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Gotham

1.03 - Gotham

Batman sans Batman (Batmaaaaaan !)

dimanche 12 octobre 2014, par Ju

Les super-héros sont partout : au cinéma, dans les séries, sur nos sous-vêtements et, pour les super-héroïnes, les fesses en l’air sur les couvertures de comic-books. Partout ! On en frôlerait presque l’indigestion. Fort heureusement, il existe encore des séries courageuses qui osent dire non aux tendances, des séries qui osent encore parler d’autre chose que d’hommes en collant, des séries comme Gotham.

Pour reprendre la formule consacrée (dans l’adaptation de quelque chose, quelque part, qui j’en suis presque sûr n’avait rien à voir non plus avec Batman) : Gotham n’est pas la série que nous méritons, c’est la série dont nous avons besoin.

Ou, pour être plus précis, Gotham n’est pas la série que nous méritons... ni la série dont nous avons besoin... hmm... Gotham est... hmm...

Qu’est-ce que c’est ?

Gotham est la nouvelle série de Bruno Heller (le créateur de Rome et de, arf, Le Mentaliste), et la dernière victime en date du syndrome « Ok, bon, ce personnage est un peu trop connu pour passer à la télé, mais vous pouvez utiliser tous ses amis moins populaires, sans problème... mais pas lui, hein ! » déjà responsable de Agents of P.F.F.F. sur ABC.

Pour résumer brièvement la situation, DC Comics et Warner Bros n’ont pas de plan immédiat pour un film Batman, ce qui libère tous les personnages de son univers pour une adaptation télé. Mais vu que Batman lui-même affrontera Superman au cinéma en 2016 (sans parler du film Justice League qui va suivre), le personnage est hors-limite. Vous comprenez, il ne faudrait pas trop perturber la ménagère, incapable de comprendre comment le même personnage peut être interprété au même moment par deux acteurs différents sur deux média différents.

La bonne nouvelle, c’est que personne ne va confondre Ben Affleck avec un gamin (même pas cette conne de ménagère), ce qui fait que Bruce Wayne est, lui disponible pour la série. Mais uniquement en ado qui dessine des trucs trop dark, se brûle avec des bougies, et écoute du métal.

Vivement les séries Supergirl et Teen Titans l’an prochain, avec le reste des rejets de cinéma !

Ça parle de quoi ?

Gotham débute alors Thomas et Martha Wayne sont abattus dans une allée sombre devant les yeux de leur fils, Bruce...

... pendant que la future Catwoman (qui vient de voler du lait pour nourrir un chat) les observe d’un peu plus loin, félinement. Et que, au même moment, le futur Pingouin se balade avec un parapluie. Et que le futur Riddler ne parle qu’en phrase interrogative, que la futur Poison Ivy jardine, que le futur Double-Face s’observe dans un miroir, que le futur Mister Freeze mange des Mister Freezes, que... bref.

Gotham parle de tout ça en même temps, de rien en particulier, d’un peu de tout.

Sauf de Batman, c’est interdit.

C’est avec qui ?

Les rôles principaux de la série, dont je n’ai pas encore eu l’occasion de parler parce qu’ils sont moins importants que la future Poison Ivy, sont tenus par les très bons Ben McKenzie et Donal Logue. Ils sont Jim Gordon et Harvey Bullock, respectivement le seul policier honnête de Gotham et le flic le plus corrompu du Monde.

David Mazouz est le jeune Bruce Wayne, Sean Pertwee est Alfred, Robin Lord Taylor est le Pingouin, Camren Bicondova est Catwoman, Cory Michael Smith est E. Nygma, Jada Pinknett Smith (aucun lien) est Fish Mooney, John Doman est Carmine Falcone, et Victoria Cartagena est Renée Montoya.

Enfin, Barbara (la très riche fiancée de Jim Gordon qui vit dans un appartement magnifique mais n’a pas les moyens de s’acheter un pantalon) est interprétée par Erin Richards.

Et c’est bien ?

Pour l’instant, non, ce n’est pas bien.
Pour l’instant, Gotham, c’est même bien nul.

Après trois épisodes, il y a beaucoup de choses à dire sur la série (cet avis est assez long, on ne va pas se mentir), mais très peu de choses positives donc autant commencer par là.

