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Legion

1.08 - Bilan de la Saison 1

Legion, c’est...

samedi 8 avril 2017, par Conundrum

Legion, c’est typiquement le genre de série que je lance avec méfiance. L’idée d’une série tirée de l’univers cinématique des X-Men, contrôlée par Fox et non Marvel Studios, est un peu inquiétante. Il s’agit d’une franchise cinématographique bancale qui peine souvent à retranscrire ce qui faisait le charme du matériel source.

Aussi, l’idée de centrer la série sur un personnage aussi particulier que David Haller ne rassure pas non plus. Il s’agit d’un personnage torturé, complexe et il a souvent été plus traité comme catalyse d’intrigues plus que comme réel personnage. Il a été à deux reprises la figure centrale de refonte (plus ou moins permanente) de la gamme de comic book X-Men : The Muir Island Saga qui a scindé les X-Men en deux équipes, et nous a donné une excellente nouvelle version de X-Factor, une de ses séries sœurs, et son vilain oedipe avec Legion Quest, qui a donné une version alternative pendant quelques mois de tous les titres de la gamme. Et, même si il a été le héros d’un comic book pendant une vingtaine de numéros, le personnage était tellement problématique que l’idée de l’inclure dans une équipe, X-Factor, a vite été abandonnée.

En faire le héros d’une série, c’est un peu comme se dire qu’on va faire un spin off de Friday Night Lights sur Santiago. Ce n’est pas un personnage majeur, ni particulièrement déplaisant, mais qui ne fait pas plus envie que cela. Et là, son pouvoir particulier, un homme aux multiples identités où chacune possède un pouvoir pouvait être particulièrement casse gueule par l’équipe qui nous a donné le bijou de subtilité qu’était X-Men : Apocalypse.

Les seuls éléments rassurants était la présence de Noah Hawley, à qui l’on doit Fargo la série, et la sympathique galerie de visages familiers d’excellentes comédies qui était petit à petit devoilée. Si le pilote a balayé toutes les inquiétudes qualitatives héritées de la gestion hasardeuse de la franchise cinématographique, il inquiète un peu en faisant se demander si les effets de style ne sont pas une distraction d’une potentielle absence de substance.

En gros, avec les d’effets à droite et à gauche qui font « Wow ! / Quoi-ça ? / HEIN ?!?! », on ne sait pas trop où la série veut aller. Un peu comme essayer de comprendre le programme d’Emmanuel Macron.
Heureusement, la série rassure très vite et captive encore plus vite. Et on réalise que Legion, c’est…

1 Une série où tous les effets de style sont justifiés

Legion déstabilise car elle cherche à établir une narration neuve sur un terrain connu et où elle est attendue. Pourtant, visuellement, elle ne se rattache en aucun cas aux films. La filouterie va même jusqu’à (essayer de ?) nous faire croire qu’elle n’a aucun lien avec l’univers cinématographique. Et la réalisation ici, avec tous ses effets spéciaux prend le rôle d’une voix off. Il s’agit ici d’un vrai outil narratif.

On cherche non pas simplement à nous montrer ce que David voit, mais qui est David. On ne cherche pas la facilité à utiliser les sessions avec les psychologues comme scènes explicatives d’exposition. C’est toute la réalisation qui nous montre à quel point David est angoissé, amoureux, perturbé mais surtout peu fiable. Ce que les personnages secondaires découvrent en faisant leur enquête, nous l’apprenons rapidement. On ne nous explique pas, on nous montre littéralement qui est David. Quand les personnages secondaires sont en avance sur lui, nous sommes perdus comme lui. Mais quand il leur cache quelque chose, on nous montre, non pas ses secrets, mais le fait qu’il ne dit pas complètement la vérité (volontairement ou pas).

Mais même si elle centrée sur lui, Legion, c’est aussi…

2 Une série X-Men

Le premier numéro de X-Men montre l’arrivée de Jean Grey, une mutante très puissante, au sein d’une école où des jeunes gens apprennent à contrôler leur pouvoir. Ce n’est pas l’objet du pilote, mais c’est clairement l’un des thèmes de la série. David est un homme qui découvre qu’il n’est pas ce qu’on lui a fait croire qu’il était. Il trouve un endroit où il y a d’autres personnes aux habilités hors du commun, où sa différence est cultivée et non pas réduite au silence. David trouve un mentor, une figure similaire à Charles Xavier, et une équipe de mutants organisée qui combattent un puissant ennemi.

Si je n’ai reconnu aucun d’entre eux du comic book d’origine, la série est thématiquement bien plus proche qu’un film mettant en scène les versions de Storm, Cyclops ou Jean Grey présentées sur le grand écran. La série n’a pas besoin d’être fidèle au comic book, car elle ne cherche pas la facilité de raconter différemment une histoire connue. Elle n’adapte pas, elle ré-invente le personnage de David. Et même si son antagoniste principal est une figure centrale de la vie de David dans les comic book, il n’y a plus aucune familiarité, c’est un terrain narrativement nouveau avec des thématiques familières.

