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Elementary
1.24 - Bilan de la Saison 1
Your deductive skills are not unworthy of further development
dimanche 15 septembre 2013, par
La série enchaîne les handicaps dès son synopsis :
— c’est une adaptation de livres,
— c’est une remise au goût du jour d’une icône connue,
— que l’on délocalise dans le New York des temps modernes,
— où l’on change le sexe (et la nationalité) d’un personnage principal,
— dont le sujet est déjà actuellement adapté en série britannique et une série de films populaires.
En plus, il y avait déjà eu un chic dessin animé où Sherlock Holmes était un renard et John Watson, un chien. Sans parler du téléfilm des années 80 où Jane Watson résout des crimes à New York de nos jours avec l’aide d’un Sherlock Holmes cryogénisé pour échapper à la peste. Difficile de faire mieux.
Cela fait beaucoup d’obstacles à surmonter pour une seule et unique série.
A la base, il n’est déjà pas évident de proposer l’adaptation d’une histoire populaire car on confronte l’œuvre à l’idée préconçue que le téléspectateur s’en est faite dans l’imaginaire qui lui est propre.
Et en plus de cela, pour se démarquer, Elementary doit s’éloigner de la comparaison obligée avec Sherlock , la version anglaise proposée par Steven Moffat, et, dans une moindre mesure, avec Sherlock Holmes, les films d’action de Guy Ritchie avec Jude Law et Robert Downey, Jr.
Dans Elementary, Sherlock Holmes (Johnny Lee Miller) réside donc à New York. C’est un ancien drogué pour lequel son père engage Joan Watson (Lucy Liu), une "compagne de sobriété", pour l’aider dans sa désintoxication. Le Sherlock Holmes d’Elementary aide donc la police de New York à résoudre des crimes trop compliqués pour le détective de base de la NYPD. Mais après quelques épisodes, on réalise que si les grandes lignes sont bien présentes, Elementary se rapproche autant des livres de Sir Arthur Conan Doyle que de la formule « procedural par CBS ». Et rapidement, la comparaison avec Sherlock, la série de la BBC, n’a plus lieu d’être.

Il y a, bien évidemment, des éléments tirés du livre comme la théorie de Sherlock sur l’espace non-infini du cerveau qu’il ne faut pas encombrer de matériel inutile (1.03), mais le consultant spécial de la police est un trait que partage la série tant avec Sherlock qu’avec The Mentalist ou Castle. L’adaptation des livres n’est pas le cœur de la série comme dans l’œuvre de Steven Moffat. Elle est simplement une saveur apportée au procedural classique de CBS. Du coup, cela nous permet de regarder très vite la série d’un œil nouveau, et surtout d’un œil qui lui est propre.
Quand on nous garantit que Watson et Holmes ne finiront pas ensemble, nous nous retrouvons avec une série sur l’amitié et le respect grandissants de deux personnes aux passés troubles qui résolvent des crimes. Et pour le moment, les producteurs de la série semblent tenir parole, il y a plus de sous-texte ambigu entre Holmes et Watson dans les films de Ritchie que dans la série de CBS.
Cette dernière a d’ailleurs une formule efficace. Chaque semaine, un crime a lieu et on assiste au raisonnement de Holmes, assisté de Watson, sur la résolution d’un problème complexe : comment une femme dans le coma peut commettre des meurtres (1.02) ou comment retrouver la fille kidnappée de son ancien dealer sans impliquer la police (1.15).
Et, au fur et à mesure de la saison, en plus d’une solide histoire policière hebdomadaire, la série se dote d’un aspect sérialisé qui se porte sur l’évolution de la relation entre les deux personnages principaux où l’on en apprend plus sur les passés de Holmes et Watson revus par CBS.
Elementary fait partie de la vague procedural 2.0 de CBS. La chaîne ne cherche plus à répéter à l’infini la formule de CSI. CBS, qui a établi son succès sur ce modèle, adapte ce genre populaire en y incorporant des éléments inhabituels du genre comme de la science fiction, avec Person of Interest, ou en y associant une imagerie déjà connue du grand public comme avec Elemetary. Cela lui permet de réunir son public fidèle déjà acquis et des téléspectateurs qui s’intéressent plus à la Machine ou à la mise à jour d’un mythe connu. Le savant dosage entre aspect sérialisé en sous-texte et le mystère bien ficelé de la semaine est la force principale de Elementary.
D’ailleurs, comme il n’est pas intéressant de voir un type brillant qui a toujours raison résoudre des crimes, Elementary a mis au point une structure qu’elle applique soigneusement, mais que la série arrive à personnaliser afin d’éviter la répétition.
Chaque semaine, Holmes résout le crime à une dizaine de minutes de la fin d’épisode, mais quelque chose déraille ou alors il y une faille dans le raisonnement de Sherlock. L’intrigue est relancée dans son dernier acte avec un nouvel exercice pour Sherlock, comme s’arranger pour faire arrêter un meurtrier qui a obtenu une immunité (1.03) ou se faire libérer après s’être fait kidnappé (1.04). Il y a toujours un élément de surprise qui permet à Holmes de ne pas être totalement maître de son domaine et de mettre l’homme à l’intellect hors du commun en danger.
L’un des attrait de l’œuvre est aussi conservé : Watson accepte l’efficacité d’Holmes et s’accommode de ses excentricités sans le vénérer aveuglement. L’admiration de Watson pour Holmes fait que le détective accepte la relation, mais Watson gagne de semaine en semaine le respect d’Holmes. Assez vite, Holmes devient dépendant de sa compagne que ce soit pour compter sur son intelligence pour comprendre qu’il a été kidnappé (1.04) ou tout simplement quand elle détient des clés indispensables pour l’aider dans son enquête (1.05).
Les scénaristes montrent aussi rapidement l’impact d’Holmes sur Watson hors des intrigues policières. Elle voit le monde différemment et c’est un aspect bien trouvé de la série. En effet, Watson découvre que la règle « Avec de grands pouvoirs, viennent de grandes responsabilités » ne s’applique pas qu’à Peter Parker.
Watson se retrouve à convaincre un monde qui n’est pas nécessairement enclin à suivre ses instincts (1.05) ou doit gérer l’impact de l’art déduction sur sa vie sentimentale (1.04). Dans un premier temps, Holmes, de son côté, montre son intérêt en sa compagne de sobriété d’abord en étant un soutien moral lorsque Joan se trouve dotée de sa propre intrigue (1.09), puis en mettant en place un plan élaboré pour redorer le blason de Joan envers sa famille (1.10). Si le personnage de Watson a presque entièrement été revu, celui de Sherlock est plus proche des livres.

