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21 Drum Street - Comment s’occuper quand aucune série n’est diffusée à cause des J.O.

N°39: Il y a bien mieux que Kevin Spacey dans la vie !

Par Conundrum, le 23 février 2014
Publié le
23 février 2014
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Episode Chronique
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C’est long les J.O... C’est trop trop long les J.O. et quand la seule alternative série est Dexter à la Maison Blanche, il est grand temps de sortir se replonger dans ses bons vieux classiques.

En fonction de l’âge, le terme « classique » ne signifie pas la même chose pour les perdusiens. Si Iris a pris un aller-retour pour Stars Hollow, Jéjé retrouve le bon vieux Capitaine Furillo. De mon côté, à l’approche de Murder In The First, la nouvelle série de Steven Bochco, c’est l’intégrale de Murder One que j’ai chargée sur mon iPad.

Et après quelques épisodes, force est de constater que la série résiste très bien au temps. Pour ceux qui ne connaissent pas, Murder One était la série qui était censée détrôner Urgences et qui n’aura jamais vraiment eu l’affection du public malgré une campagne publicitaire importante d’ABC à l’époque. Murder One est une série créée par Steven Bochco (Docteur Doogie, NYPD Blue, La Loi de Los Angeles), Channing Gibson et Charles H. Eglee (Dark Angel) à laquelle David Milch (Deadwood) a collaboré. Inspirée de l’affaire O.J. Simpson, la saison 1 de Murder One suit le procès d’un homme inculpé d’avoir tué une jeune fille de 15 ans à Los Angeles.

Si Murder One reste une référence à mes yeux, ce n’est pas pour son whodunnit. Connaitre la vérité sur le meurtre de Jessica Costello ne retire en rien le plaisir de revoir la série. La série ne se repose jamais sur un retournement de situation pour garder l’attention du téléspectateur. Avec moins de chaînes, moins de productions originales issues du câble, et un internet moins démocratisé, il est évident que le téléspectateur de network d’il y a vingt ans était moins sollicité qu’aujourd’hui. Si le mystère autour du meurtre était l’accroche de la série, c’est la complexité du l’univers et la maîtrise scénaristique [1] qui impressionnent et ressortent comme les atouts de la série.

Se faire une intégrale de Murder One pendant que Netflix lance sa seconde saison de House Of Cards renforce considérablement cette idée.

Sur la forme, Murder One n’a rien de spécial. Contrairement à la série de Netflix, il n’y a pas « d’acteurs de cinéma » [2] ou de prestigieux réalisateurs de films qui s’éclipsent après des premiers épisodes. Il y a juste d’excellents acteurs dans une intrigue prenante menée par des experts du genre.

La saison une de Murder One se découpe en deux parties. Pour Jéjé et moi, ces deux parties sont « celle sans le super Previously On Murder One » et « celle avec le super Previously On Murder One ». En dehors de la mise en place d’un résumé des épisodes précédents qui déchire, en plus de remplir très bien sa fonction, en mi-saison, Murder One se concentre entièrement sur l’Affaire Jessica.
La première partie de la saison, celle avec un résumé conventionnel, associe une intrigue de la semaine à celle du procès principal.
Mais ces deux parties sont aussi intenses. Si au premier visionnage, ces affaires parallèles semblent prendre du temps d’antenne, Murder One montre toute sa force aux visionnages suivants et montre qu’elle est une candidate parfaite à l’intégrale intensif. [3]

Murder One est une série qui joue sur les rappels et les parallèles. Dans le troisième épisode de la série, alors que la relation entre l’accusé du meurtre de Jessica et son thérapeute est remise en question, l’intrigue secondaire met en avant un gestionnaire de portefeuille financiers qui a perdu les gains de ses clients aux jeux. Si les deux intrigues ne sont pas liées, elles sont toutes deux une réflexion sur l’impact d’une thérapie sur l’addiction. Un bon thérapeute peut aider une personne condamnable, un mauvais thérapeute peut manipuler son patient. Il en ressort alors la question de comment condamner au mieux un homme manipulé ou en cours de guérison
Mais ces parallèles n’ont pas uniquement lieu au sein du même épisode. Le comportement d’un personnage clé en deuxième partie de saison, prend un sens plus profond lorsque l’on se remémore les actions du stagiaire [4] du cabinet des premiers épisodes. Avec une diffusion hebdomadaire, ces rappels sont beaucoup moins visibles. L’intégrale devient alors le mode de diffusion qui sied le mieux à la série.

