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Doctor Who
7.12 - Un Point sur la Série
Ça intéresse encore quelqu’un le nom du Docteur ?
mardi 14 mai 2013, par
Je fais partie de ce type de spectateur qui a les plus grandes difficultés à arrêter une série qu’il a, à un moment donné, adoré. Comme, depuis désormais deux saisons, quasiment chaque épisode me ramène à l’idée que la série que j’ai tant aimée n’existe plus, la semaine prochaine, après le final, je cesserai enfin de m’imposer la vérification hebdomadaire de ce triste état de fait .
A partir de la fin de la saison 5, je me suis senti exclu de la série.
Je ne regardais pas les précédentes saisons en fan-boy absolu et n’avait pas développé le culte de l’écriture de Russel T. Davis (que j’adore, soyons clair, pour Doctor Who et pour Queer As Folk, mais qui a montré des limites sur les deux premières saisons de Torchwood, quasiment irregardable, et même sur Bob & Rose, mini-série que je n’ai pas pu terminer).
Je ne me suis donc pas senti trahi quand Steven Moffat a pris les rênes de la série, étant, de toute façon partisan que la vision personnelle d’un auteur prévaut sur les attentes du public.
Cependant, j’ai commencé à me senti frustré quand cette vision, agrégat d’obsessions thématiques et de jeux de narration sophistiqués, a modifié l’esprit de la série et qu’elle s’intéresse désormais aux mystères du Doctor Who et non plus aux aventures du Doctor Who .
Ces aventures que l’on retrouve, par exemple, dans The Crimson Horror (7.11), mon épisode préféré de la saison,qui débute par quinze minute sans Clara, ni le Docteur. Tout simplement, on est dans l’univers de la série, avec des personnages intrigants, certains connus, d’autres pas, et les bases d’une aventure excitante et horrifique se mettent en place.
Mais je n’ai pas pu les apprécier à leur juste valeur parce que je redoutais qu’une seule chose : que le Docteur débarque en hurlant et sautant partout et surtout que le focus soit déplacé sur ses origines, son mariage, sa femme, sa mort voire même son nom ! (Un nom tellement important et mystérieux qu’il va être le sujet central du finale de cette année…).
Heureusement, son arrivée n’a pas empêché la poursuite de l’aventure amorcée. Cet épisode fait cependant figure d’exception (par sa qualité d’écriture pour la saison 7 et par sa forme pour la période Moffat).

En soi, que la vision de la série change n’est pas un problème, mais les mystères sont des exercices très périlleux, particulièrement dans la fiction sérielle.
Steven Moffat a décidé de compliquer son entreprise en faisant de toutes les composantes de la série des sources d’énigmes, énigmes toutes intriquées les unes dans les autres.
On a ainsi :
— des saisons construites autour des grandes questions sensées parcourir les épisodes (Mais que sont ces grosses fissures ? Mais le Docteur va-t-il mourir alors qu’il est immortel ? Mais qui est l’Impossible Girl ?)
— des personnages centraux aux natures, aux origines et aux destins mystérieux (le Docteur, River Song, Clara, Amy)
— des déplacements dans le temps aux conséquences imprévisibles et très… mystérieuses.
Avec ce choix, Moffat est contraint pour satisfaire son public à :
— rendre cohérentes les intrigues au long court
— proposer des révélations satisfaisantes sur ses personnages
— égaler ou surpasser la complexité des énigmes à chaque saison.
Il s’est aussi astreint à refuser l’utilisation de grandes tirades explicatives.
Je ne peux que reconnaître l’ambition gigantesque, un brin téméraire (voire un poil présomptueuse) de l’exercice, mais malheureusement je suis incapable de savoir si il est parvenu à relever le défi de ces différentes contraintes, car pour moi il a négligé la plus importante de toute pour une série télé : que l’histoire soit compréhensible quand les épisodes ne sont vus qu’au rythme de leur diffusion télévisée.