J’aime beaucoup l’univers de la série. J’aime beaucoup la façon dont il est présenté, pas uniquement visuellement (même si le pilote est très beau et que les épisodes suivants restent à peu près du même niveau), mais surtout dans le choix qui a été fait de situer la série dans un « passé » un peu décalé.
On a donc des téléphones portables qui cohabitent avec de vieilles télévisions, de vieilles voitures, et un monde assez irréel qui apporte un vrai plus à la série (Arrow et The Flash ont sans doute de meilleurs pilotes, mais ils sont beaucoup moins originaux et jolis à regarder : Gotham sent le pognon). Dans les faits, on est très proche de la série animée Batman (celle de Bruce Timm, quand j’étais petit), certes, mais quitte à piquer des idées Heller et compagnie ont pioché au bon endroit.

En dehors de ce choix, ce qui est sans doute le plus réussi dans ces trois premiers épisodes, c’est d’avoir donné à Gotham, la ville, une vraie personnalité. (Ça tombe bien, puisque comme nous l’indique le « générique » hideux, c’est le titre de la série).
Gotham est vivante, Gotham est sale, remplie de criminels et de flics qui ne valent pas beaucoup mieux. Gotham a des vilains un peu barges. Gotham a un maire qui profite d’enlèvements d’enfants pour mettre tous les ados SDF de sa ville en prison (mon idée préférée de la série, pour l’instant).

Derrière tout ça, on sent un vrai potentiel.
Malheureusement, ça ne va pas beaucoup plus loin.

Le problème majeur de Gotham, c’est son écriture. Pour l’instant, les scénarios sont mauvais. Pour l’instant, la série ne sait pas trop ce qu’elle raconte. Pour l’instant, les personnages sont complètement caricaturaux, leurs relations dressées au marteau-piqueur, et ils évoluent dans des situations qui n’ont pas de sens (« Comment allons-nous expliquer avoir tué ce type dangereux qui nous a tiré dessus et attaqué au couteau sans perdre notre job, Gordon ?!? »).

Dans l’état actuel des choses, je suis absolument incapable d’apprécier Jim Gordon. Le personnage principal de la série. Le héros. Le seul flic honnête de la ville... tellement honnête qu’il en devient débile, en fait, incapable de faire preuve de diplomatie ou de réfléchir deux minutes (vas-y, Jim, n’hésites pas, expliques donc au Maire de la ville que tu le trouves malhonnête, c’est bon pour ta carrière).
Aucune subtilité, rien. Alors quand en plus il doit faire équipe avec Bullock, son opposé, complètement dépourvu de nuance lui aussi, la relation ne fonctionne pas comme elle le devrait. L’un comme l’autre sont trop dans les extrêmes, et il est impossible de prendre Bullock au sérieux puisqu’il n’a aucune morale... et que la moitié de ses répliques sert uniquement à expliquer... qu’il n’a aucune morale. De manière générale, la police de Gotham est présentée comme tellement corrompue que ça retire beaucoup de tensions à ce qui aurait dû être un très bon arc narratif pour Gordon. Pire encore, quand un des lieutenants tabasse un suspect avec son trophée de meilleur flic, on tombe même dans la farce.

C’est dans ce genre de moments que j’en arrive à me demander si les scénaristes savent où ils veulent en venir. Autant ça ne me dérange pas du tout que Gotham ait une relation ambiguë avec la réalité ou qu’elle prenne quelques libertés avec ce qui est crédible ou non (on est dans l’univers de Batman, ça serait un peu malhonnête de ma part de reprocher des méchants invraisemblables), mais le ton de la série part tellement dans tous les sens qu’il est difficile de savoir à quel point on est censé prendre les choses au sérieux.
Entre une série sur le crime organisé dans une ville un peu folle et une bonne grosse farce où un duo de flics que tout oppose recherchent un tueur qui utilise des ballons atmosphériques pour envoyer ses victimes dans le ciel, il y a un monde, et je ne crois pas que Gotham sache exactement où elle se place.

Ou même qu’elle sache ce qu’elle est censée raconter.

