Accueil > pErDUSA > Critiques > Séries > Siberia > 1.01 - Siberia
Siberia
1.01 - Siberia
Les Cabanes dans les Bois
mercredi 3 juillet 2013, par
Revenez après, et on en discute
Non, vous ne trouverez pas de rebondissement extraordinaire dans Siberia. Vous n’y trouverez rien qui changera votre vie. Il ne s’agit pas non plus du Meilleur Pilote de Tous les Temps, un épisode tellement parfait qu’il serait catastrophique d’en avoir le moindre aspect gâché par une présentation trop bavarde.
Non, la seule raison qui me donne envie de faire découvrir Siberia à l’aveugle, c’est que j’ai beaucoup de respect pour ce que les producteurs ont essayé de faire avec ce premier épisode. Trop de respect, en fait, pour ne pas essayer de faire durer l’illusion le plus longtemps possible.
Dernière chance d’y aller sans a priori ?
Comme vous voulez...
Qu’est-ce que c’est ?
Le principe de Siberia est très simple. Seize candidats venus des quatre coins de Monde participent, selon l’expression consacrée, à "une aventure humaine hors du commun" : ils vont devoir survivre tout un hiver par leurs propres moyens dans la région sibérienne de Tunguska.
La seule règle ? Il n’y a pas de règle !
Oh, et c’est bien une série, pas une émission de télé-réalité.
C’est avec qui ?
Que des inconnus. C’est le principe.
Et c’est bien ?
C’est très joliment fait. Parfaitement exécuté.
Pour tout vous dire, je suis ressorti très agréablement surpris de ce pilote, et assez enthousiasmé par ce que j’avais vu. Ce que j’ai trouvé plutôt remarquable dans ce premier épisode de Siberia, c’est la façon absolument convaincante dont il reprend les codes de la télé-réalité, et tout particulièrement ceux de Survivor.
(Oui, j’ai enfin trouvé une série qui justifie pleinement les heures passées devant une quinzaine de saisons de Survivor ! Apparemment, c’était pour me préparer à Siberia.)
C’est bien simple, je mets au défi quiconque de faire la différence entre les premières minutes de Siberia et les premières minutes de n’importe quelle saison de Survivor. L’arrivée en hélicoptère, les gros plans sur les effets personnels des candidats, les vues aériennes sur le paysage, le présentateur qui débite des banalités sur un ton prétentieux, le générique, l’habillage... tout y est, tout ce qui fait Survivor est reproduit de façon tellement méticuleuse qu’il devient impossible de discerner le vrai du faux.
À vrai dire, le seul indice qui nous faire dire qu’on n’est pas devant une nouvelle saison de Survivor, c’est le lieu. Jamais Mark Burnett n’aurait choisi une région comme la Sibérie pour tourner Survivor, il est en effet beaucoup trop difficile de mettre ses candidates en bikini quand elles se pèlent au milieu de la forêt.

Plusieurs choix s’offraient aux producteurs pour mettre en images un principe comme "Survivor avec des morts étranges", et je pense qu’ils ont choisi le parti pris le plus intéressant : tout présenter de la façon la plus réaliste possible. A partir de là, on n’est donc pas devant une série appartenant au genre "Found Footage", comme ça avait été le cas au début de l’an dernier avec The River, avec les limites que ça entraine. Non, de la première à la dernière minute, Siberia se fait entièrement passer pour une émission de télé-réalité, de telle façon qu’il devient impossible pour un téléspectateur de NBC [1] qui passerait par là de se rendre compte qu’il n’est pas vraiment devant une copie éhontée de Survivor.
Enfin... c’est presque impossible.
C’est impossible jusqu’à la mort du premier candidat, en fait.
Après un épisode entier passé à essayer de nous faire croire qu’on est en train de regarder seize inconnus perdus au fin fond de la Sibérie, avec les personnalités qu’on s’attend à voir (les meneurs, les asociaux, ceux qui ne sont pas venus pour se faire des amis...) et les confessionnaux qui vont avec, tous plus "réalistes" les uns que les autres (dans le sens "absolument fidèles à ce qu’on verrait dans une telle émission"), Siberia révèle son jeu dans ses toutes dernières minutes.
Et c’est un peu dommage.
Toute l’illusion disparait au moment où les candidats sont effrayés par des bruits étranges venant de la forêt. En un instant, on passe de la Real TV au Blair Witch Project, autant dans la réalisation que dans les réactions de ceux qui sont passés du statut de "candidats" à celui de "personnages".
En effet, j’ai du mal à croire que de vrais participants à une télé-réalité prendraient autant peur en entendant des hurlements en provenance des bois, plutôt que de penser immédiatement à une manipulation de la production. De la même façon, la dernière intervention du présentateur, apparemment perturbé par la mort mystérieuse d’un des candidats (mais pas au point d’arrêter immédiatement le tournage de l’émission sous les ordres de ses avocats) nous rappelle qu’on est bien devant une fiction. Quant à la toute dernière scène de l’épisode (qui nous montre les images "retrouvées" de l’attaque du candidat), elle appartient complètement au genre "found footage", et apparait complètement dissociée du reste.
Malheureusement, j’ai peur que cette dissociation soit de plus en plus fréquente à mesure que la saison avance. Je ne pense pas que le principe soit tenable sur plusieurs épisodes, s’ils doivent mettre en scène des situations de plus en plus horrifiques. Les réactions des candidats risquent de paraitre de plus en plus fausses. L’aspect "vous êtes devant une vraie émission de télé-réalité", qui fait tout l’intérêt de ce premier épisode, n’y survivra pas.
En attendant, pris sur ses seuls mérites, le premier épisode de Siberia est une belle réussite.
C’est un objet télévisuel unique qui mérite d’être vu, ne serait-ce que pour pouvoir apprécier la façon dont le serpent a fini de se mordre la queue. Alors que Survivor apparait de plus en plus "écrite" à mesure que l’émission vieillit (toujours plus gourmands en "rebondissements incroyables", les producteurs laissent de moins en moins de doutes quant à leur implication dans les "intrigues" d’une saison donnée), il fallait bien que la frontière entre la télé-réalité et la fiction s’estompe avec le temps.
Avec Siberia, la frontière n’existe plus. Et je suis ravi d’en avoir été le témoin.
[1] la bonne blague