J’ai eu beaucoup de mal à suivre la fin de la saison 5, mais ce ne fut rien en comparaison de la saison 6. J’ai cessé progressivement de m’intéresser à tout mystère. J’ai été frustré par le fait de ne pas avoir la mémoire de tous les indices parsemés (ou même d’une partie), de toutes les lignes temporelles explorées dans les épisodes précédents, des allusions sensées être pleine de sens...
J’ai laissé tomber.
Les personnages principaux me sont alors apparus dans une unique dimension théorique, froide et lointaine. Les conséquences des voyages dans le temps ont commencé à m’ennuyer (alors même que c’est l’un des sujets qui m’amusent le plus dans la fiction de genre).
J’ai voulu me concentrer sur les intrigues unitaires des épisodes, mais dans chacun, il y avait toujours des répliques sur l’arc mystérieux de la saison pour me rappeler que je n’étais pas suffisamment futé pour tout comprendre et m’indiquer que je passerai complètement à côté des enjeux pour apprécier les épisodes de fin de saison.
J’ai vraiment l’impression que Moffat, s’il a eu le "courage" de faire ce qu’il voulait de Doctor Who, l’a fait au détriment de la dimension populaire et accessible de la série.
D’autant plus que la saison 7 montre qu’il ne la maîtrise pas si bien.

On sent qu’avec l’opération "Un épisode, une affiche de cinéma", il y a eu la volonté d’un retour à une série plus fédératrice, plus familiale.
Mais il est impressionnant de constater que les épisodes qui se voudraient les plus légers et les plus indépendants (Dinosaurs on A Spaceship (7.02), The Rings of Akhaten (7.07), Journey to the Center of The Tardis (7.10)) sont parmi les plus ratés de la série. Dans cette saison, dépasser le pitch contenu dans un titre pour faire vivre des personnages le temps d’un épisode semble une gageure insurmontable. Comme ne pas terminer chaque épisode sur un Deux Ex Machina bien confortable.
Cette saison montre même les limites de l’écriture moffatienne sur la gestion d’arcs mystérieux moins alambiqués que des interpénétrations de lignes temporelles et de points fixes. En treize épisodes, on ne sait toujours rien de Clara, si ce n’est que le mystère autour de sa nature a empêché tout lien émotionnel avec un personnage encore purement théorique (dont l’unique intérêt tient à l’intérêt que lui porte le Docteur). Si résolution il y a dans le prochain épisode, elle aurait peut-être été plus satisfaisante si on ne nous avait pas bassiné toute la saison avec cette question, si tout simplement on ne l’avait pas posée, si (comme à une autre époque) des jalons posés au cours des épisodes avaient abouti à former une conclusion naturelle et pas seulement une réponse à une énigme.
"A mystery wrapped in an enigma squeezed into a skirt that’s just a little bit too… tight. What are you ?"
(Dernière réplique avant le finale de la saison 7)
C’est trop tard. On s’en fout.
En ce sens, "She Said, he said", le prequel de The Name of The Doctor (7.13, le finale) est édifiant. On y voit pendant trois minutes Clara et le Docteur poser de multiples questions l’un sur l’autre, dont un "What is your name ?" si intriguant, et nous annoncer fièrement que depuis qu’ils sont allés à/sur (?) Trenzalore, ils savent.
C’est là, à mon sens, tout le problème. Je me fiche de savoir ce qu’ils appris sur Trenzalore, je m’intéresse simplement à ce qu’ils y ont fait.
Pour moi, l’écriture moffatienne ne fonctionne dans Doctor Who que sur le court terme, dans le cadre d’épisodes spéciaux.
Il est temps pour Doctor Who de passer à une autre époque.
(Et à un autre directeur musical. Je n’en peux plus d’entendre l’orchestre symphonique se lâcher sur le même thème à chaque fois qu’une micro-avancée de l’intrigue est réalisée dans un épisode !)