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Lost
6.11 - Happily Ever After
Ob-La-Di, Ob-La-Da
mardi 13 avril 2010, par
Peut-on enfin dire, maintenant que Desmond est de retour, que Lost s’est réconciliée avec la qualité des dernières saisons ?
Ma réponse est non, bien sûr que non. Non.
Résumé Très Rapide, à 40 jours de la Fin ! Yay !
Dans un Univers Alternatif où l’Amour est Roi, Charlie est vraisemblablement victime d’une terrible mésentente avec son coiffeur.
Desmond ! Yay !
Cette semaine, j’aimerais profiter du fait que tout le monde ou presque soit sur un petit nuage pour apporter ma pierre au débat éternel de « l’inné et l’acquis ». Ou, dans le cas présent, au débat éternel sur les qualités réelles d’un épisode de Lost face aux qualités qu’on y projette inconsciemment.
On ne pourra pas dire que je me fous de votre gueule.
Rien de mieux, en effet, qu’un épisode de Desmond pour aborder ce sujet, puisque nous savons tous qu’il est le seul personnage de la série dont les épisodes sont systématiquement réussis. Sans exception, ils vont tous du bon à l’excellent, et deux d’entre eux (dont je risque d’ailleurs de reparler longuement dans la suite) se classent sans aucun doute parmi mes cinq épisodes préférés de la série.
La raison qui fait que ces épisodes sont souvent hautement appréciés est très simple : plus que tous les autres, ils marient parfaitement une intrigue efficace sur le plan émotionnel (car classique, sans tomber dans le cliché) avec un côté science-fiction / mythologique toujours poussé. Généralement, tout le monde s’y retrouve.
Ma thèse est la suivante : c’est justement parce que les scénaristes nous savaient prédisposés à apprécier une nouvelle aventure spatio-temporelle de Desmond, et à juste titre, qu’ils sont tombés dans des travers d’écritures épouvantables.
Oui, Happily Ever After est certainement un des meilleurs épisodes que nous a offert Lost cette année, mais étant donné mon opinion sur la qualité générale de la saison, ça ne veut pas dire grand-chose. Et si j’ai mis autant de temps à me décider à écrire cette critique, c’est parce que je savais pertinemment que je n’aurais pas que des choses gentilles à en dire. Loin de là. Et dire du mal d’un épisode de Desmond, quelque part ça m’est difficile.
Pourquoi ?
Parce que nous sommes tous prédisposés à aimer un épisode sur Desmond. C’est la moitié de ma thèse. Suivez un peu !
Ctrl-C, Ctrl-V ! Yay !
Comme je l’ai dit plus haut (la répétition est à la base de la pédagogie), si les épisodes de Desmond sont généralement autant appréciés c’est parce qu’ils mêlent science-fiction et sentiments. C’est vrai d’une façon ou d’une autre pour tous ses épisodes, et encore plus pour les deux dont Happily Ever After se veut l’héritier direct : Flashes Before Your Eyes en saison 3, et The Constant en saison 4.
Dans le premier, Desmond voyage dans le Temps après l’explosion de la trappe et revit sa rupture avec Penny. Science-fiction, sentiments, pour un épisode absolument unique dans la série. Dans The Constant, on a droit à des aller-retours dans le Temps à répétition et une réunion téléphonique finale qui en a ému plus d’un. Science-fiction, sentiments, pour un scénario bourré d’ambition et exécuté avec une précision incroyable.
Happily Ever After veut faire la même chose. Exactement la même chose. Le cahier des charges demande de la science-fiction, on nous file un tore géant qui clignote. Le cahier des charges demande une scène finale avec Penny, on nous en sert une, complètement dépourvue d’émotion.
Mon principal reproche c’est qu’il m’a semblé que Cuse et Lindelof étaient tellement heureux de pouvoir suivre à la lettre leur schéma « Construis toi-même ton épisode sur Desmond ! » qu’ils ont un peu perdu de vue le fait que leur scénario manquait complètement de spontanéité. Sur le papier ils ont bien repris les éléments qui avaient fait le succès des épisodes précédents, sauf que cette fois ils en ont fait des tonnes.
Comme dans The Constant, Lindelof et Cuse se sont dit qu’il serait bon d’ancrer leur histoire de science-fiction dans le réel en lui donnant des enjeux relatifs à ce que ressentent les personnages. En théorie c’est une excellente idée, et c’était parfaitement illustré par le concept même de « constante » dans l’Univers de Lost. L’Amour comme remède à une Terrible Migraine des Voyages dans le Temps, ça peut paraitre idiot, mais ça fonctionne plutôt bien. Forts de leur réussite passée, Lindelof et Cuse ont repris exactement la même idée dans cet épisode (au Diable l’originalité), en forçant un peu le trait. Voir même beaucoup. Voir même en en faisant cent fois trop dans la guimauve.
