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Person of Interest - En attendant la saison 4, retour sur les deux arcs principaux de l’année

Bilan de la Saison 3: La Meilleure Série de SF Actuelle (est sur CBS)

Par Ju, le 16 mai 2014
Par Ju
Publié le
16 mai 2014
Saison 3
Episode 23
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Quand Person of Interest a débuté en 2011, le Monde était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. (Non, vous ne rêvez pas, j’ai vraiment décidé de commencer ce bilan de la saison 3 par la phrase la plus clichée et prétentieuse possible). LE MONDE ! DIFFÉRENT !

Le fait est qu’à l’époque, même si on était tous biens conscients d’être surveillés en permanence, cela restait un concept plutôt abstrait.

Mais c’était avant Edward Snowden, c’était avant PRISM. C’était avant qu’on apprenne que nos webcams nous filment en permanence à notre insu (tous à vos post-its !) et que Google conserve nos photos les plus embarrassantes dans des data centers gigantesques au milieu du désert du Nevada (dans le but de nous faire chanter, un jour, sans doute au lendemain de notre investiture présidentielle).

Nous étions beaucoup plus naïfs en 2011 qu’aujourd’hui, à l’aube de la saison 4. Nous ne rangions pas encore nos téléphones portables dans des pochettes en aluminium pour éviter que des gendarmes lisent nos pensées pendant notre sommeil.

Bref.

You are being watched

Entre la saison 2 et la saison 3, le scandale de la surveillance de la NSA a éclaté. Et si on s’en est plutôt bien remis (non ?), la découverte de PRISM aura au moins eu une conséquence de la plus haute importance : elle a transformé Person of Interest en une série de science-fiction au sujet très, très réel.

Comme le répète l’introduction presque chaque semaine, "We are being watched.", et bien conscient de ça, Jonathan Nolan en a profité pour utiliser l’actualité et pondre la meilleure saison de sa série. Plus efficace en tous points, dans la gestion de ses intrigues et de ses personnages, comme dans la force de son propos.

Person of Interest est, sans conteste, la meilleure série de science-fiction actuelle.
Et elle réussit cet exploit en proposant plus de vingt épisodes par saison, en jonglant avec des intrigues épisodiques imposées par son format, et en étant diffusée sur CBS, une chaine qu’on n’attendait vraiment pas dans le genre cyber punk.

Si, par hasard, vous êtes tombés sur cet article alors que vous ne regardez pas la série, sachez que je vais rentrer dans les détails de l’intrigue et qu’il serait dommage que vous vous les gâchiez. Pour une vraie présentation de la série, vous pouvez aller relire ce que j’avais écrit sur la saison 1.

Ou simplement me croire quand je vous dis que, oui, elle vaut le coup d’être découverte. Et que, oui, elle se prête parfaitement à un visionnage glouton qui pourrait occuper votre été. ("Visionnage glouton" étant bien sûr la traduction d’une expression anglaise à la mode qu’on va éviter de répéter ici. Parce que, honnêtement, le nombre d’articles consacrés à ce "phénomène" est absolument ridicule.)

Pour les autres, parlons un peu de la saison 3.

HR ?

Elle était vachement bien la saison 3 !

J’appréciais déjà bien la série auparavant, mais j’ai trouvé la troisième saison bien plus réussie que les deux précédentes. Pourtant, à première vue, on ne peut pas vraiment dire que le format de la série ait été profondément modifié. La saison 3 reprend en effet le même mélange d’intrigues de la semaine et d’arcs mythologiques. La structure de sa mythologie est également très proche de ce qui a précédé, à savoir un découpage en deux parties distinctes avec une première conclusion en milieu de saison.

Il y a eu peu de changement sur la forme, donc, (peut-être une proportion de mythologie légèrement revue à la hausse ?) mais ce qui distingue la saison 3 des deux premières est la force de ses arcs.

Difficile en effet de faire plus ambitieux que la conclusion de l’intrigue HR en guide de premier arc mythologique.
Même en mettant de côté un instant la mort de Carter (un outil scénaristique sans doute un peu facile... mais dont les conséquences nous auront offert un des meilleurs épisodes de la saison, toutes séries confondues), le plaisir de voir une intrigue vieille de deux ans se conclure de façon aussi cohérente et satisfaisante était, quoi qu’il arrive, une vraie réussite.

Les trois derniers épisodes de cet arc (qui forment une histoire complète) sont remarquables en plusieurs points. Déjà, et c’est à vraiment noter, ils n’ont rien à voir du tout avec de la science-fiction. C’est du thriller avec de bonnes grosses scènes d’action, peu importe qu’il y ait ou non une Intelligence Artificielle en toile de fond.
Ensuite, cet arc bénéficie absolument d’avoir pu être mis en place dans les épisodes précédents. Des épisodes indépendants, aux intrigues simples, bien pratiques pour préparer doucement le terrain à l’enquête de Carter sur HR et ses membres, à son nouveau partenaire, ou encore à l’introduction d’intrigues destinées à être utilisées bien plus tard (à savoir Root en interface analogique, ou Collier et Vigilance apparaissant à la fin d’une histoire de la semaine complètement classique).