La série n’utilise jamais d’artifices comme moments chocs de la série. Si des années après le « Oh, Mon Dieu » de Justine à l’issue de l’avant-dernier épisode reste un souvenir marquant de la série, c’est simplement parce qu’il s’agit d’un cliffhanger efficace. Et lorsqu’un membre de la distribution principale est tué, il ne s’agit en aucun cas d’un twist pour booster l’adrénaline du téléspectateur mais un rappel de la dangerosité de l’univers de Murder One. La richesse de la série reste toujours son fond et pas sa forme.

Murder One n’était pas une série en avance sur son temps ou qui aurait fait mieux sur le câble. Murder One est une série de network avec une vingtaine d’épisodes formatée pour le grand public sans jamais le prendre pour un idiot. Comme beaucoup de séries des années 90.
Il y a une scène dans le pilote de The Practice, une série judiciaire de David E. Kelley, où son personnage principal explique que défendre des hommes coupables est difficile, défendre des innocents est terrifiant. De nos jours, Alicia Florrick n’a pas à se justifier de défendre des trafiquants de drogues ou des meurtriers, parce que les séries judiciaires des années 90 ont très souvent eu ce moment où on explique au public pourquoi nous sommes en droit d’adhérer et de tisser un lien avec un héros dont le travail est de défendre des hommes et femmes potentiellement coupables de meurtre.

Ted Hoffman, un Daniel Benzali parfait dans son rôle, le personnage principal de la série, est un homme froid et droit qui ne perd pas son temps. Ce passage obligé d’expliquer pourquoi il exerce le métier a lieu dans un bar en fin d’épisode. Si dans The Practice, le public parle par la voix de la jeune ingénue fraîchement recrutée, ici, le public est un alcoolique dans un bar. Le ton est donné et le message est fort. Si David E. Kelley affronte les potentielles réserves du public de manière douce qui met Bobby en valeur, Steven Bochco met en avant le problème de remettre en cause la présomption d’innocence. Et ce, que ce soit pour un jeune noir accusé à tort dans un procès qui met en avant le racisme de son juge dans le second épisode ou d’un homme riche et célèbre au centre de l’intrigue principal.

Mais Murder One n’idéalise en rien le métier et le rôle d’Hoffman. Sa femme, incarnée par Patricia Clarkson, est bien souvent son meilleur antagoniste. Si Hoffman est un excellent orateur, sa femme connaît très bien les techniques de son mari. Et si dans le troisième épisode, ses paroles sont fortes lorsqu’elle affirme que pour elle, l’accusé est coupable qu’il ait commis le meurtre ou non, son argumentaire a du sens.

Bien souvent, la série aime faire pencher la balance d’un côté, et remettre son dénouement en question, non pas par une révélation finale comme les pires/meilleurs moments de The Practice, mais par une simple discussion entre deux personnages qui émettent simplement leurs points de vue.

Murder One est une série qui n’a pas d’anti-héros, mais qui n’idéalise pas non plus son personnage principal. C’est aussi une série très prenante, qui malgré sa promotion de l’époque, ne cherche pas à être cool ou à révolutionner le genre. Bien au contraire, elle se repose simplement sur les avantages de son mode de diffusion.

C’est bien gentil d’essayer de m’occuper pendant les J.O., mais en attendant que Netflix soit capable de proposer une série aussi riche que celle ci, je vais me contenter de mes bons vieux Murder One.

Conundrum
Notes

[1D’auteurs qui ont avoué ne pas connaître qui avait tué Jessica aux débuts de la série.

[2Même si on sait tous que les meilleurs rôles de Kevin Spacey et Robin Wright étaient dans Un Flic à la Mafia et Santa Barbara.

[3Parce que je n’aime pas le terme binge watching.

[4Hey, Adam Scott de Parks and Recreation !