Je ne suis jamais contre un peu de romantisme, mais l’Amour comme tunnel entre les dimensions et le Coup de Foudre comme révélateur d’une réalité dénaturée, c’est quand même bien gratiné. Et ça passe encore moins bien quand ça nous est présenté à travers les deux pires « histoires d’amours » que nous a offertes la série. Le couple que formaient Charlie et Claire était pathétique. Personne n’a jamais cru une seule seconde à celui de Charlotte et Faraday.
En conséquence, les petits discours de Dominic Monaghan et Jeremy Davies me sont un peu passés au-dessus de la tête. Et non seulement leurs tirades sont bien tombées à plat mais en plus, et c’est plus grave, c’est tout le concept qui devenait difficile à avaler. Du coup, tout l’épisode s’écroule car il devient impossible de passer les petites erreurs, incohérences ou bêtises qui auraient pu être ignorée dans un contexte un peu moins risible.
Ici, impossible pour moi d’occulter la connerie folle de toute la scène de Faraday. Non, Farfadet, les Coups de Foudre ça n’existe pas. Tu as juste aperçu une jolie rousse (qui transpire le sexe) en train de manger du chocolat, ça arrive à tout le monde. Mais ça ne veut pas dire que tu as fait exploser une bombe nucléaire dans une autre vie et créé ainsi une toute nouvelle réalité... Sérieusement, d’où lui vient cette idée ? À quel moment nous donne-t-on le moindre élément nous permettant de prendre au sérieux sa conclusion ? Est-ce que la scène a le moindre sens ?
Très clairement, non. Il fallait juste trouver un moyen de valider, d’une façon ou d’une autre, l’existence de la réalité alternative par rapport au reste de l’intrigue. Du coup, sans raison aucune, Faraday nous expliquer fièrement qu’il a dû faire exploser une bombe nucléaire.
Heureusement que la cravate marquait elle aussi son grand retour, parce que sans elle j’aurais vraiment eu du mal à trouver le moindre intérêt à cette scène qui n’était rien de plus qu’une énième « apparition surprise » d’un ancien acteur, dans un épisode qui souffrait déjà beaucoup de la nostalgie déplacée et superflue qui hante cette saison.
D’autre part, et je ne sais pas combien de fois encore je vais devoir le répéter avant la fin de la série, mais l’Univers des flashternatifs ne m’intéresse pas. Cela va donc sans dire qu’y passer un épisode tout entier, même en compagnie de Desmond, ne m’intéresse pas non plus. Si encore « notre » Desmond s’était réveillé dans une réalité qui n’est pas la sienne, ça aurait pu être passionnant. Mais non, on ne fait que suivre une variation de Desmond dans ses rencontres avec des variations d’autres personnages. Encore une fois, ça ne m’intéresse pas.
Et c’est un peu pour cette raison aussi que je ne pourrais jamais me réjouir de la moindre révélation mythologie ayant attrait à cette réalité. Nous expliquer à demi-mots ce qu’on regarde, c’est une bonne idée qui arrive malheureusement bien trop tard, et qui manque toujours terriblement d’impact sur le reste de la série. Nous offrir des réponses serait bien plus captivant si elles ne se limitaient pas uniquement à des questions introduites seulement dans la sixième saison.
En fait, personne ne résume mieux ma pensée sur les flashternatifs que la série elle-même. Pour citer Charlie courant à moitié nu dans le seul hôpital de Los Angeles : « Tout ça n’a plus aucune importance ! Ce qui importe, c’est ce que j’ai vu ! ».
Et ce qu’il a vu, le Hobbit, c’est sa vie sur Lildelost. La vraie série. Et non pas les vignettes de séries dérivées potentielles qui font la joie d’anciens acteurs, le bonheur de scénaristes contents d’eux, et me frustrent toujours un peu plus à mesure qu’on approche de la fin de la série. Non, je me peux pas apprécier d’obtenir des pseudo-réponses quand elles se rapportent à des questions introduites il y a dix épisodes et éclipsant totalement les enjeux narratifs des cinq premières saisons.
Desmond & Penny ! Yay !
Non, je n’ai pas fini.
À mes yeux, Happily Ever After a perdu tout intérêt dans ses dix dernières minutes absolument catastrophiques. C’est bien simple, jusqu’à la scène avec Eloïse et sa choucroute hors de contrôle, je n’avais pas grand-chose à reprocher à l’épisode. Il me plaisait même tellement que je pouvais passer outre le fait qu’il reprenait la structure de Flashes Before Your Eyes jusque dans ses moindres détails (« C’est la 28ème minute, vite, Mrs Hawking sort du script ! »). Peu importe le manque d’originalité, disais-je, puisque c’était bien. Et il y avait quand même eu l’apparition d’un tore géant dès les premières scènes, ce qui est toujours une excellente idée en ce qui me concerne.

