En plein visionnage glouton, on n’a pas le temps de se poser ce genre de question.
Tout ce qu’on sait, c’est qu’on vient de passer quatre heures devant une série qui ne nous plait pas trop, mais, hé, tous les épisodes sont là ! On peut bien encore les essayer, tous, jusqu’à la fin de la saison ! Pour être vraiment sûr qu’on ne passe pas à côté de quelque chose de bien.
Après tout, maintenant qu’on est lancé, que sont six heures supplémentaires ?
Parfois, on est récompensé par ce genre de raisonnement bancal.
Parfois, on est puni pour notre inertie.
You, Me and the Apocalypse rentre dans un de ces deux cas.
Qu’est-ce que c’est ?
You, Me and the Apocalypse est une co-production anglo-américaine dont la première saison vient de s’achever sur Sky 1, et qui sera diffusée à la mi-saison sur NBC.
Sur NBC… mais je ne sais pas trop dans quel état. Les épisodes sont un peu longs pour le network américain, et il y a de fortes chances que certains passages soient censurés. Pour le langage, déjà, et parce qu’apparemment les anglais trouvent qu’il n’y a rien de plus drôle qu’une paire de fesses de vieux.
De quoi ça parle ?
Comme son titre l’indique, You, Me and the Apocalypse raconte les trente derniers jours de l’espère humaine, alors qu’une comète s’apprête à s’écraser sur Terre.
Mais ce n’est pas tout.
Oh, non.
Les principales intrigues de la série tournent surtout autour d’une fugitive avec une croix gammée sur le front, de la tension sexuelle entre un prêtre et une nonne, et de la lutte sans merci entre un banquier et son jumeau maléfique.
Oui, vraiment.
C’est avec qui ?
C’est avec plein d’acteurs connus.
Il y a Rob Lowe (dans sa deuxième nouvelle série de la saison avec The Grinder), Jenna Fischer (The Office), Megan Mullally (Will & Grace), Matthew Bayton (que je ne connaissais pas mais qui est brillant ici), Paterson Joseph (The Leftovers), Joel Fry (dont je me suis demandé pendant dix épisodes où j’avais bien pu le voir… je vous laisse chercher), Gaia Scodellaro (qui n’est pas la même personne que Kaya Scodelario) et Diana Rigg (Chapeau Melon et Bottes de Cuir).
Profitons-en, d’ailleurs, pour nous extasier du fait que, il y a quelques dizaines d’années à peine, une série intitulée « The Avengers » a été traduite chez nous en « Chapeau Melon et Bottes de Cuir ».
Ça, c’est de l’adaptation courageuse. Et à une époque où How to Get Away With Murder est traduite chez nous en « Murder », par paresse, par bêtise, pour des considérations bassement marketings, ça laisse rêveur.
#ChapeauMelonEtBottesDeCuir #Steel
Et c’est bien ?
Revenons-en à notre principe d’inertie.
Sans l’inertie découlant d’un visionnage glouton qui m’a fait regarder les dix épisodes de la saison (série ?) en quelques jours, je ne suis pas sûr que je serais allé plus loin que le cinquième épisode.
Vous voyez, le premier épisode de la série est très réussi.
Ou plutôt, disons qu’il fait son boulot introductif plus que correctement et pose de très bonnes bases pour la suite. On ne sait pas trop ce qu’on regarde ni où les scénaristes veulent en venir, mais les personnages sont bien installés, les dialogues réussis, et le fond de la série a énormément de potentiel, immédiatement.
Le problème, c’est que les épisodes suivants n’exploitent pas (du tout) ce potentiel. Pire encore, ils utilisent un des pires procédés narratif qui soit, celui qui consiste à suivre des personnages complètement isolés dans des intrigues à l’énergie et aux tons complètement différents.
Vous vous souvenez de FlashForward ? La série n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle voulait être ou raconter. Elle était victime de cette mode post-Lost qui consistait à avoir le plus de personnages réguliers possibles, dans le plus de situations possibles, dans le but de plaire au plus grand nombre de gens possibles.
FlashForward était une série avec des policiers ET une série avec des médecins ET une série où un homme tentait de sauver son mariage ET une série de science-fiction ET une comédie romantique intercontinentale. En bref, une bouillie indigeste, complètement déséquilibrée.
La première moitié de You, Me and the Apocalypse souffre exactement du même problème.
J’aurais pu regarder une série sur un banquier qui recherche sa femme (avant la fin du Monde). J’aurais pu regarder une série où Rob Lowe est un prêtre sexy qui fait les yeux doux à une nonne sexy en enquêtant sur de faux prophètes (avant la fin du Monde). J’aurais pu… soigneusement éviter… une série où Jenna Fischer et Megan Mullally sont deux fugitives à moitié racistes (avant la fin du Monde).
Mais tout dans la même série ?
Non.
Le résultat est assez insupportable. Il est totalement impossible de s’investir dans ce qui arrive aux personnages avant d’être transporté à l’autre bout du Monde pour une aventure sans aucun lien thématique ou narratif. Passé le premier épisode, la série devient complètement indigeste.
Mais voilà… qui s’arrête en plein milieu d’un visionnage glouton, alors qu’il est tellement plus facile de lancer l’épisode suivant ?
C’est donc complètement abattu, déçu par mon manque évident d’amour propre et de volonté, que j’ai regardé le sixième épisode de la saison. Et c’est donc grâce au grand pouvoir de l’inertie que j’ai pu me rendre compte qu’à partir de là, la série s’améliore.
Pas beaucoup. Mais c’est mieux. Ça devient regardable. Ok… il n’y a pas de quoi s’enthousiasmer mais j’ai regardé la fin de saison sans déplaisir. Ça devrait compter pour quelque chose, non ?
A partir de la mi-saison, les intrigues commencent en effet à se recouper, et on comprend enfin ce qu’on a regardé pendant les cinq épisodes précédents. Ca n’excuse en rien les problèmes de ton qui plombent You, Me avant ça, mais au moins la série prend forme d’un point de vue purement narratif.
Et il était temps, parce que c’est également à ce moment-là que You Me and The Apocalypse prend un virage violent dans le grand n’importe quoi.
Je ne veux pas vous gâcher la surprise mais, disons que le jumeau maléfique est loin d’être le ressort le plus gros que la série nous demande d’avaler. Je pèse mes mots. Ca vire au grand guignol. Vraiment.
Ne soyez pas surpris, je vous aurais prévenu.
Malgré une intrigue qui se resserre, il est évident jusqu’au bout que la série ne sait pas du tout quel ton utiliser. On passe de la comédie au drame sans prévenir, en passant par des éléments bien plus bizarres. Et, en définitive, toutes les intrigues sont loin de justifier leur existence.
Car si l’intrigue religieuse est globalement inoffensive, j’aurais complètement supprimé celle de Jenna Fischer, qui reste superflue jusqu’à la fin. Etrangement, c’est sans doute l’histoire du jumeau maléfique qui tient le mieux la route. C’est en tout cas celle qui a le plus d’enjeux. C’est elle qui est la mieux interprétée. ET c’est elle qui nous fait simplement ressentir le plus de choses, là où ailleurs on nous demande surtout de rire des fausses dents de Megan Mullally.
J’ignore s’il y aura une saison 2. Je doute que l’inertie me pousse jusqu’à la regarder.
Une seule chose est sûre, en fait : elle devient bizarre cette série, putain.