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Crazy Ex Girlfriend - Triste détour pour Crazy Ex-Girlfriend

I Never Want to See Josh Again: Ragnarok

Par Conundrum, le 12 novembre 2017
Publié le
12 novembre 2017
Saison 3
Episode 5
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Crazy Ex-Girlfriend est entrée dans une phase cruciale de son évolution. En révélant à tous les personnages l’instabilité de Rebecca, la série vit son ragnarök, la fin du monde selon la mythologie nordique.

Mais la semaine dernière, en évitant à la série d’affronter franchement la situation, comme notre beau Nico l’a si bien souligné, la série a vécu son Ragnarok, ce film Marvel qui préfère se concentrer sur la forme et qui sonne dramatiquement creux.

Cette opportunité manquée d’un huis clos où Rebecca et ses ami·es échangent honnêtement sur la situation semblait sous-entendre que les autrices n’avaient pas plus à dire que le statu quo dans lequel évolue la série depuis un certain temps. Nico a fait le parallèle avec Party Of Five lorsque la famille Salinger confronte Bailey à son problème d’alcool, mais il existe un autre épisode de série qui s’en rapproche encore plus.

Un détour par Stuckeyville

Ed est une série qui ressemble grandement à Crazy Ex-Girlfriend. Elle met en scène un avocat, Ed, incarné par Tom Cavanagh, qui suite une erreur professionnelle est licencié sur le champ. De retour chez lui, il trouve sa femme au lit avec un facteur (et non pas leur facteur, point qu’elle tient à clarifier). En noyant ses chagrins dans l’alcool, Ed réalise que sa vie aurait été différente s’il avait eu le courage d’aborder Carol (Julie Bowen), la fille dont il était amoureux au lycée. Il décide donc de retourner dans sa ville natale, renoue le contact avec son meilleur ami, Mike (Josh Randall) et annonce à Carol qu’il va tout faire pour conquérir son coeur.

Dans le premier tiers de sa troisième saison, agacés par les échecs d’Ed et par l’ambivalence des sentiments de Carol, leurs ami·es décident de les enfermer afin que le non-couple règle ses problèmes une fois pour toutes. Dans la discussion qui s’en suit, la série prend le risque de changer un de ses principes de base et de gérer le comportement problématique d’Ed. Notre héros a beau être incarné par le sympathique Tom Cavanagh, il n’en reste pas moins un homme rejeté qui a pris une décision saugrenue, qui poursuit une femme qui, après plus de deux ans, n’est toujours pas intéressée à lui. Son romantisme le fait s’immiscer dans les moindres recoins de la vie de la jeune femme. Carol, de son côté, une femme qui a mis de côté ses aspirations professionnelles, qui manque de confiance en elle même, est plus qu’ambigüe dans son comportement avec Ed. La série nous pousse à vouloir les voir ensemble, on prend conscience du fait que leurs comportements sont problématiques mais on les minimise dans cette recherche de la fin heureuse. La série ne cherche pas à cautionner ni à vilifier ses personnages principaux, par cette confrontation, elle les met (et nous met) devant un état de fait dont il faut s’occuper.

C’est ce que nous étions en droit d’attendre de Crazy Ex-Girlfriend la semaine dernière. Pas nécessairement une intervention, mais une confrontation. Si l’épisode de la semaine dernière décevait sur ce terrain, sa conclusion était très prometteuse.
Au fond, le problème de Rebecca n’est ni Josh, ni ses ami·es. Si confrontation il devait y avoir, il fallait aller à l’une des sources des souffrances de Rebecca : sa mère, Naomi.

Un séjour à New York

Naomi est un fantastique personnage. C’est une mère qui noie son amour pour sa fille dans de la culpabilisation.
Rebecca n’a jamais eu l’affection de ses parents. Pour obtenir le peu que Naomi est capable de donner à sa fille, elle doit se soumettre et subir, un comportement extrêmement malsain qui montre toute sa dangerosité cette semaine.

C’est ainsi que Rebecca dans un état dépressif très fort décide de laisser sa mère prendre les décisions à sa place. Ce qui pourrait apparaitre comme une nouvelle forme de fuite se révèle être bien plus sérieux. Sa dépression couplée avec la culpabilité de ses actions du dernier épisode la pousse à penser au suicide. Il ne s’agit plus de fuite quand on arrive à se niveau, c’est un abandon. Naomi le découvre non pas en ayant une vraie discussion avec fille, mais en cherchant sur l’ordinateur de cette dernière.

