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Deadwood

3.12 - Tell Him Something Pretty

You done fucking good. - I did fucking nothing...

mercredi 4 octobre 2006, par Feyrtys

En conclusion de cette ultime saison de Deadwood, pas d’explosion, pas de cliffhanger, pas de règlement de compte, mais une note pessimiste (devrais-je dire, réaliste) : au far-west, les pires ordures finissent toujours par gagner.

Al avait-il la moindre chance de remporter une bataille contre Hearst ? On a beau y avoir cru, on a beau avoir misé nos pions sur le patron du Gem Saloon et chef incontesté du camp de Deadwood, faisait-il le poids face à Hearst, richissime exploitant minier, psychopathe obsédé par le pouvoir, allié des Pinkertons et du Gouverneur ?

La réponse est non. Et si Al n’y pouvait rien, ce n’est pas Bullock qui aurait pu accomplir quoi que ce soit.
Alors que Deadwood organisait sa première élection démocratique, le camp a en réalité connu son premier coup d’état...

Personne ne peut plus se mesurer à Hearst, ni le provoquer, ni lui forcer la main. Il a assassiné Ellsworth pour obtenir ce pour quoi il restait à Deadwood : la concession d’Alma. Et il l’a eue. Ni Al, ni le sheriff, n’ont pu faire quoi que ce soit pour prévenir ces événements. Seul Charlie Utter, le bon Charlie, continue à traiter Hearst comme une vermine de bas étage. Pour cela, il aura ma reconnaissance éternelle. Charlie a en effet réussi à rester éloigné de Hearst, davantage que Bullock et qu’Al par exemple. Charlie n’a visiblement pas peur du magnat de l’or, et lorsqu’il se fait un plaisir de le réveiller en pleine nuit pour lui annoncer qu’un cercueil est arrivé, avec son nom dessus, on ne peut que se satisfaire de cette provocation. Hearst ne sait d’ailleurs pas comment traiter Utter, et c’est cela qui est le plus jouissif. Alors qu’il a réussi à prendre l’avantage sur toutes les personnalités de la ville (sauf Ellsworth, qui l’a proprement insulté lors du premier entretien avec Alma), Hearst n’a pas réussi à soumettre Charlie Utter, homme d’apparence rustre, qui n’a rien d’un héros à la Bullock ni d’une forte tête à la Al. Charlie est simplement le type auprès de qui il ne faut pas jouer les malins, parce qu’il n’a rien à perdre dans le jeu dangereux que joue Hearst : il n’a pas une Alma à protéger, ni un camp qu’il a construit et qu’il contrôle. Charlie, en apparence, n’a que Charlie. Ce qui fait de lui un intouchable.

C’est le jour des élections tant attendues à Deadwood. En début de saison, il paraissait inenvisageable que quelqu’un d’autre que Bullock puisse devenir sheriff, et qu’une autre personne que Sol puisse être élu maire. Pourtant, ce ne sera pas le cas. Harry Manning, le timide ami de Nuttal, obnubilé par sa caserne de pompier, sera le nouveau sheriff de Deadwood. E.B. Farnum restera maire. Et Hearst continuera, même de loin, à contrôler le camp. Il a truqué les élections en postant une garnison de soldats à proximité ; des soldats détachés par le Gouverneur Pennigton en personne. Ces soldats peuvent donc participer aux élections et assurer que les candidats choisis par Hearst soient élus.

Les hommes de Hawkeye et de Wu sont prêts (enfin si on peut faire confiance à ce saoulard de Haweye) en cas d’échauffourées ; mais il faut avouer que les Pinkertons, dans leurs costumes trois pièces et leurs attitudes de conquistadors, semblent bien plus préparés et mieux armés que les hommes de Swearengen.

