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Iris in Treatment

Session N°8

How the Other Half Live

mercredi 17 avril 2013, par Iris

Depuis sa saison 2, Shameless est l’une de ces séries dont l’écriture m’inspire un respect mêlé à une certaine angoisse.

Si beaucoup de téléspectateurs s’arrêtent sur les aspects trash de la série, qui effectivement ne manquent pas, la réduire à cela reviendrait à réduire The Wire à l’histoire d’une bande de dealers et de camés.

Shameless est avant tout l’histoire d’une famille, dysfonctionnelle à en crever, qu’on aimerait ne pas être réaliste mais qui l’est malheureusement bien plus que beaucoup de celles que la télévision nous propose aujourd’hui. La famille, plus que ce groupe de gens qui s’aiment et ont des petites disputes prêtant à rire que nous présente Modern Family (et tant d’autres avec elle), c’est toute la palette de sentiments que l’on retrouve dans Shameless, saison après saison.

C’est ne pas pouvoir s’empêcher d’aimer quelqu’un qu’on aurait toutes les raisons de haïr, et continuer à espérer que cette fois il changera. C’est souhaiter de tout cœur que quelqu’un qu’on voit foncer dans le mur s’en sorte, parce qu’on sait qu’il a des choses à apporter au monde, mais se rendre compte jour après jour que celui-ci n’arrivera jamais, quoi qu’il fasse, à nous contenter. C’est essayer, essayer et encore essayer d’être assez, de donner assez, et parfois -souvent- se planter royalement, mais continuer. C’est ce besoin vital de se retrouver ; parce que peu importe que sa cellule familiale soit cancéreuse, on n’en a qu’une et savoir l’embrasser dans ses qualités et ses défauts peut nous offrir les sentiments les plus beaux qui soient.

Plus que jamais cette année, c’est cette importance de la famille qui a dominé les intrigues. Alors que Fiona se battait pour que ses frères et sœurs ne soient pas séparés et restent auprès d’elle, que Sheila élevait l’enfant trisomique de sa fille fugueuse, et que Kevin et Veronica tentaient par tous les moyens de procréer, on a vu Frank échouer encore et encore en tant que père, nous écœurer au-delà de tout ce à quoi il nous avait habitués, puis au final enfin sembler rechercher une forme de rédemption ; mais trop tard. Dans les quelques épisodes qui sont venus clore la saison, c’est l’hygiène de vie déplorable de Frank qui l’a finalement rattrapé.

Il y a peu d’épreuves qui soient aussi difficiles à affronter que la maladie d’un de ses parents. Peu de moments où ceux qui nous ont élevés paraissent aussi petits que lorsqu’ils sont allongés dans un lit d’hôpital, des tuyaux plantés dans le bras. Et les sentiments face auxquels on se retrouve quand on sait qu’ils ont eux-mêmes provoqués leur chute, nous gratifiant au passage de cicatrices qu’on préfère tourner en dérision pour ne pas être réduit à néant par l’ampleur des dégâts, ces sentiments sont parmi les plus durs à s’avouer. Quand on a atteint un stade où la haine se transforme en indifférence, ou en une déception si ténue qu’elle ne nous noue presque plus la gorge, comment parler à quelqu’un qu’on risque de perdre pour de bon alors qu’on pensait l’avoir perdu il y a bien longtemps ?

C’est cette situation, à laquelle Fiona est confrontée dans le finale, qui montre une fois pour toutes le brio que la série peut avoir lorsqu’elle s’aventure à décrire la complexité des émotions humaines. C’est dans ces scènes où chacun est poussé dans ses derniers retranchements, où il n’y a plus de place pour les faux-semblants, que le show dépasse son statut d’œuvre fictionnelle pour vibrer à la même fréquence que celle des souvenirs qu’on peut avoir. On quitte le confort de son canapé, et on se retrouve avec elle dans cette chaise inconfortable, dans cette pièce aux relents immondes de désinfectant, face à cet homme qui aurait dû mais n’a jamais su être là pour elle, et pour qui elle devrait répondre présente aujourd’hui.

C’est là que la magie se produit. En marge des intrigues certes excellentes, en marge des résolutions et des conclusions, en marge des évolutions individuelles. Quand une fille aînée se retrouve réellement confrontée à des années de douleurs répétées, qu’elle doit choisir entre les accepter ou tourner le dos pour de bon à celui qui l’a mise sur terre. Quand un père doit répondre de ses actes et qu’il ne peut plus fuir ses responsabilités. C’est là que les personnages disparaissent, pour laisser place aux êtres humains, et à leurs dilemmes.


Voir en ligne : “Shameless” et les Gallagher, une vraie famille moderne

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