Tous les signes de la détresse de sa fille sont sous yeux, elle est censée être une des personnes qui la connait la mieux. Elle l’a déjà vu par le passé dans un tel état. Mais elle est trop occupée à lui faire des reproches et se soucier des dires de ses proches [1] pour se rendre compte de la gravité de la situation. Et lorsqu’elle l’aide, c’est à sa manière. Elle montre de l’affection et de l’attention, elle agit comme une mère aimante, tout en lui administrant des anxiolytiques à son insu.

Cette trahison violente est typique du comportement problématique de Naomi. Le raisonnement est correct : Rebecca a sûrement besoin d’un traitement pour calmer momentanément son esprit, puis entamer un traitement de fond. Mais les actions sont extrêmement dangereuses. Lorsque Rebecca l’apprend, elle remet en cause tout l’effet bénéfique que Naomi a eu sur elle. Tout l’espoir qu’il y avait peut être une manière de vivre où elle n’était pas rongée constamment par la haine de soi est totalement remis en cause.

Un retour à West Covina

Rebecca quitte alors la maison de Naomi et encore une fois il n’y a pas de réelle confrontation. Mais contrairement à la semaine dernière, on comprend l’intention des scénaristes de la série. Une confrontation aurait été le début de la guérison. C’est une action à entreprendre pour reprendre le contrôle de sa vie. Et contrairement à Ed et Carol, Rebecca en est incapable car elle est en profonde dépression. Elle ne voit pas à quelle point elle compte pour ses ami·es, qui projettent leur tristesse provoquée par son absence sur sa remplaçante. Rebecca n’a en tête que la violence de ses propos et est persuadée que ses proches la déteste.

En quittant la maison de Naomi, Rebecca ne sait plus où aller, elle prend un avion pour la Californie de manière machinale. Mais étant persuadée qu’elle va être rejetée, d’être sans ami.es, sans mère, et au final sans issue, Rebecca tente de se suicider dans l’avion. Dans les derniers instants d’une scène très difficile à regarder, elle demande de l’aide à une hôtesse qui lui a montré un peu de compassion. Cette jeune femme, une inconnue qui lui a simplement proposé un verre de vin, en lui accordant de l’attention devient alors le seul espoir de Rebecca de s’en sortir. Si elle ne l’a pas fait avec Nathaniel, Josh, Heather, Paula ou sa mère, Rebecca demande enfin de l’aide.

Un épisode brillant et necessaire….mais

I Never Want to See Josh Again est un épisode très éprouvant à regarder. La juxtaposition des intrigues de Paula et Rebecca est une bonne trouvaille. Toutes les deux obtiennent du réconfort de la part de leur famille. Pour la première c’est de manière saine et touchante, pour la seconde c’est toxique et conflictuel. Le parallèle est fin.

Cornelia, l’avocate recrutée au cabinet, et Audra étaient aussi des parallèles de Rebecca. La première représente toute ce qu’elle n’est pas, la seconde tout ce qu’elle était. Elles servent toutes deux à une prise de conscience. Les employés du cabinet réalisent que leur vie doit continuer malgré l’absence douloureuse de Rebecca, et notre héroïne comprend que Naomi cache quelque chose grâce à une personne qui connait si bien cette dynamique familiale puisqu’elle vit la même chose.

C’est un épisode à la structure habile, qui est l’opposé de ce que nous a proposé la semaine dernière. Ici, les moments dramatiques sont présents et résonnent de manière très forte. L’épisode est drôle et touchant avec l’intrigue au cabinet, mais l’envie de rire n’est pas là. A partir du moment où on découvre que Rebecca pense au suicide et que sa mère la drogue à son insu, la gravité de la situation peine à s’équilibrer avec l’humour de l’intrigue du cabinet. C’est une jolie intrigue, mais il n’y a pas de place pour le joli quand notre héroine cherche à mettre fin à ses jours.

C’est évidemment un léger défaut pour un épisode nécessaire. La série montre encore une fois qu’elle gère avec brio et honnêteté les troubles mentaux de son héroïne. La fin de l’épisode très marquante ne peut laisser insensible lorsque le générique de fin défile sans musique.

Conundrum
P.S. La semaine prochaine, Nico reprend le volant dans un épisode aptement intitulé Josh Is Irrelevant.
Et comme le dirait si bien l’interessé, Duh !
Notes

[1L’une des premières questions de Naomi à Rebecca est de lui demander ce qu’elle doit dire aux autres.