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Chronique N°8

Merci, Amy et Aaron

mercredi 12 septembre 2012, par Conundrum

Il y a quelques années, la FOX, lors de ses upfronts [1], a fièrement clamé vouloir prouver que l’idée que le public n’était pas présent devant son écran l’été était un concept d’un autre temps.

La chaîne avait proposé un programme de diffusion sur une année complète avec trois grilles : celle de la rentrée, celle de la mi-saison et celle de l’été. Enthousiasmé à l’idée que les mois de juillet et août n’allaient plus être le désert télévisuel tant redouté, j’ai vite déchanté devant l’application plus que décevante de cette politique.

Ayant un régime composé à 90% de séries de networks et une intolérance assez élevée aux séries du câble, l’excitation des épisodes de sweeps de Mai est teintée par l’approche de plus en plus angoissante de ce jeûne sériel. Je sais que l’été est une saison faite pour se mettre à jour avant la rentrée prochaine sur les séries que nous n’avons pas réussi à suivre pendant la saison. Oui mais voilà, sans le rythme de diffusion imposé par les networks, j’ai tendance à épuiser mon stock d’inédits avant même le début officiel de l’été, ou de ne pas aller au terme de l’intégrale si la série a le malheur d’enchaîner une vague d’épisodes trop peu enthousiasmants.

C’était résigné que je commençais cet été 2012. Pourtant, il y a une micro tendance dont je n’avais pas entièrement conscience qui allait rendre cet été spécial : le retour des vrais showrunners.

C’est bien connu, la télévision n’est pas un terrain fait pour les stars américaines. Même au plus haut des cachets ridicules des stars de cinéma des années 90, un acteur connu n’a que très rarement fait le succès d’une série. Sinon, on parlerait encore du Damages de Glenn Close. Nos Will Smith et Brad Pitt à nous, c’est Joss Whedon et David E. Kelley. Le problème est que, quand ils ne se tournent pas vers le cinéma, ils se font rares ces dernières années.
Mais cet été, nous avons été témoins du retour de deux grands d’entre eux : Amy Sherman-Palladino avec Bunheads et Aaron Sorkin avec The Newsroom.

Sans la WB, et dans l’état désastreux dans lequel se trouve NBC (où la star phare de la chaîne est passée de Martin Sheen à un capucin en moins de 10 ans), c’est sur le câble que nous les avons retrouvés. Et presque indépendamment de la qualité de leurs séries, ils auront été le fil conducteur de mon été. Même si Sorkin arrive sur le câble une bonne quinzaine d’années trop tard [2], qu’on aime ou pas ses séries, il faut dire ce qui est, l’homme ne déçoit pas.

Je n’ai pas réussi à dépasser ma déception initiale face à The Newsroom. Même si les critiques semblent plus clémentes sur la fin de l’été, j’ai peur que mon agacement envers la série teinte le plaisir que j’éprouve devant mes intégrales régulières de Sports Night ou The West Wing. Malgré tout, Sorkin a une qualité que j’admire : il n’a pas peur de la confrontation.

A l’époque de Heroes, il était insupportable de voir Tim Kring s’excuser à chaque début de saison de la piètre qualité de la précédente. Sorkin, tout comme Palladino, accepte volontiers le débat sans s’écraser. Plus que la série, c’est la discussion autour de The Newsroom en elle-même qui m’a plu. Après avoir adressé la misogynie qui transpire de son œuvre, il y a eu quelques articles plus positifs sur l’œuvre de Sorkin et principalement sur l’idéalisme de la série.

Avec Sorkin, il était facile de niveler le débat vers le bas avec ses déboires sentimentaux et les problèmes en coulisses. C’est bien là tout son problème. Lorsque ses œuvres ne sont pas du niveau des premières saisons de The West Wing ou de Sports Night, la presse spécialisée US a trop tendance à descendre l’auteur via sa vie personnelle. Ainsi, lorsque The West Wing perdait de sa superbe, on parlait plus des problèmes de drogues que de son prestigieux drama. The Newsroom n’aura pas failli à la règle. Mais si on oublie les passages sur sa vie sentimentale et le renvoi/non renvoi de ses scénaristes, le débat est redevenu intéressant sur la fin de saison.

Maintenant que nous nous sommes fait à l’idée que Sorkin sans Schlamme, ce n’est pas la même chose, il est plus facile de juger des forces de The Newsroom. Je ne suis pas encore prêt à reprendre la série, mais tout comme Iris le précisait dans son dernier billet, j’aime l’idéalisme de Sorkin. A une époque on où valorise beaucoup les anti-héros (Walter White et Don Draper en tête de ligne), l’écriture pompeuse et moralisatrice de Sorkin reste motivée par un idéalisme trop absent des dramas actuels. A défaut d’être une excellente série, The Newsroom met ce constat en avant.

Dans un autre registre, je pensais Gossip Girl, 90210 et en gros tout ce que diffusait ABC Family et la CW ne me feraient plus jamais m’attarder sur un teen-show. Je pensais aussi que les séries à la Northern Exposure, Ed et Gilmore Girls sur des petites villes atypiques des États-Unis étaient d’un autre temps.
Et il a fallu Bunheads d’Amy pour que je réalise que je me trompais. Et pourtant, la première fois que la presse a parlé de Bunheads, c’était pour adresser une critique simpliste et non fondée [3] sur le racisme de la série. Amy Sherman Palladino n’ayant pas sa langue dans sa poche, et je m’attendais à un gros clash public où j’allais forcer tout pErDUSA a porter des t-shirts « Team Amy ». Et là encore, Amy m’a prouvé que j’avais tort.

Au lieu de se lancer dans un débat stérile, Amy refuse d’adresser cette critique et aborde des sujets beaucoup plus intéressants dans ses interviews. Tout l’été, elle nous a expliqué l’intérêt d’avoir des scènes dansées sans rapport direct avec la narration de l’épisode. Elle nous a montré les différences de production entre la WB et ABC Family, le seconde visant le même public délaissé de la première. Elle est revenue sur ses échecs (la fin de Gilmore Girls, Jezebel James, son pilote non commandé par la CW) et sur les différences entre Bunheads et Gilmore Girls. Mais surtout, en protégeant la série d’un faux procès public, elle a laissé la série parler d’elle-même.
En bon showrunner, elle a su mener le débat et nous accompagner pendant tout le visionnage de sa série. Et elle a pu le faire sans que notre attention soit partagée avec la vingtaine de nouvelles séries que la rentrée nous propose.

Grâce à Amy et Aaron, j’ai passé un meilleur été que celui de l’année précédente en me demandant pourquoi je continue Torchwood. Et rien qu’à l’idée de penser à toutes ces fiches des nouvelles séries qu’on va devoir rédiger, je commence à regretter que l’été soit déjà fini…


[1Les conférences de presse annonçant la grille de la rentrée

[2Oui, les saisons 3 et 4 de Sports Night sur Showtime, j’y ai cru, moi !

[3Difficile de faire autrement en moins 140 caractère, Shonda !

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