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Better Call Saul

1.10 - Better Call Saul

Parce que vous avez regardé Breaking Bad...

lundi 13 avril 2015, par Ju

Depuis dix semaines, tous les mardis sans exception, je me dis qu’il faut que j’écrive quelque chose sur Better Call Saul, la série dérivée de Breaking Bad. Depuis dix semaines, tous les mardis sans exception, je décide que j’ai encore besoin d’en voir un épisode avant de me lancer. Oups ?

L’avantage d’avoir « attendu » la fin de la saison pour en parler, c’est que je n’ai plus aucune raison d’écrire une présentation de la série. De toute façon, après un simple « Better Call Saul est la série dérivée de Breaking Bad qui met en scène Saul Goodman » je ne sais pas trop ce que j’aurais pu vous apprendre.

Du coup, c’est un bilan en bonne et due forme de la première saison de Better Call Saul que je vous propose ici. Un bilan où je vais essayer de vous parler de la série avec tout l’enthousiasme qu’elle a su générer en moi pendant neuf semaines, en oubliant autant que possible sa conclusion, plutôt décevante.

Mais j’y reviendrai.

Better Call Saul, une série dérivée

Breaking Bad étant un des plus gros succès populaires de ces dernières années, je ne peux pas trop en vouloir à AMC d’avoir voulu en produire une série dérivée.

Pourquoi donc devraient-ils s’arrêter à des détails comme « la série est finie » alors qu’ils peuvent encore en tirer plus d’argent ? Donc oui, des séries dérivées de The Walking Dead, de Breaking Bad et de Mad Men, des dernières saisons coupées en deux, tout est bon pour faire durer le plaisir. (Le plaisir du comptable d’AMC.)

Mais même si j’accepte tout à fait les besoins financiers pour la chaine, cela ne veut pas dire pour autant que j’étais impatient de découvrir Better Call Saul, une série dont la seule raison d’être était de profiter du succès de son ainée. Car, indépendamment du résultat final, l’idée de base c’était bien ça, la série ayant était commandée avant que quiconque ait la moindre idée de ce qu’elle allait bien pouvoir être ou raconter.

(Il y aurait sans doute tout un article à écrire autour du développement de Saul. Entre l’arrivée tardive de Vince Gilligan sur le projet, les retards au démarrage, les premières interviews parlant d’une comédie dont les épisodes feraient une trentaine de minutes... il est clair que la priorité absolue était de lancer la série le plus tôt possible, pendant que Breaking Bad était encore dans les esprits, et non pas du côté créatif.)

A partir de là, tout l’enjeu de la première saison de Better Call Saul était, pour moi, de justifier l’existence d’une série centrée sur Saul Goodman, second rôle pas désagréable en soi mais auquel je n’étais pas plus attaché que ça.

De ce point de vue, le contrat est parfaitement rempli.
S’il a fallu attendre le deuxième épisode de la série pour que j’y accroche vraiment (au cours de la séquence de négociation avec Tuco dans le désert), à ce stade il s’agissait plus d’une certaine forme de nostalgie que d’un intérêt véritable pour Saul. C’était comme voir un vieux groupe jouer un de leurs classiques : Michelle MacLaren filmait une scène tendue entre trafiquants de drogue dans le désert du Nouveau-Mexique, on était comme à la maison.

Mais ça ne suffisait pas. Et, fort heureusement, les épisodes suivants ont su me convaincre, séquence réussie après séquence réussie, que Better Call Saul pouvait être autre chose qu’une simple série dérivée de Breaking Bad ronronnant gentiment dans l’ombre de sa grande sœur.

Et elle a su le faire en embrassant de plein corps un de ses aspects les moins glorieux : en plus d’être une série dérivée, Saul est aussi une préquelle.

Better Call Saul, une série préquelle

En dehors de sa séquence d’ouverture silencieuse, l’action de Better Call Saul se déroule entièrement plusieurs années avant le début de Breaking Bad.

Il s’agit d’une préquelle, ou antépisode, utilisez le terme que vous voulez, dont l’histoire est par définition antérieure à celle qu’on connait déjà. Hors, comme toute personne ayant un minimum observé la culture pop ces dernières années, je sais que les préquelles sont rarement de bonnes idées. Genre, très rarement.
On sait déjà que Saul Goodman va finir en cavale, seul, après ses magouilles avec Walter White. On connait déjà la fin de l’histoire. A quoi bon revenir sur ses origines et les circonstances sans doute artificielles qui l’ont conduit au crime ? Disons simplement qu’en se lançant dans ce genre d’aventure (une série dérivée... préquelle !), Peter Gould a tout fait pour qu’on n’en attende pas trop de sa série.

Et pourtant... pourtant, quand la saison 1 de Better Call Saul a le mieux fonctionné pour moi, vers les épisodes 7, 8 et 9, c’est justement parce que je savais pertinemment que le projet de Jimmy McGill, Défenseur des Vieux, était voué à l’échec. Malgré tous ses efforts, son travail, malgré toute sa bonne volonté, Jimmy allait échouer, il allait devoir devenir Saul d’une façon ou d’une autre. Et cette transformation promettait d’être douloureuse car, à ma très grande surprise, j’en étais arrivé à apprécier énormément le personnage.