Sur pErDUSA comme ailleurs, il est toujours tentant de se moquer des séries "traditionnelles" (en opposition aux séries du câble, plus courtes, bénéficiant de plus de libertés, d’une certaine façon plus modernes sur la forme). Mais Person of Interest est la preuve (avec la Brave Épouse), qu’elles peuvent utiliser leurs contraintes à des fins bénéfiques.

Alors oui, évidemment, je suis sûr que la série serait encore meilleure si elle pouvait faire des saisons d’une quinzaine d’épisodes, histoire de se débarrasser de la poignée d’épisodes qui n’apportent rien du tout (il était un peu pourri l’épisode avec les légionnaires français, non ?). Mais dans l’absolu, Person of Interest est d’une efficacité incontestable dans la gestion de ses contraintes. Elle ne serait pas la même sans ses arcs et sa mythologie, certes, mais elle ne serait pas non plus la même sans ses épisodes plus légers, qui permettent de souffler un peu tout en introduisant des éléments importants en toute discrétion.

What are your commands ?

Le second arc de la saison, consacré à Samaritan, est sans doute moins efficace que le précédent. C’est en tout cas ce que j’ai ressenti. Mais sa conclusion est formidable, les questions soulevées vraiment passionnantes, et l’ouverture faite sur la suite de la série donne très envie d’être déjà devant la saison 4.

Ce qui marque le plus devant cet arc, c’est la façon dont on se rend compte petit à petit que le point de vue de la série à propos de la surveillance a complétement changé. Car d’une certaine façon, à la base Person of Interest est une série un peu fasciste sur les bords, une série qui justifie complètement le fait de surveiller la population sous couvert de la protéger. Grâce à la Machine, Finch et Reese sauvent des vies.
Il y avait bien sûr quelques nuances, pour la forme, mais de façon générale on nous présentait uniquement les bons côtés d’un état policier.

Trois saisons plus tard, et c’est très révélateur, le point de vue a été complètement inversé : les dernières minutes de la saison font froid dans le dos. En reprenant exactement les codes de la série (les plans de caméra de surveillance qui servent de transition entre les scènes depuis le début), on assiste à la naissance de Samaritan, et avec elle à sa classification de la population et le fait que tout le monde puisse être localisé à tout moment. Une belle conclusion, bien pessimiste, qui fait qu’on s’interroge sur le message que la série veut faire passer, et qu’on se demande si ce changement de point de vue a toujours été prévu ou si Nolan et ses scénaristes ont changé d’avis en cours de route.

Plus tôt dans l’épisode, Person of Interest offre une tribune aux pro-surveillance, quand Control, puis Finch, expliquent très simplement les résultats de la Machine en parlant du nombre de vies sauvées depuis sa mise en route. C’est le rôle de Collier (le terroriste) de défendre les libertés individuelles, de parler de dictature, et d’expliquer que la fin ne justifie sans doute pas les moyens. Puis Samaritan entre en jeu, et avec lui les craintes évoquées deviennent beaucoup plus réelles.
La série brouille totalement les pistes en appuyant une théorie, puis la suivante, et en changeant encore d’avis au cours d’un même épisode. Elle pose les bonnes questions, se garde bien d’y répondre définitivement, et semble parfaitement maitriser son sujet... sans jamais oublier de nous offrir de belles scènes d’action et de la science-fiction pure.

Et sur ce dernier point, je crois que ce que j’ai préféré dans cette fin de saison 3, c’est la façon dont Person of Interest a choisi de redéfinir complètement les motivations de Greer.

En effet, jusqu’à très récemment, le patron de Decima avait tout du méchant mystérieux habituel, un mec qui recherche les profits et la conquête du Monde. Classique, moyennement efficace, et terriblement déjà vu.
Sauf que c’était inexact. Greer ne souhaitait pas posséder sa propre Machine pour s’enrichir, ou parce que l’information possède un vrai pouvoir. Non, Greer veut être un ange ! (C’est son mot à lui, pas le mien. Si le vieux monsieur veut devenir un ange, qui suis-je pour le juger ?) Greer veut simplement devenir une interface analogique, comme Root, et être le porteur de la bonne parole de son Dieu. C’est un fervent supporter de la « Singularité » (même si le mot n’a pas encore été utilisé dans la série, il est présent dans tout son discours). En donnant la vie à Samaritan, il cherche à accélérer l’arrivée de la prochaine avancée technologique qui fera passer l’espère humaine à un stade totalement différent de ce qui a précédé.
Et ça, c’est une motivation originale. De la science-fiction pure.

Avec Greer d’un côté et Root de l’autre, la saison 4 se dirige... tout doucement... vers une guerre de religion cyber punk où deux intelligences artificielles se font la guerre. Rien de moins.

La saison 4 de Person of Interest, ce sera donc une Croisade Cyber Punk.
Diffusée à la rentrée sur CBS.
Juste après la série dérivée de NCIS à la Nouvelle-Orléans.

Ju