Accueil > pErDUSA > Chroniques > Billets > Prise N°25

The Real Jéjé of pErDUSA

Prise N°25

Y’a que les imbéciles...

samedi 12 septembre 2015, par Jéjé

Quand on regarde les séries avec la dévotion quasi pathologique qui caractérise les membres de cette rédaction [1], que l’on donne sa chance à beaucoup de choses, à vraiment beaucoup de choses, ne pas avoir envie d’en découvrir certaines est presque rassurant.

C’est chouette de ne pas avoir envie.
D’avoir des goûts affirmés.

Non, merci, vraiment. Ce n’est pas mon truc. C’est comme ça. Ca ne m’intéresse pas. 
Je vais plutôt reprendre mon intégrale de All In The Family
Non, Iris, je ne regarderai pas Rick & Morty.
Même si Ju en a dit le plus grand bien.
Même si les cinq dernières minutes du 2.03 sont les plus belles minutes de la télé depuis les trente deux minutes du series finale de Community.
Surtout pour ça, en fait.
Et Another Period, c’est également drôle et touchant. Surtout drôle. Et y’a des références à Real Housewives. Donc, ce truc avec le vieux qui rote au milieu de toutes ses phrases, non merci.

C’’est en général à ce moment-là que je me lance dans des intégrales et/ou rattrapages des séries dont j’étais sûr trois mois auparavant de ne jamais en regarder une minute.

Voici donc mon été de séries que je ne voulais pas regarder.

1 Longmire - Saison 1

Pourquoi pas ?

Le héros est un homme blanc bougon d’une cinquantaine années qui porte un lourd secret.
Tout simplement.

Je préfère encore regarder Rick et Morty.

C’est le shérif d’une petite ville du centre des États-Unis, où tout le monde est blanc, porte des chapeaux de cow-boys, se passionne pour le rodéo et chicane avec les Indiens de la réserve du coin…

Les rots répétitifs de Rick deviennent d’un seul coup plutôt attrayants.

Et il résout les affaires criminelles qui s’enchaînent chaque semaine, affaires qui, selon les amateurs de la série, n’auraient pas beaucoup d’intérêt. « Ce qui compte, c’est l’ambiance… »

Les séries policières où la partie policière n’est pas réussie, c’est un peu comme un gâteau au chocolat où le chocolat ne serait pas bon. Même si c’est joli, je vois pas trop l’intérêt.

Mais pourquoi donc ?

Parce que Ju m’a rappelé que la dernière fois que j’ai eu d’affreux a priori sur une série dans une petite ville centrée où les gens portent des chapeaux de cow-boys, ça concernait un petit truc du nom de Friday Night Lights.

Résultat

C’est aussi bon que ce qu’en disent ceux qui ont découvert la série avant qu’elle ne soit annulée par A&E et sauvée par Netflix [2].

L’ambiance y est pour beaucoup, je suis d’accord, mais la partie policière l’est tout autant.
Gros point positif pour commencer, Longmire ne se vautre pas dans l’exploitation de la violence faite aux femmes. Contrairement à une bonne palanquée de procedurals policiers, très peu des victimes de la première saison sont des femmes (en fait, il n’y en qu’une au cours des 10 épisodes).

De plus, les résolutions des enquêtes sont souvent assez simples, presque banales. Je préfère ce type d’affaires aux histoires sherlockholmesques qui mettent surtout en valeur l’esprit de déduction et d’observation. Celles-ci laissent beaucoup de plus place aux protagonistes, elles peuvent prendre le temps de sonder leurs motivations, elles peuvent approfondir les situations humaines et sociales.

Quant à Katee Sackhoff, elle est une newbie urbaine débarquée dans les grands espaces absolument jubilatoire.

2 Engrenages - Saison 3

Pourquoi pas ?

Oui, c’est vrai, au printemps dernier, quelques dix ans après la déception de la saison 1, la découverte de la saison 2 m’a emballé.
Mais je me suis arrêté là, je n’ai pas enchaîné avec la suivante.
Parce que j’avais entendu que la saison 2 était la meilleure des cinq, parce que j’avais vu que Virginie Brac, sa scénariste principale, n’avait pas participé aux autres, parce que j’avais lu que la saison 3 était une banale affaire de serial-killer étendue sur 12 épisodes…

Mais pourquoi donc ?

J’ai eu envie d’avoir des nouvelles de Maître Karlsson.