D’ailleurs, le premier test de leur relation vient de la mention de l’intrigue des livres de Doyle, celle de Irene Adler (1.07). Holmes se renferme à la mention de son nom. L’enquête de Watson jouera sur la confiance de l’un envers l’autre. D’un côté, Watson avoue que Holmes n’est pas un simple client, et qu’elle aime l’univers que le détective lui a fait découvrir. Le fait que Sherlock ne s’ouvre pas à elle sur ce point montre qu’il ne lui fait pas assez confiance et lui dénie la confirmation de l’aspect spécial de cette relation. De l’autre, Holmes n’apprécie pas que Watson enquête sur son passé. Joan lui dénie la maitrise de l’évolution de leur relation sur ce terrain. Elle le force à s’ouvrir, elle ne laisse pas en décider quand et comment.
Les scénaristes ont la très bonne idée de faire concorder l’apparition du mystérieux M (1.12) avec l’annonce de la fin du traitement de Sherlock par Joan. Mais sans Watson, plus d’Elementary.
La première confrontation que la série propose entre Sherlock et son plus redoutable ennemi sera alors l’élément déclencheur d’une situation qui prolonge, pour un temps, la présence de Joan chez Sherlock. Cependant, la fragilité de la base de ce nouvel arrangement pourrait nuire à la fragile relation Holmes et Watson, et via, la série à l’honnêteté d’adresser ce point très rapidement (1.13) via la thérapie de Watson. La lente évolution de leur relation leur permet de pérenniser cet arrangement de façon logique et où les motivations personnelles de deux protagonistes sont claires et établies (1.16).
Avec une série dont le chic générique ne liste que quatre acteurs, on pourrait croire que Elementary soignerait un peu mieux ses personnages secondaires. Mais si l’évolution de la relation entre Sherlock et Joan est lente, ce n’est rien comparé au traitement de Gregson (Aidan Quinn) et surtout du détective Bell (Jon Michael Hill).
Le premier est présenté comme l’outil scénaristique liant Holmes à la NYPD, le second, ne nous leurrons pas, ne remplit que le quota black de la série. Il faut attendre sept épisodes pour qu’on en apprenne un peu plus sur Gregson, mais surtout, ce n’est qu’au treizième épisode qu’une confrontation entre lui et Sherlock rend le personnage bien plus intéressant.
Bell, quant à lui, est un autre problème. Montré comme le flic qui ne voit pas ce que Sherlock voit et qui remet en cause sa parole, son personnage subit, petit à petit, une transformation où les scénaristes s’occupent de leur erreur initiale. D’obstacle vocal ayant pour simple fonction de forcer Holmes a exprimer à voix haute son raisonnement, il devient allié de Sherlock, jusqu’à avoir un rôle plus actif en fournissant au consultant un élément qui fasse avancer l’intrigue (1.09). Il aura même droit à avoir son propre épisode (1.16) où Sherlock chantera ses louanges. Alors que la relation Gregson-Holmes se tend, celle de Sherlock avec Bell devient beaucoup plus respectueuse et amicale où point où Holmes ira jusqu’à mentir pour le protéger (1.16).
Lentement, cette première raison remplit alors entièrement sa fonction de peindre un environnement propre à Elementary où elle ancre parfaitement ses quatre personnages centraux et les relations qui les lient.

A défaut d’être répétitive, l’enquête de la semaine rend la série légèrement inégale. Il est difficile de donner un cas digne de ce nom à Sherlock toutes les semaines sur 24 épisodes. On s’ennuie rarement, mais du coup les épisodes les plus marquants deviennent ceux qui sortent un peu de la routine et qui l’éloignent de la NYPD comme une énigme pour Shelock qui découle sur un meurtre (1.10) ou l’impact du retour de l’ex dealer dans la vie de Holmes (1.15).
Mais surtout, comme ces belles séries des années 90, la mythologie prend le pas sur l’enquête de la semaine plus on s’approche de la fin de saison. Les quatre derniers épisodes de la saison sont extrêmement satisfaisants et toutes les appréhensions que nous pouvions avoir sur Elementary s’évaporent.
Quant à la comparaison avec la série de Steven Moffat pour la BBC, après le double épisode final, on finit juste par se demander Sherlock Who ?