Tout est donc réglé. Hearst a récupéré la concession d’Alma. La pauvre femme ne peut même pas le regarder dans les yeux au moment de signer. Et Hearst ne peut s’empêcher de pavaner. Ce qui vaudra à Bullock sa meilleure réplique :
« Can’t shut up ! Every bully I ever met can’t shut his fuckin’ mouth... except when he’s afraid. »
Alma, pour pouvoir rester à Deadwood sans risquer sa vie ni celle de Sofia, doit donc vendre la totalité de sa concession à Hearst, celle pour laquelle elle s’est battue, depuis le début, contre Al, contre sa famille et contre les Pinkertons. Et celle qui lui a permis d’ouvrir une banque. Alma se retrouve deux fois veuve, et dépossédée de ce qu’elle a construit. Mais pouvait-on imaginer une fin heureuse pour qui ce soit à Deadwood ? Difficilement.

Hearst est donc sur le départ pour le Montana, dans la région de l’Anaconda, pour y exploiter du cuivre. Mais avant de partir, il ordonne à Al de lui donner le corps de la prostituée qui lui a tiré dessus après l’assassinat d’Ellsworth. Il demande le corps de Trixie.

Heureusement, le subterfuge de notre ex-prostituée préférée a fonctionné : en montrant ses seins et en soulevant sa jupe, Trixie a réussi à divertir l’attention de Hearst et il ne fera sûrement pas la différence entre Trixie et une autre silhouette identique. D’où le plan d’Al... Tuer Jen à la place. Jen est une prostituée que nous avons aperçue au Gem Saloon plusieurs fois au cours de la saison. Elle et Johnny semblent proches, c’est pourquoi Al annonce son plan à Johnny, par respect pour lui. Déboussolé, Johnny demande à Al d’être celui qui l’assassinera... Mais ne peut se résoudre à le faire...
Al est donc obligé, une fois de plus, de se salir les mains. Voilà qui le différencie un peu plus de Hearst d’ailleurs... Il fait venir Jen dans son bureau et l’égorge, la pauvre n’a rien vu venir. De son côté, Trixie n’a pas peur de mourir, dit-elle, mais Sol réussit à la convaincre de rester auprès de lui. La scène est touchante, comme toutes les scènes entre ces deux-là... Trixie ne s’est pas radoucie au contact de Sol, mais elle l’aime, et il l’aime, et leurs tempéraments, si opposés, les rapprochent au final. Trixie ne mourra pas pour avoir voulu venger la mort d’Ellsworth. Mais à sa place, une fille innocente sera sacrifiée...

Moi qui croyais qu’Aunt Lou aurait le cran d’empoisonner Hearst, j’avais bien tort. Hearst quitte Deadwood bien en vie, plus riche et plus puissant qu’il ne l’était à son arrivée, et à son compteur, la mort de plusieurs innocents.

La seule touche d’espoir et de réconfort, nous le retrouvons dans le couple le plus émouvant et le plus poétique de Deadwood, Jane et Joanie, l’alcoolique qui jure plus vite que son ombre et l’ex-prostituée dépressive. Lorsque Joanie avoue à Jane qu’elle veut être pour elle ce que Charlie Utter est pour elle, moi, j’ai mon petit cœur qui fond. Et lorsque Joanie enveloppe Jane de la fourrure de Wild Bill, donnée par Charlie pour elles, j’aurais presque la larme à l’œil. Ce qui a commencé par deux solitudes réunies pour un peu de chaleur finit par une véritable relation amoureuse. Je ne pouvais pas espérer mieux pour Jane et Joanie.

L’ex-employée de Cy Tolliver a trouvé la force d’affronter son ancien proxénète. Pas pour l’accuser de tous les mots de la terre, mais pour lui dire à quel point il compte pour elle. Ca peut paraître masochiste, même stupide, mais Joanie ne peut se défaire de Cy, malgré tout. Elle l’aime à sa façon. Elle est en vie, en partie grâce à lui, comme elle lui avoue :
Cy : What the fuck do you want ?
Joanie : I’ve been thinking about you is all.
Cy : (scoffs) Help me understand cunt, Lord.
Joanie : Saying the other night you oughtn’t come inside that school, Cy, don’t feel I don’t wish you well.
Cy : Buy some lines in the paper, Joanie. Let the public know.
Joanie : I know you meant that for me in your way.
Cy : What ?
Joanie : Meant me well.
Cy : If it’s Christmas, where’s the fucking snow, or the fucking harp music or the like ?
Joanie : If it wasn’t for you, I’d have died a long long time ago. Some happiness has come into my life now, and I’m grateful I didn’t.
Cy : My lines are women, liquor and rigged games of chance. Are you playing ?

