téléviseurs 4/3, il faut adopter le letter box (qui consiste à conserver le format original de l’image en ajoutant des bandes noires en haut et en bas). Si on utilise ce signal avec un écran 16/9, il est possible de zoomer le signal 4/3 afin de faire disparaître les bandes noires. Dans ces conditions, on a bel et bien une image 16/9 mais la résolution est déplorable car celle-ci est altérée d’1/3 par rapport à une image transmise pour un téléviseur 16/9 (car on utilise moins de lignes pour encoder l’image que dans une diffusion pour écran 16/9 ; une partie étant utilisée pour les bandes noires). Mais le mode de diffusion classique est encore la solution la moins mauvaise pour rester compatible avec l’ensemble des téléviseurs du marché et conserver le format original de l’image sur tous les écrans sans problèmes de déformation.
Si on transmet l’image pour les écrans 16/9, l’image reçue sur un écran 4/3 sera déformée, ce qui n’est donc pas vraiment exploitable...

Face à ces problèmes de compatibilité il a fallu trouver une solution pour rendre la diffusion analogique hertzienne compatible avec le format 16/9 dans de bonnes conditions tout en restant compatible avec le téléviseurs 4/3.
Devant le marché colossal que représente les téléspectateurs utilisant le PAL, les industriels ont assez vite cherché à résoudre ce problème. Cette démarche a abouti à la mise en place du PAL+. Grossièrement, cette nouvelle norme consiste à diffuser une image en letter box parfaitement compatible pour les téléviseurs 4/3 en encodant des lignes supplémentaires dans les bandes noires pour améliorer la résolution des écrans 16/9 zoomant cette image diffusée pour des écrans 4/3.

Dès que cette norme a été mise en place, de nombreuses chaînes européennes ont progressivement décidé de l’adopter afin d’améliorer la diffusion des images dont la captation avait été faite en 16/9.

Mais malheureusement, à cause de la trop petite taille de son marché, aucun industriel n’a mis en place une norme basée sur le SECAM permettant d’améliorer la qualité des images reçues par les écrans 16/9 français.

En se voulant légérement provocateur, on pourrait dire que le Général De Gaulle est donc le responsable de l’impossibilité de la diffusion 16/9 analogique en France, en raison de son choix d’imposer une norme française qui n’avait pas de réelle plus value technique face à une autre norme déjà largement utilisée. De par la taille des différents marchés, le PAL a évolué au fil des innovations technologiques alors qu’à cause de ses faibles débouchés, le SECAM n’a presque pas évolué depuis la fin des années 60.

Bref, pour la diffusion analogique en France, il semble que l’on aura jamais de 16/9, d’autant que l’analogique et le SECAM vivent leurs dernières années avant d’être remplacés par le numérique.

Mais puisque cette norme est vouée à disparaître, on peut aussi en tirer un bilan sur d’autres points. Le SECAM a coûté très cher au consommateur à cause de sa faible utilisation à l’échelle mondiale, il l’a obligé à payer plus cher des téléviseurs spécialement développés pour la France et utilisables exclusivement ici. De plus la qualité de fonctionnement a bien souvent été très discutable car ces produits étaient régulièrement des appareils conçus pour le PAL bricolés pour être compatibles SECAM. Et comme leur fonction première était le PAL et que le SECAM n’était là qu’en "dépannage", la qualité de restitution d’image en France de ces produits était très souvent bien en dessous de ce qu’ils étaient capables de faire hors de nos frontières... Bien entendu, ce n’était pas que le téléviseur qui était concerné par ce problème, mais la totalité de l’équipement audiovisuel (caméra vidéo, magnétoscope, etc.) plus chers pour des rendus moindres.

Le 16/9 en numérique par satellite

Cette fois-ci, l’absence de diffusion numérique française en 16/9 n’est pas due à une tentative de la jouer solo avec une norme que personne d’autre n’utilisait. Il s’agit simplement du résultat du risque que l’on prend lorsqu’on est les premiers sur une nouvelle technologie : on essuie les plâtres et les conséquences peuvent être longues avant de disparaître.
Lors du lancement du numérique par satellite, il a fallu inciter les gens à remplacer leur matériel de réception analogique par du matériel compatible numérique. En France, le parc de réception analogique se résumait principalement aux abonnés de Canal Satellite. Et vu le faible nombre d’abonnés et les économies que Canal Satellite allait réaliser en diffusant en numérique, le bouquet n’a pas hésité à faire de nombreuses offres aux abonnés analogiques (allant jusqu’à financer la mise à jour de l’installation) pour les faire migrer vers cette nouvelle norme.
Du coté de l’étranger, comme la Grande Bretagne et l’Allemagne, le parc de récepteurs analogiques était très important, ce qui a provoqué une migration assez progressive et très tardive.

