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Max’ Investigations

Enquête N°6

Les bébés de Friends

lundi 21 juin 2021, par Max

Oui, Friends était problématique. Oui, Friends a eu des coups de mous. Mais oui, désolé, Friends est une référence. La preuve, alors que je ne voulais plus en parler pour l’apprécier comme le doudou qu’il est à l’ombre des shitstorms et apologies, je ne peux m’empêcher de disséquer son impact comme ma première souris en 5ème.

Alors que je viens de terminer mon revisionnage glouton de Friends (grâce au très réussi podcast, A.M.I.E.S où Mary Telling et Anaïs Bordages discutent Friends comme des friends), je me dis qu’il n’y a plus grand chose à dire sur la série. On l’a ausculté dans tous les sens et les mêmes conclusions reviennent, encore et encore. Donc à quoi bon ?
À bon que Friends a incontestablement fait des bébés. Comme The Office en a eu (Parks And Recreation, Modern Family), la série plus vieille que moi (désolé pour ceux pour qui ce n’est pas le cas) a inspiré des scénaristes, a construit des schémas dans le parcours d’un groupe, fait l’objet de références méta (coucou Michael dans The Good Place).

How I Met Your Mother : c’était presque ça

Il y a une filiation logique, deux points communs évidents entre Friends et How I Met Your Mother : le groupe et la longevité. Celle qui a pris la relève sur le corps encore frais de son aîné a su féderer le public autour de dynamiques similaires, quitte à recycler certaines situations et course à la réplique culte, tout en épousant son époque avec une narration inventive. Elle est représentative d’une décennie, et a compris elle aussi que sa principale force, c’était l’alchimie de son casting, recréant (avec plus de difficultés et de faussetés) ce sentiment de famille no matter what.

Je ne suis plus un grand fan de How I Met Your Mother. Je le fus mais elle résiste bien mal l’épreuve du temps (à la fois en la revoyant aujourd’hui et à travers ses saisons). Mais ses deux premières saisons sont tellement dantesques, ont apporté un tel vent de fraîcheur dans une télévision lénifiée par la mort de Friends, qu’elle a réussi à se détacher de l’ombre de sa grande soeur pour être son propre objet culturel, certes moins important, mais toujours présent et c’est la marque des grandes.

Cougar Town : avec du vrai vin à l’écran

Bill Lawrence a réussi sa sortie post-Scrubs avec Cougar Town [1], une comédie (presque) méconnue où Courtney Cox devient une cougar qui va finalement trouver son Chandler dans un groupe dysfonctionnel. Au-delà de rassembler quelques figures de Friends (seuls David Schwimmer et Matt Leblanc ne passeront pas une tête), elle pousse la notion de groupe un cran au dessus, en dévoilant par son excentricité les liens parfois toxiques que l’on peut avoir les uns sur les autres à travers cet indéfectible sentiment d’appartenance.

Cougar Town, c’est comme s’ils avaient tous déménagé de New-York pour enfin reconnaître qu’ils sont un peu alcooliques et que Ross était si aigri qu’il était devenu Christa Miller ou peu importe le personnage qu’elle joue. Ça fonctionne quasiment tout le temps si on se laisse emporter dans ce délire à la croisée des sitcoms (Community leur fait coucou), c’est la preuve que Friends n’est pas une marque à vie et que ses actrices peuvent reprouver qu’elles sont immenses (Lisa Kudrow approves this message).

Happy Endings : The Crown

Mais la vraie descendante, la princesse héritière, c’est Happy Endings, sans doute aucun. Elle est la synthèse de tout ce qui est passé auparavant et a su se construire en le faisant oublier. Le groupe, les relations envahissantes, les couples qui se font et se défont, les galères professionnelles et intimes, elle a tout avalé et fait à sa sauce.

J’avoue vouer un mini-culte (avec mes quelques fervents compères, wink wink) à ce que David Caspe a fait en 57 épisodes. Il a réussi à me faire oublier que la bande de référence, c’était Chandler, Phoebe and cie. J’ai retrouvé une famille - complètement jetée, certes - mais des gens avec qui j’avais l’impression de passer de vrais moments. Et à voir que les acteurs aussi prenaient un plaisir dingue à jouer aux idiots à Chicago (et non plus New York).

Parce que c’était aussi ça, Friends. Des amis qui travaillent ensemble. Et je pense sincèrement que c’est une grande partie du succès des séries qui s’en inspirent : on ne peut pas faire une bande avec un tempo comique dingue sans qu’ils s’amusent, sans qu’ils ne s’estiment, sans qu’ils s’aiment, en fait.

Et maintenant ?

Et maintenant, plus grand chose. Et ce n’est pas grave. Les sitcoms forment un modèle puis s’en affranchissent et ça reviendra. L’influence de The Office s’est bien atténuée au fil du temps, il était aussi temps que cela arrive à Friends également.

Non, le problème vient plutôt du fait que l’ensemble des sitcoms ne parvient pas à réinstaller des modèles, peu importe où ils sont. Nous sommes dans une télévision qui ne prend plus le temps, en témoigne la néanmoins réussie Girls5Eva [2] et toutes ses sœurs nées sur les plateformes. On a plus l’opportunité de passer des heures entières, des années complètes, des rentrées joyeuses et de mois de mai tristounes avec ces personnages. La dernière grande sitcom de groupe, Mom, vient de tirer sa jolie révérence et je ne vois personne pour les tenir toutes vivantes.

Alors oui, Friends est un parangon de la pop culture, on ne peut s’empêcher d’en parler, mais elle a aussi des sœurs qui ont pris la relève, qui ont corrigé (ou pas) ses problèmes et le constat est qu’il n’y a plus grand monde pour continuer à grande échelle.

Ça, c’est triste [3].


Je n’avais pas vu l’épisode - ou pas épisode - de réunion en écrivant cet article. C’est chose faite. Et ils sont beaux avec leurs kilos en trop, leurs chirurgies, leurs casseroles qui se voient sur leur visage, ils sont beaux. Ah et le rire de Lisa Kudrow hein.

[1Je le retiendrais même beaucoup plus pour Cougar Town que pour Scrubs. Désolé, je fais mon coming out (mais tout le monde le savait déjà) : je n’aime pas Scrubs. Je la trouve bonne au demeurant, sympathique et drôle dans certains de ses moments mais ses personnages m’insupportent. Déso pas déso.

[2Vraiment, foncez, c’est par Meredith Scardino mais ça transpire le Tina Fey et c’est drôle et c’est fun et Renée Elise Goldsberry !!

[3Mais il y a plein d’autres comédies qui savent dire autant, sous d’autres angles et d’autres formats. Pas une n’a l’aura malheureusement, remerciez l’apogée de la dramédie en 30 minutes, mais ça ne leur enlève pas de leur génie.