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Deadwood - De la boue, un bain, et toutes les images du générique

A Constant Throb: Analyse du générique de Deadwood

Par Feyrtys, le 12 septembre 2006
Publié le
12 septembre 2006
Saison 3
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Je profite de mon joker Road Block pour parler de ce qui marque certainement le plus la première fois que l’on regarde Deadwood : non, pas ses injures, son générique !

Alan Ball, dans le commentaire audio de la saison 1 de Six Feet Under, explique que le générique d’une série doit vous transporter immédiatement dans son univers. Celui de Deadwood réussit parfaitement cette tâche, si parfaitement qu’on ne peut dissocier le générique de la série.

Un cheval, sans scelle ni harnachement d’aucune sorte, que l’on suppose donc sauvage, traverse la forêt qui entoure la ville de Deadwood pour finir dans sa grand’rue. De nombreuses images s’intercalent dans sa course : de la boue, beaucoup de boue, mais aussi du feu, du sang, de l’eau, du whiskey et de l’or. Bienvenue à Deadwood, « A hell of a place to make your fortune ».

Le générique de Deadwood laisse une impression de sale, de boue, de crasseux, mais aussi d’élégance. Il décrit parfaitement la série : le récit d’une ville en construction, dans un Etat sauvage, non-reconnu par le Gouvernement, dans laquelle des hommes sans foi ni loi (mais parfois bons et touchants) tentent de vivre en société.

Revenons sur le générique et découpons-le :

- De l’eau, de la boue et la pointe d’une botte
- Sabots d’un cheval
- Un homme avec une pioche sur fond de flammes
- Le cheval galope dans les bois
- Une roue dans la boue
- Cheval dans les bois
- Une main se tend vers les pattes d’une poule ou d’un coq
- Deux bouchers, entourés de cochons éventrés et pendus, lèvent leurs hachoirs.
- Du sang s’écoule d’un bloc de glace
- Retour du cheval dans les bois
- Des hommes cherchent de l’or dans de l’eau boueuse. L’homme en premier plan mord une pépite
- Cheval
- Main d’une femme gracieuse se tend vers un homme assis qui touche sa peau dénudée
- Une femme d’apparence sale entre dans un bassin d’eau alors que des hommes passent dans la rue en arrière-plan. On aperçoit la courbe d’un sein.
- Cheval ; traversant une rivière
- Carte de jeu, peut-être le valet de trèfle, est jouée par un homme dont on ne voit que la main
- Le cheval arrive dans le camp
- Sabots boueux dans l’eau, gros plan sur les yeux de l’animal
- Du whisky est versé dans plusieurs verres à « shot »
- Or qui coule comme de l’eau sur une balance
- Le titre apparait sur un fond liquide, dans lequel on finit par apercevoir en reflet le bâtiment du Gem Saloon.

La série de David Milch se concentre sur les hommes et non sur la nature qui les entoure, c’est pourquoi il nous est épargné de plans panoramiques sur les grands espaces du Sud Dakota pour nous concentrer, au contraire, sur des gros plans : sabots, mains, hachoirs, sang qui s’écoule, carte qui se joue, tout y est montré de façon crue, et pourtant, le ralenti donne une allure très élégante au générique.

Le générique de Deadwood est imprégné par la terre et par les éléments naturels, en particulier l’eau. De la boue jusqu’au bain l’élément liquide a une place prépondérante.
L’eau salit plus qu’elle ne lave dans Deadwood, mais elle est nécessaire à la survie et même à la fortune. L’eau de la rivière est celle que l’on remue avec la terre, que l’on maltraite, pour y découvrir des pépites ; l’eau de pluie forme cette gadoue constante qui règne dans les rues de la ville, dans laquelle les roues d’un chariot et les sabots d’un cheval se salissent ; l’eau d’un bain accueille une femme - sûrement une prostituée puisqu’elle prend son bain à la vue de tous - dans un geste très érotique ; et enfin, c’est dans l’eau d’une flaque de gadoue que se reflète le Gem Saloon, le principal bâtiment de la ville, lieu d’ivresse, de stupre et de violence.

Les autres éléments liquides sont le sang, qui s’écoule lentement le long d’une paroi glacée ; le whisky, qui coule dans des verres prêts à être consommés ; et enfin l’or, la raison même de l’existence de cette ville, qui est littéralement versé, tel de l’eau, sur une balance.

Les visages aperçus dans le générique sont des visages anonymes, lointains, que l’on n’identifie pas vraiment, du moins, que l’on ne retient pas. Les corps ne sont que des silhouettes parmi le reste, et la silhouette de la femme nue qui plonge dans son bain est certainement la plus marquante du générique. Les chercheurs d’or restent anonymes, des hommes perdus dans ce qui deviendra le rêve américain : la richesse à la force de ses mains, du labeur, peu importe qui l’on est ou d’où l’on vient. Peu importe que l’on noie cette fortune dans l’alcool, le jeu et les filles... Ce qui compte c’est d’avoir tenté sa chance.

Le thème musical, un mélange sobre de violon et de guitare, est de David Schwartz, qui a composé ceux de Northern Exposure (parfaite introduction à l’univers, toujours en quelques notes) et de Wolf Lake. Il a également composé des morceaux pour Arrested Development. La société de design, A52, qui a crée ce générique sous la houlette de Gregg Fienberg, est à l’origine d’un autre excellent générique, celui de Carnivàle.

Feyrtys
P.S. Le générique de Deadwood est une illustration parfaite de la série, et une excellente entrée en matière : on ne quitte pas vraiment cette boue et cette crasse quand on regarde la série, même si parfois, au détour d’une amitié ou d’une relation amoureuse, les personnages arrivent à toucher la grâce.