Si j’ai bien compris, Gotham est une série où des policiers ordinaires combattent des méchants hors du commun... quand ils n’étaient pas encore hors du commun... et sans les flics ordinaires (puisqu’ils sont tous corrompus) ?
L’idée d’utiliser les ennemis de Batman est séduisante, même sans Batman, car aucun autre super-héros n’a d’adversaires aussi iconiques. Pour prendre à nouveau l’exemple de Green Arrow, Oliver Queen est quasiment Batman, en tous points, mais sa série n’aura jamais d’aussi bons méchants. C’est un peu comme si on n’avait pas le droit de tout avoir en même temps dans une série, le super-héros et ses vilains, il faut garder les bonnes choses pour le cinéma. Et encore, « bonnes choses », c’est relatif. Je pourrais dire du mal de The Dark Knight Rises pendant des heures.

(Non, sans déconner, quel scénario de merde.)

D’un côté, avec Arrow, on a donc Batman-Lite sans de bons méchants à affronter. De l’autre, avec Gotham, on a les méchants sans Batman. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai bon espoir pour The Flash, qui possède de bons ennemis ET qui a le droit de courir dans son costume rouge dès le premier épisode de sa série. Je n’ai toujours pas compris comment la CW avait eu le droit d’utiliser le personnage sans qu’il soit pris par le grand écran, mais je les en remercie...

Bref, encore une fois, Gotham ne sait pas trop ce qu’elle raconte, les trois premiers épisodes servent beaucoup trop de personnages, de manière trop diluée, pour qu’on puisse vraiment être fasciné par ce qui se passe d’un côté ou de l’autre.
Je ne sais pas si c’est lié au fait que beaucoup de séries répètent leur pilote pendant leurs premiers épisodes, mais chaque semaine, pour l’instant, Gotham c’est une enquête mettant en scène son duo central caricatural, des petits passages chez Fish Mooney pour voir Jada Pinkett Smith cabotiner, des petits meurtres par le Pingouin, des scènes avec Montoya et son partenaire dont on ne comprend pas trop l’intérêt, des scènes avec Barbara sans pantalon, Catwoman avec ou sans dialogues et...

Je ne comprends toujours pas ce que Bruce Wayne fait dans Gotham.

Comme je le disais en début d’article, je n’ai pas d’autre explication que « ils ont eu le droit d’utiliser le personnage, donc, bon, hein, pourquoi pas ». Sauf que la présence de Bruce n’apporte rien à la série, qu’elle peut nuire au personnage, et que, pire encore, elle contribue au fait qu’on ne sache pas trop ce que Gotham raconte.

Pour moi, voir Bruce Wayne enfant n’a strictement aucun intérêt, et les trois épisodes diffusés ne m’ont pas fait changer d’avis. Cela de sert à rien de faire des détours par le manoir Wayne, cela ne sert à rien de ridiculiser le futur Batman en nous le montrant en train de dessiner et d’écouter du métal. Il n’a pas de possibilité d’évolution (on sait ce qu’il va devenir, et on sait que ce n’est pas tout de suite), il est complètement déconnecté du reste (au moins, les scènes chez Mooney ou avec le Pingouin font partie de l’histoire générale sur le crime organisé à Gotham), et je n’ai pas la moindre idée de la façon dont ils vont continuer à intégrer le personnage à la série.

Oh, et je déteste cette version d’Alfred.

Sans parler du fait que je trouve très bizarre qu’ils vivent juste dans un seul et même salon, près d’une cheminée toujours allumée. (Mais bon, Fish vit dans son club et Barbara ne quitte jamais son appartement, il doit s’agir d’un problème d’agoraphobie généralisé à Gotham.)

Tout ceci étant dit, et après avoir passé plusieurs pages à casser du sucre sur le dos de la série, il faut quand même avouer qu’il est très tôt pour avoir un avis définitif sur Gotham. La série a trop de potentiel pour se laisser décourager après trois épisodes, aussi décevants soient-ils.

Mais c’est tout ce potentiel qui rend ces trois premiers épisodes un peu dur à avaler. Et je ne suis pas sûr qu’il y ait le talent nécessaire, en coulisses, pour écrire quelque chose qui tienne la route, et encore moins exploiter ce potentiel à son maximum. Mais j’ai envie d’en voir plus. J’ai envie de voir les personnages prendre de l’épaisseur, leurs dialogues s’améliorer, les acteurs s’amuser.

J’ai envie que les scénaristes de Gotham trouvent ce dont ils ont envie de parler.

Sauf de Batman, c’est interdit.

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