MINI-SERIE – A Cran
Sur la corde raide
Par Sullivan Le Postec • 4 février 2007
Diffusée au début des années 2000 sur France 2, "A Cran" compte parmi les toutes premières créations françaises de la nouvelle génération.

Initialement développé en 6x52 mn pour le vendredi soir, « A Cran » deviendra au cours de son développement une mini-série de deux épisodes de 100 mn, plongée sombre dans le quotidien d’une police écartelée entre ses idéaux et la réalité.

Le suicide d’un flic a pour conséquence l’envoi au sein du commissariat où il s’est donné la mort du psychologue Hervé Guillermé (Didier Besaze).
Mais si libérer la parole et mettre à jour les blessures secrètes de ces hommes et femmes chargés de représenter la loi est vital, cela pourrait aussi se révéler explosif...

Les entretiens de Guillermé dressent le portrait croisé de deux flics aux antipodes l’un de l’autre. Bob (Daniel Russo) est un personnage plein de bonhomie et de bon cœur. Mais le suicide de son partenaire menace de mettre à jour ses magouilles de flic qui s’est laissé corrompre pour le bien de sa famille. Donnadieu (Jérôme Anger) est quant à lui un syndicaliste jusqu’au-boutiste qui a laissé sa conception rigide de la droiture l’entraîner vers une absence d’empathie et une attitude de jugement des autres perpétuel. Au final, il s’est convaincu de sa supériorité. Le scénario fait se croiser leur parcours : Bob avance vers la rédemption, Donnadieu vers le fascisme quand il devient tout à la fois flic, juge et bourreau – dans son esprit il s’agit de sauver une de ses collègues de sa faiblesse.

« A Cran » développe en effet en parallèle deux personnages féminins : Nadia (Julie Bataille), est une beurette dans la police, écartelée entre son statut de flic, son coup de cœur pour un dealer, et son frère islamiste enfermé en prison. Il y a aussi Édith (Charley Fouquet) qui tente également de trouver sa place dans un univers trop masculin. Mais les deux femmes sont en réalité les vrais éléments solides de ce commissariat en perdition.

Le succès de la première mini-série permettra la mise en chantier d’une suite qui prend le parti de suivre les personnages. Si son scénario est moins achevé que celui de l’oeuvre initiale (trop de coïncidences permettent le développement de l’histoire), elle maintient le niveau hors-norme de richesse psychologique.

Les scénaristes, qui doivent se passer du personnage du psy, créent un jeu de miroir déformant avec la première partie : Bob se débat au sein d’une nouvelle affaire – mais cette fois-ci il est innocent. Édith s’est trouvé un nouveau mentor psy – mais si cette histoire d’amour a démarré, elle est tout aussi illusoire que ses sentiments pour Guillermé. Enfin, Nadia revit son drame lorsqu’elle traque un dealer dont est amoureuse la propre fille de Donnadieu, le flic soit-disant modèle devenu Délégué Général de son Syndicat. Deux ans après, cèdera-t-elle aux sirènes de la vengeance ?

Il n’était pas à priori évident de permettre au public de rejoindre la seconde histoire, au vu du lourd passé porté par les personnages. Un gimmick déjà présent dans la première « saison » se révèle fort utile : l’insertion de courts flash-backs qui renvoient vers des événements passés. Et les remettent en perspective : souvent, les motivations des personnages ne sont pas celles qu’on avait initialement imaginé. C’est aussi ce qui sépare « A Cran » d’un « Engrenages » : si les personnages nagent en eaux troubles et se posent constamment des questions sur la place des lignes morales à ne pas franchir, ce n’est pas le cas des auteurs...

Post Scriptum

« A Cran » / « A Cran 2 ans après »
France 2, 2002 et 2004.
2 mini-séries de 2x100 mn. La première est disponible en DVD.
Avec Daniel Russo, Jérôme Anger, Julie Bataille, Charley Fouquet et Didier Bezace.
Réalisateur : Alain Tasma.
Scénaristes A Cran : Marie Montarnal & Gérard Carré d’après une idée de Marie Montarnal.
Scénaristes A Cran 2 : Marie Montarnal & Gérard Carré avec Alain Tasma et la collaboration de Gilles Taurand