Cet aveu bouleverse tellement ce vieux serpent visqueux qu’il en perd la raison momentanément. Du haut du balcon du Bella Union, d’où il n’a jamais eu le pouvoir dont il rêvait, Cy poignarde Leon dans l’entrejambe. Puis il menace Hearst avec son revolver, qui, sur sa diligence, s’apprête à quitter Deadwood, et devient sans le vouloir une cible parfaite pour Tolliver. Mais Cy se retourne au dernier moment sur Janine, victime facile, nouvelle prostituée qu’il appelle « Stupid » pour mieux la contrôler. Janine ne doit sa vie qu’à son corps, qu’elle offre de désespoir à son tortionnaire. Et pour la première fois, Hearst échappe de près à la mort. Ironie, quand tu nous tiens, c’est son servant le plus fidèle qui est le plus dangereux dans cet épisode...

Ce ne sont pas les menaces proférées par Bullock qui feront peur à Hearst et l’empêcheront de revenir à Deadwood si bon lui semble. Charlie essaye de rassurer Seth en lui expliquant que ne rien faire, parfois, c’est encore la meilleure solution... Pas la plus facile à vivre avec tous les jours, mais celle qui vous garantit de rester en vie un peu plus longtemps, probablement. Et pour quelqu’un qui a autant de mal à se contrôler que ce cher Bullock, on peut presque dire que c’est un miracle qu’il soit encore en vie à la fin de cette saison.

La saison se termine sur une note on ne peut plus sombre.

Comme le dit Al à la tête d’Indien dans sa boite (reliquat de la saison un) :

This fucking place is gonna be a fucking misery. Every fucking one of them, every fucking time I walk by, “Ooh, how could you ? How could you ?” With their big fucking cow eyes. The entire fucking gaggle of ‘em is gonna have to bleed and quit before we can even hope for peace. What’s the fucking alternative ?

Effectivement, les options ne sont pas nombreuses, et peu encourageantes.

Hearst quitte un Deadwood dévasté par sa présence, même si le camp tient toujours debout.

Cette saison aura eu un rythme particulièrement lent, et les différentes histoires développées l’auront été à petits pas. Mais jamais la tension n’est redescendue, depuis le premier épisode jusqu’au dernier. Aucune scène, aucun dialogue n’auront été inutiles, aucun personnage n’aura été de trop. Deadwood a de nouveau excellé, tant au niveau de l’interprétation, que du scénario, de la photographie et de la mise en scène.
J’aime cette conclusion, j’aime que Hearst soit resté invaincu, qu’Al ait perdu un doigt, que Dan ait failli y laisser sa peau, que Seth Bullock ait été impuissant face à la pire ordure que Deadwood ait connue. J’ai aimé le jeu du chat et de la souris entre Al et Hearst, la naïveté d’Alma, la colère toujours vive de Trixie, l’évolution du couple Seth/Martha. J’ai adoré le chemin pris par le couple formé par Joanie et Jane, j’ai adoré la présence de Jack Langrishe dans cet univers si éloigné des théâtres de Boston ou de New York. En apparence homme de goût et de culture, Jack est aussi manipulateur et rusé que son ami Al, à qui il ressemble bien plus qu’il n’y paraît. La seule chose que j’aie regrettée, c’est l’absence notable de Doc Cochran... Mais au moins, il n’est pas mort !

Il ne fait aucun doute que Deadwood aurait mérité une quatrième saison, comme cela avait prévu par David Milch dès le départ. Une quatrième saison pour donner au camp de Deadwood une fin digne de ce nom. A la place, nous aurons deux téléfilms d’une durée encore indéterminée. Probablement quelque chose d’environ une heure et demie... Trois heures vont-elles suffire à raconter la fin de Deadwood ? J’ai confiance en David Milch, mais je ne peux m’empêcher de penser que HBO a, encore une fois, (après Carnivàle) annulé une série un peu trop tôt...


Une dernière fois, merci aux transcripts de chatarama , qui m’ont aidé plus d’une fois à décrypter certains morceaux de dialogues.

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