Résultat

C’est hyper bien. Largement du niveau de la précédente.
Je crois même que j’ai préféré cette saison, plus ample au niveau des intrigues, plus précise dans l’étude des rouages de l’administration judiciaire et plus intimiste dans le développement de ses personnages. Les (nouveaux) scénaristes ont visiblement su profiter de l’augmentation du nombre d’épisodes (qui passe de huit à douze).

Les dialogues et les luttes de pouvoir qui se logeaient entre les lignes faisaient à mon sens la spécificité enthousiasmante de la saison 2. En saison 3, j’ai été marqué par la tension qui se dégagent des innombrables séquences de surveillance et de filature, pour le coup, aux dialogues minimaux. On perçoit vraiment la dimension incertaine et frustrante de ces longs passages obligés des journées (et des nuits) des enquêteurs. Chaque erreur d’inattention, chaque minuscule décision peut compromettre les dispositifs qui aura duré plusieurs heures et faire capoter leurs petits objectifs. Tous ces petits détails que l’on apprend à anticiper, à redouter, rendent la traque du tueur (dont l’identité est rapidement révélée) extrêmement passionnante et dramatique.
Croyez-moi, « Ca bouge, ça bouge » peut être une ligne de dialogue très excitante…

Et à côté de tout ça, Maître Karlsson s’humanise.
Tout en restant heureusement aussi retorse et déterminée que d’habitude.

Allez, saison 4, me voici.

3 Bojack Horseman - Saisons 1 et 2

Pourquoi pas ?

Parce que j’ai été traumatisé par les affiches de la campagne de pub pour la première saison.
Elles étaient partout, toutes moches, avec un cheval mal dessiné, une perspective approximative, et un jeu de mots bien poussif. Franchement.
Et s’il n’y a pas de chansons, des stars de Broadway et Debra Messing, je n’ai pas le temps pour le Hate Watching.
En plus, je ne voyais pas d’intérêt particulier à une é-nième satire sur l’envers d’Hollywood produite, qui plus est, par Will Arnett et Aaron Paul, deux noms qui sont loin de me faire sauter au plafond. 

Mais pourquoi donc ?

Je croyais que c’était lié à l’écho positif de plus en plus fort autour de la série après le lancement de la saison 2, mais il a fallut que j’attende la critique de Ju pour que je comprenne la véritable raison qui m’a poussé à regarder la série.

Résultat

Je n’ai pas d’autre chose à dire que « Ju A Toujours Raison ».
C’est tout, c’est comme ça.

4 Babylon 5 - L’intégrale (5 saisons, 5 téléfilms et le pilote du spin-off)

Pourquoi pas ?

Oui, c’est vrai ça. J’ai toujours eu un petit peu envie de la regarder.
A cause du mythe qui lui colle à la peau de "série à la mythologie incroyablement maîtrisée et cohérente sur cinq saisons pensée avant le tournage du pilote".
E cette petite envie remonte à loin.

J’avais acheté le coffret VHS - oui, Iris, VHS - de la première saison il y a maintenant plus de quinze ans. Au moment d’un déstockage de la FNAC à l’arrivée des DVD, je crois me rappeler. Un coffret de six cassettes. Qui sont toutes encore dans leur film plastique.
Je n’ai jamais eu pu me résoudre à en regarder le moindre épisode.
Peut-être parce que les épisodes sont en version française format 4/3.
Peut-être parce que je reste très sceptique par la coiffure du personnage de Londo sur les jaquettes des cassettes.
Peut-être aussi et surtout parce que tout le monde dit que la saison 1 est relativement mauvaise. Et qu’il faut attendre le milieu de la saison 2 pour que ça décolle.

Mais pourquoi maintenant ?

Le lancement de Sense 8 a joué un petit rôle en remettant sur le devant de la scène Joe Michael Straczynski.

Mais surtout à la fin juin a été posté sur Un (é)cran de plus un podcast en trois parties consacré à Babylon 5 qui réunit trois grands sériephiles français. Et parmi eux on y trouve Sullivan Le Postec.
Je vais maintenant vous faire une confidence. Elle concerne l’une de mes plus belles expériences de sériephile. Et elle implique le Sullivan sus-mentionné.
Cela doit remonter à une petite dizaine d’années.
Lors d’une soirée qui s’est prolongée, à ma demande, Sullivan a entrepris de m’expliquer la mythologie des X-Files. L’une des séries qui m’a fait aimer les séries (et dont j’ai aussi des VHS en version française). Que j’adorais. Mais qui m’avait un tout petit peu perdu après la saison 6 ou 7.
Cette nuit-là, Sullivan avait toutes les réponses. Sur l’huile noire, sur les super-mutants, sur l’homme à la cigarette. Il les délivrait avec ce don qu’ont les grands orateurs de tout rendre simple, clair et évident, de vous donner l’impression que vous êtes aussi fin et intelligent qu’eux (jusqu’à ce que vous tentiez de reformuler ce que vous pensez avoir compris et que vous vous rendiez compte que vous en avez déjà oublié la moitié et le reste ne que confusion et approximation). Ce fut un moment unique, l’espace d’un instant, tout X-Files était limpide et passionnant.

