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Pourquoi le FLT s’engage contre la loi DADVSI : la grande mascarade des Droits d’Auteurs

jeudi 22 décembre 2005, par le Front de Libération Télévisuelle

L’association Front de Libération Télévisuelle a signé la pétition proposée par EUCD.info contre le projet de loi sur les droits d’auteurs et droits voisins dans la société de l’information. Il a alors semblé nécessaire d’expliquer les raisons d’un tel engagement de manière plus approfondie...

EUCD [1], et DADVSI [2], ces acronymes ne vous disent sans doute rien. Et pourtant, derrière ces deux acronymes se cache un bouleversement majeur de l’accès à la culture telle qu’on le connaît à l’heure actuelle.

En ce moment même, l’Assemblée Nationale se trouve être le centre d’un débat philosophique majeur, opposant d’un coté l’UMP suiveuse, par aveuglement dénoncent certains, du gouvernement - souvent accusé d’être à la solde des majors, et des diverses organisations telles que la SACEM et les autres syndicats des éditeurs du monde de l’audiovisuel - et de l’autre, le groupe PS/PC, rejoint par quelques députés UMP et le groupe UDF. Ces échanges sont particulièrement virulents et montrent bien la complexité du débat.

Il est en effet indéniable que le droit d’auteur dans la législation française est actuellement mis à mal. C’est par un équilibre très subtil et fragile que le droit d’auteur existe dans le droit français. En effet, une fois une production culturelle (une œuvre) publiée, l’auteur ne peut interdire la lecture, la copie privée - ou de sauvegarde, la courte citation, l’utilisation à des fins pédagogiques, ... Ces droits font partie des droits les plus fondamentaux et les nier revient à ignorer les libertés individuelles.
Par ailleurs la transposition de la directive européenne est également une nécessité, même si cette directive est pourtant en train d’être remise en cause malgré son jeune age (elle a moins de 5 ans).

Néanmoins, le passage en force par le gouvernement de ce projet de loi DADVSI (l’étude du projet de loi a été considéré comme ‘en urgence’ en raison du retard par rapport à la directive européenne et le texte devrait être adopté dans la 3eme séance jeudi 22 décembre dans la nuit ... devant, on s’en doute pas plus d’une trentaine de députés), entraîne une étude à la va-vite qui est très problématique. Car de nombreux points dans ce projet de loi, que ce soit via des amendements ou des articles, sont particulièrement dérangeants sur le plan des libertés individuelles, au contraire des nouvelles possibilité offertes aux éditeurs de la taille d’Universal, VirginMusic ou Sony.

Les effets principaux du projet de loi dans sa situation actuelle sont les suivants :

- Légitimer les dispositifs techniques de contrôle d’usage et de traçage (mesures techniques) installés par les éditeurs et les producteurs sur les supports numériques (CD, DVD, etc.), dans les logiciels, les matériels électroniques et les fichiers multimédias.

- Supprimer de facto le droit à la copie privée et restreindre de façon drastique l’utilisation dans un cadre familial ou de fair use.

- Imposer aux utilisateurs le coût des mesures techniques empêchant la copie privée, tout en conservant la redevance pour copie privée payée sur les supports numériques.

- Pénaliser la diffusion d’informations techniques permettant de comprendre le fonctionnement des mesures techniques.

- Pénaliser l’utilisation, le développement et la diffusion de logiciels libres.

Pour en revenir à l’équilibre fragile évoqué précédemment, le projet de loi autorise donc la possibilité d’interdire l’accès à un produit culturel pour les utilisateurs ne pouvant justifier à priori d’un droit à l’utilisation. Outre des dérives d’ingérence dans la vie privée de tout un chacun, le système passerait donc d’une présomption d’innocence - jusqu’à preuve du contraire, je suis dans mon droit - à une culpabilité par défaut - c’est à moi de prouver que je suis dans mon droit. Un comble !

En complément de cette dérive liberticide, qui va à l’encontre du système judiciaire français actuel (qu’un autre Ministre cherche aussi à transformer par ailleurs ...), le projet de loi prévoit également de mettre dans l’illégalité les gens qui chercheraient à contourner ces systèmes de protection, que ce soit à la création de solutions de contournement ou à leur usage. Par conséquent, et c’est particulièrement sur ce point que les défenseurs du logiciel libre crient au scandale, tout éditeur qui n’aura pas l’accord de ses pairs, ne pourra diffuser de logiciel (ou de matériel) permettant d’accéder au contenu protégé.
L’exemple le plus fortement mis en avant est le logiciel VLC (Video Lan Client), réalisé à l’origine par une équipe d’étudiants de l’Ecole Centrale de Paris qui autorise la lecture des DVD, pourtant protégés par le système de protection CSS. Ce logiciel, dont l’efficacité et la flexibilité sont reconnus dans le monde entier deviendrait donc illégal en France, en raison de la publication des moyens de contournement des technologies de protections mises en place par les majors.
Une autre dérive répressioniste fait également son apparition, car l’utilisation ou le développement de ces logiciels est passible d’une peine de trois ans de prison et jusqu’à 300 000€ d’amende. Le simple fait de lire un DVD avec un logiciel non autorisé par son éditeur est donc passible d’une telle peine, et considéré comme de la contrefaçon.

Pour ces raisons, le Front de Libération Télévisuelle a décidé d’apporter son soutien à la démarche de EUCD.info, et par conséquent de signer la pétition, pourtant refusée par le Ministre de la Culture et par son Premier Ministre ces derniers jours.
http://eucd.info/petitions/index.php?petition=2


La complexité de ce débat, tant par son aspect éthique, philosophique que par des aspects très subtils de droit, est telle qu’il n’est vraiment pas évident de synthétiser ceci. Nous vous recommandons néanmoins de lire les documents publiés par le groupement EUCD.info, sur leur site web www.eucd.info. En particulier le dossier regroupant une analyse très détaillée de l’EUCD et du projet de loi DADVSI que vous trouverez sur cette page : http://eucd.info/153.shtml
Par ailleurs vous pouvez d’ores et déjà trouver les transcripts des débats :
3eme séance du 20 décembre
3eme séance du 21 décembre


[1EUCD : l’European Union Copyright Directive est l’acronyme anglais qui correspond à la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information - Version intégrale

[2DADVSI : Projet de loi sur les Droits d’Auteurs et Droits Voisins de la Société de l’Information, elle correspond à la transposition dans le droit français de l’EUCD. Version préliminaire du projet de loi

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