Mais voilà, comme je l’ai déjà dit, l’apparition de Faraday m’a foutu en rogne. Et ce qui suivait n’était pas franchement plus glorieux.
Que dire de la scène avec Penny ?
Qu’elle est naze, oui, mais encore ? Pendant toute sa durée, j’ai eu l’impression qu’on attendait de moi que je sois ému. Tout simplement parce que c’est Desmond, parce que c’est Penny, et parce que de la même façon que je suis supposé aimer les épisodes sur Desmond, je suis aussi sensé verser ma larme quand il rencontre Penny.
Sauf que dans le cas présent, ça ne fonctionne pas du tout. À trop vouloir faire les malins en écrivant toujours la même chose, les scénaristes invitent les comparaisons peu flatteuses. Car la vraie première rencontre du couple phare de Lost, comme on nous la présentait pour la première fois dans la troisième saison avec Catch-22, était mille fois plus réussie que la rediffusion qu’on nous propose ici. À l’époque, Brian K. Vaughan était au scénario, les dialogues étaient naturels, et l’alchimie entre les deux personnages palpable dès les premières secondes. Ici, la scène est très mal écrite, les acteurs peinent, et il n’y a pas d’enchaînement cohérent entre les répliques ou comportement se rapprochant de celui de deux êtres humains.
« Vous êtes Penny ? »
« Oui. »
« Vous ne me demandez pas comment je sais qui vous êtes ? »
« Non. Je suis bien trop fatiguée d’avoir couru bizarrement pour avoir la force de poser une question un tant soit peu normale. »
« Ah ah ah, je me suis évanoui, Brothaaaaaa ! »
Zombie Desmond ! Yay !
Comme si cette formidable scène d’un romantisme absolu ne nous offrait déjà pas une conclusion assez désastreuse, Happily Ever After nous propose encore trois fins supplémentaires. Pas une seule d’entre elles ne possède le moindre punch. L’épisode n’en finit plus de s’embourber dans les non-événements. À chacune des trois conclusions (après le réveil de Desmond, après l’apparition de Sayid, et de retour dans la réalité alternative), on se dit qu’on arrive enfin à quelque chose. Sauf que rien ne vient jamais. Trois fois de suite, on retourne toujours à Desmond l’air vaguement décidé à faire vaguement quelque chose pour une raison plutôt vague.
Le souci, c’est que Desmond ne devient pas zen parce que c’est la suite logique au reste de l’épisode. Non, Desmond devient inexplicablement serein simplement parce que c’est comme ça que se terminait The Constant. Et c’est tout.
« I’m perfect », disait-il, le calme retrouvé.
Encore une fois, et ça ne pourrait pas être plus transparent, Lindelof et Cuse étaient plus intéressés par les parallèles qu’ils pouvaient dresser avec le passé que par la cohésion de l’histoire qu’ils étaient en train de raconter. Parce que ces parallèles sont une preuve indéniable que chaque épisode de Lost jouait un rôle majeur dans la fresque que forme la série. Ou du moins c’est ce que ses créateurs veulent nous faire croire, de façon assez pathétique. Consacrer toute sa dernière saison à rendre hommage au reste de la série n’est justement pas la meilleure manière de le faire.
Pour en revenir à Desmond, non seulement on ne nous justifie pas sa nouvelle sérénité (contrairement à The Constant, il n’y a pas d’aller-retour entre les réalités, pas d’épreuve menant à une quelconque libération, en fait, pas de suspense), mais en plus elle nuit à l’intensité du récit.
Le Desmond fou de rage du début d’épisode est complètement effacé dans ces dernières minutes, remplacé sans raison par un Desmond lobotomisé auquel il devient nettement plus difficile de s’identifier, et pour lequel il est impossible d’éprouver la moindre sympathie. Zombie Desmond rencontre Zombie Sayid, pour de futures interactions qui s’annoncent forcément pleine de personnalité et de dialogues savoureux.
Toute l’évolution potentielle d’un Desmond furieux (mais contraint de s’associer avec Widmore), est remplacée par un regard vide et plutôt content de lui. Un nouveau choix narratif douteux dans une saison qui n’en manquait déjà pas.
La semaine prochaine, je vous expliquerai que si vous ne savez pas ce qu’est un tore, c’est que vous êtes un BÉBÉ !
Et on parlera un peu de Lost.