Alors pour retrouver par l’intermédiaire d’un podcast cette sensation de plénitude, je me suis lancé.

Résultat

J’écris ces lignes alors que je n’ai pas encore écouté le podcast. Pour donner mon avis brut sur la série…
Pourtant je vais reprendre les mots d’Amandine/amdsr, à l’initiative du dit podcast, qui a écrit ceci dans le bilan de sa découverte de Babylon 5 après tout le monde.

En décidant de découvrir Babylon 5, je pensais juste combler l’une de mes lacunes culturelles, comme on lit un roman du XIXe estampillé « grand classique » et dont on n’attend rien d’autre qu’une satisfaction intellectuelle. L’impression de « faire ses devoirs » en quelque sorte.

Je pense exactement le contraire.
En parallèle de cette intégrale de Babylon 5, j’ai lu cet été les 1200 pages de Joseph Basalmo d’Alexandre Dumas. Après quelques chapitres à peine, j’ai basculé dans une lecture gloutonne, menée uniquement par le plaisir et la jubilation.
C’est Babylon 5 qui s’est révélé être le devoir de vacances.

Il faut d’abord subir une saison et demie de mauvais épisodes avant que la série ne commence à trouver son rythme.
« De la mise en place d’univers », c’est l’argument qui revient tout le temps dans les reviews de ceux qui ont revisité la série pour convaincre les newbies de poursuivre leur visionnage. Je t’en ficherai. Si encore, la suite s’envolait de façon définitive vers la réussite. Mais, ah que non. Après une saison 3 très satisfaisante, la machine s’emballe en milieu de saison 4, tout va trop vite, les enjeux qui précédemment mettaient deux saisons à se construire sont vite posés en trois épisodes. « Oui, mais JMS pensait que la série serait annulée à la fin de la saison 4 ».
Sauf que non.
Et là, on a une fournée d’une douzaine d’épisodes parmi les pires de la série pour lancer la saison 5 « miraculeuse », un miracle qui a eu la mauvaise idée de se séparer de son personnage le plus attachant. Pour sa défense, elle finit par retomber sur ses pattes et donner une chouette conclusion à la série.

Babylon 5 se révèle en fait extrêmement intéressante par l’histoire de ses coulisses, par ses tentatives de « serialisation » [3] à une époque où l’épisode "unitaire" était la règle [4], par les façons avec lesquelles elle est parvenu à maintenir la cohérence de sa mythologie malgré le départ régulier de certains de ses acteurs principaux, par la métamorphose du méchant bouffon en une figure tragique et sage…
C’est un objet à étudier, une expérience à décortiquer, mais pas une excellente série à savourer.
D’autant qu’il faut faire abstraction en permanence du jeu (au mieux) approximatif de la moitié de la distribution et des trois quarts des guests "humains" (les personnages extra-terrestres s’en sortent beaucoup mieux).
Bon sang, les acteurs qui incarnent le médecin, la télépathe blonde, Garibaldi et Zach sont vraiment mauvais, c’est tout de même un énorme problème…

Allez, je lance le podcast, j’aurais probablement changé d’avis d’ici quelques heures.


Bon, ben, j’ai pas le choix... Je me lance dans Rick & Morty.

[1À l’exception de Sain(t) Tigrou, qui parvient à ne suivre qu’une petite demi-douzaine de séries par semestre

[2C’est pourquoi le sujet Longmire du forum est en archives, les commentaires sur la saison 4, celle de Netflix, c’est ici.

[3Je vous conseille la lecture des reviews de Rowan Kaisser pour The AV Club qui analyse de façon passionnante la place de « série de transition » qu’occuperait Babylon 5 dans l’histoire des séries US, et qui porte un regard, à mon sens, d’une grande lucidité sur la qualité des épisodes de la série.

[4Ailleurs que dans les soaps.

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

ConnexionS’inscriremot de passe oublié ?