Au cours de cette première saison, Bob Odenkirk m’a très agréablement surpris. Il était drôle quand il devait l’être, pathétique à d’autres moments, charmant, faible, attachant, plein de nuances... vraiment excellent, vraiment surprenant, parfaitement à sa place à la tête d’une série. Mais la question n’est même pas là.

Car, il faut le dire, Odenkirk a était parfaitement servi au niveau de l’écriture. Il faut un certain temps avant de s’en rendre compte, mais Jimmy McGill n’est vraiment pas Saul Goodman. Et c’est une excellente chose.
Que Gilligan et Gould aient fait de Jimmy un mec bien (bien plus que Walter White au début de Breaking Bad) était un coup de maitre. Bien loin de Saul Goodman, Jimmy est un avocat décent qui fait tout son possible pour ne plus être le petit arnaqueur de sa jeunesse. Tout l’intérêt de la série, et sa force, devient alors de voir comment des éléments extérieurs font tout pour le faire rechuter, épisode après épisode. Personne ne veut d’un Jimmy honnête. Pas Nacho, qui l’engage dans un but criminel. Pas les Kettleman, qui le traitent « d’avocat pour gens coupables ». Et certainement pas son frère, Chuck, qui le considère comme un moins que rien, et dont la violence des propos à l’encontre de Jimmy fait de l’avant-dernier épisode un des moments les plus forts de la saison.

On s’attache donc à Jimmy, beaucoup, et beaucoup plus que ce à quoi on pouvait espérer. Et on découvre, avec lui, qu’il est tout à fait possible d’être impliqué par une histoire dont on connait déjà la fin.

Better Call Saul, une série à part entière ?

Avec Better Call Saul, on a donc une série qui a réussi à justifier son existence, indépendamment de son statut de série dérivée. On a également une série qui a réussi à raconter quelque chose de neuf et d’engageant, malgré son statut de préquelle.

Pour autant, je ne suis pas sûr que ça soit suffisant pour en faire une série à part entière.

J’ai plutôt envie de considérer ces dix premiers épisodes comme une mise en bouche, la confirmation qu’il y a bien une série à développer, cachée, là, sous les considérations financières qui ont mené à sa création. Une promesse pour la suite. Une introduction à un univers, que j’ai beaucoup appréciée, certes, mais rien de plus qu’une introduction.

Très intelligemment, et avec prudence, cette première saison est restée centrée sur Jimmy le plus longtemps possible. Il était nécessaire de bien mettre en place son personnage avant d’espérer aller plus loin et élargir son univers. Le passage de relai fait à Mike à la fin du quatrième épisode, qui précède sa véritable transformation en second rôle de la série, était particulièrement bien pensé et a permis de suivre les deux personnages indépendamment l’un de l’autre dans le reste de la saison sans perdre en cohérence narrative.

Malheureusement, cela ne suffit pas tout à fait. Du côté du reste de la distribution régulière de la série, Chuck prend de l’épaisseur tard en fin de saison, Kim reste trop énigmatique (le personnage est sympathique mais n’existe que par sa relation avec Jimmy), Hamlin se cantonne au rôle d’antagoniste basique, et Nacho ne fait que de la figuration (ce qui est dommage, Michael Mando étant très charismatique dans ses brèves apparitions).

Il reste encore donc pas mal de boulot à faire pour que la série arrête de se reposer entièrement sur les épaules (compétentes) de Bob Odenkirk. Et, à mon sens, il reste pas mal de choses à explorer avant que Jimmy devienne Saul Goodman... ce qui fait que je ne m’explique pas du tout le final, très décevant, de cette première saison.

On a donc eu neuf épisodes qui ont bien pris leur temps pour développer Jimmy et faire qu’on soit impliqué dans ce qu’il devient. La trahison horrible de son frère et le discours tout aussi horrible qui suit (un discours qui, sachant ce que devient Jimmy, est parfaitement prémonitoire, c’est ça qui est bon) ouvraient de belles portes pour la suite.
Et malgré ça, malgré toutes ces précautions, le final prend un raccourci. Je suis sûr que ça n’est pas aussi simple que ça et que Jimmy ne commencera pas la saison 2 en se faisant appeler Saul Goodman et en ayant mis sa conscience complètement au placard, mais c’est l’impression que le final donne. Si ça n’avait été qu’un épisode en milieu de saison, un retour sur les origines d’arnaqueur de Jimmy, pourquoi pas, ça serait passé (quoique, le petit montage bleu et rouge serait resté ridicule). Mais en tant que final, et en tant que dernière image laissée d’une saison qui m’avait autant plu, j’ai du mal à cacher toute ma déception.

C’est inquiétant, donc. Ça ne retire pas grand-chose à une première fournée d’épisodes ayant autant réussi à déjouer les nombreux pièges dans lesquelles elle aurait pu tomber, certes. Mais merde, ça a un côté assez rageant d’être passé à deux doigts d’une vraie et belle réussite pour la première saison « d’une série dérivée préquelle reposant sur un second rôle un peu grotesque ».

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