Etre les premiers à se lancer n’est pas toujours une bonne chose. En effet, les récepteurs coûtaient très cher (prés de 4000 FF) ce qui fait que Canal Satellite et TPS ont décidé de faire louer les récepteurs aux abonnés pour rendre la technologie accessible. Et lors de la conception de ces récepteurs, la gestion du 16/9 en numérique n’était pas très souple. Lors de l’envoi d’un signal 16/9, il n’était possible de configurer le récepteur que de deux manières pour la restitution sur un écran 4/3 :

- soit on zoomait l’image (ce qui sacrifiait les cotés),

- soit on restituait toute l’image mais celle-ci était déformée (car trop large pour rentrer dans un écran 4/3).

La solution trouvée pour satisfaire tout les monde (possesseurs de 16/9 et de 4/3) fut de diffuser la même chaîne sur 2 canaux simultanément : un pour les écrans 4/3 (qui restituait une image en letter box dans le cas de sources en 16/9) et un pour les écrans 16/9. Inutile de dire que cela coûtait très cher à la chaîne : diffusion d’une seule chaîne pour le prix de 2 !
Canal Satellite a donc fait l’effort de proposer 2 chaînes en double diffusion. De son coté TPS a lui aussi assuré un service minimum tant que les diffusions 16/9 étaient subventionnées par l’UE en proposant quelques programmes des chaînes nationales en 16/9 et en effectuant de temps à autre sur les chaînes cinéma une des diffusion des certains films en 16/9 aux heures creuses.

Devant ce problème, les industriels ont essayé de trouver une solution : ils ont mis au point une puce qui, à partir d’un signal en 16/9, est capable de le convertir pour envoyer l’image vers le téléviseur sous forme d’image pour 4/3 en letter box. Ne reste plus alors à l’utilisateur qu’à indiquer dans le menu du récepteur le type d’écran utilisé. Et avec un seul flux, il est possible de recevoir la chaîne de manière optimum sur les écrans 4/3 comme sur les 16/9.

Bien entendu, les britanniques qui ont lancé leur bouquet numérique un peu après la bataille ont pensé à intégrer ces puces dans les récepteurs mis à la location. Ce qui a pour conséquence d’avoir une diffusion quasi généralisée en numérique des chaînes nationales et de nombreuses chaînes à péage (dont les chaînes cinéma) en 16/9. Il est amusant de constater que même des chaînes de téléachat utilisent ce format large !

Bien entendu, pour solutionner le problème, Canal Satellite et TPS n’aurait qu’à modifier les récepteurs loués pour leur intégrer la puce. La solution paraît simple, mais cela aurait un coût colossal pour les bouquets car il faudrait développer de nouveaux terminaux et en mettre plus de 3 millions à la poubelle ! Un gros doute subsiste donc sur la rentabilité économique de cette opération... Cela apporterait-il suffisamment de nouveaux abonnées pour rembourser ces dépenses ?

Nos bouquets nationaux ont donc préféré choisir le statut quo en se contentant du service minimum. De plus, maintenant que l’on commence à parler de télévision HD, pour laquelle il faudra développer de nouveaux récepteurs, il y a fort à parier que la diffusion numérique par satellite en qualité standard ne connaîtra plus aucune évolution et que le passage vers plus de 16/9 sera effectué en même temps que le lancement de la HD.

Hélas pour les téléspectateurs, la fierté des opérateurs français d’avoir été les premiers d’Europe à passer en numérique a eu pour conséquence l’impossibilité de proposer du 16/9 pour des coûts de diffusion raisonnables. Que se serait-il passé si la France avait attendu un peu ? Peut-être que cette fameuse puce aurait été intégrée dans les récepteurs de Canal Satellite et TPS... Peut-être le 16/9 serait aujourd’hui plus largement présent...

La TNT : un espoir

Pour faire simple, la diffusion TNT n’est qu’une déclinaison de la diffusion numérique par satellite. Pour les industriels, il est très facile de repartir sur les bases de récepteurs satellites numériques largement éprouvés pour les adapter à la TNT : toute la partie logicielle est quasiment identique. Il est donc très facile de gérer les signaux 16/9 avec la puce dont on a parlé plus haut. Comme, aujourd’hui, le parc de récepteur TNT est inexistant, il est aisé de le rendre immédiatement compatible 16/9.
Pour la France, la TNT pourrait bel et bien être l’espoir d’une diffusion 16/9 généralisée, à en croire les annonces faites par certaines chaînes. Arte et NRJ 12 ont ainsi déjà fait savoir leur intention de proposer du 16/9... les autres vont-ils suivre ? C’est la grande inconnue, mais cette fois-ci, l’espoir est permis.

Conclusion

De par cet exemple, on constate que dans le cas de technologie de masse, il est très important de faire le bon choix au bon moment afin de ne pas se retrouver techniquement isolé ou de ne pas utiliser des produits inachevés pouvant nous handicaper pendant des années. Espérons que les français ne feront donc pas les mêmes erreurs avec la HD !

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