Le style aussi rappelle les années 70 et 80, les décennies qui nous ont donné les périodes les plus riches pour le comic book.

Legion est véritablement une série de comic book mais Legion, c’est aussi…

3 Une enquête captivante

Legion est un thriller au narrateur peu fiable. Si on oublie les mutants, les pouvoirs et les vilains monstres, Legion est un mystère bigrement efficace. David est un homme sous influence du fait de sa consommation de drogue, et surtout de « sa maladie ». Comprendre qui est David nécessite de faire le tri pas uniquement entre le vrai et le faux mais surtout ces moments où David ment et ceux où il se ment à lui-même.

Le mystère n’est pas un « whodunit », il n’existe pas que pour sa résolution. La force de Legion n’est pas de dépeindre une énigme pour la résoudre, mais pour la comprendre. Il n’y a pas de satisfaction finale où nos efforts seront récompensés par un dénouement détonnant et satisfaisant. Legion est une tableau peint sous nos yeux où la richesse réside dans les émotions qu’elle provoque. De ce fait, on ne cherche pas à émettre des théories et à essayer de deviner où l’intrigue va nous mener, et paradoxalement on ne s’en retrouve que plus impliqué.

Et si Legion est une belle œuvre, il y a une chose qu’elle n’est pas. Legion, …

4 Ce n’est pas un film en 8 épisodes

Legion est une série qui mérite d’être revue. Il est plus facile de revoir une comédie, car le rythme soutenu des blagues, trouvailles visuels et bon mots, fait qu’il est difficile de tous les capter ou de s’en souvenir. On ne nous laisse pas le temps de tout imprimer. Il est ressort qu’à chaque revisionnage d’une bonne comédie, la répétition ne prend pas le pas sur le plaisir de revoir un épisode connu. Il y a de fortes chances de voir quelque chose que l’on a pas vu à l’époque.

Il y a aussi des séries qui, vue à différentes étapes de sa vie, vont résonner différemment. La part belle donné aux adultes et dans la relations des enfants envers eux fait que revoir My So Called Life quand on l’âge d’Angela et Brian puis quand on se rapproche de l’âge de Graham et Patty sont deux exercices très différents.
Legion est une série dont les épisodes méritent d’être vus, savourés en tant qu’unitaire, puis revue. C’est une série visuellement riche qui bénéficie de se poser et de profiter de chacun des huit épisodes, vu à la chaine, d’affilée dilue la force de la série. C’est une série drainante quand on s’y investit. Elle épuise un peu de par son intensité, de par son attention au détail. Elle déstabilise, donc elle mérite qu’on se concentre plus que d’accoutumée.

Assez étrangement, il ne se passe pas grand-chose dans un épisode de Legion, si on écrit sur le papier l’avancement de l’intrigue, le résumé serait très court. Et même si une seule et même intrigue est suivie sur toute la saison, ce n’est pas son dénouement qui prime. Legion est l’anti 24 dans ce sens. Ce n’est pas parce qu’il ne passe pas grand-chose qu’il n’y a rien à voir et surtout qu’il n’y a rien à ressentir.
Huit épisodes, c’est parfait pour la série. Plus, et elle serait trop épuisante. Moins, et elle nous aurait laissé sur notre faim. Mais ce qui impressionne dans Legion, c’est que les codes des séries si industrialisés sont présents mais très différemment. On nous rappelle souvent les mêmes événements, on nous dit souvent les mêmes choses, du coup, il n’y pas nécessairement besoin d’un Précédemment dans Legion. Cette fonction de rappel de l’intrigue est savamment entremêlée dans la narration de la série. Et les cliffhanghers ne cherchent pas à créer artificiellement l’obligation de revenir la semaine prochaine. Chaque épisode a un sens de la conclusion. L’intrigue n’est pas résolue, mais l’épisode l’est.
La série cherche à nous faire revenir uniquement sur l’intérêt et la qualité de la série.

J’aurais aimé qu’à l’issue de la saison, il n’y ait pas de scène post-générique qui relance l’intrigue, toute la saison de Legion se suffit à elle même. L’intrigue est conclue mais pas entièrement résolue. Elle nous laisse le temps de souffler et els questions laissées ouvertes se suffisaient à elles même pour nous motiver à revenir la saison prochaine. Legion n’avait pas besoin de cet artifice hérité des films Marvel. J’aurais aimé qu’elle ne soit pas là pour que la dernière impression de la série ne soit pas un avant gout de la saison 2.
J’aurais aimé qu’on reste dans cet état de découverte et de fascination dans lequel la saison 1 nous a plongés.

En tout cas, avant la saison 2, un revisionnage de la série s’impose parce que Legion, c’est vraiment bien.

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