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Sullivan
Janvier 2006
dimanche 1er janvier 2006, par
Histoire de ne pas passer pour le goujat de service, laissez-moi commencer cet édito en vous souhaitant, aimable visiteur, une très bonne année 2006, en mon nom ainsi qu’en celui de l’ensemble des membres de l’association.
Avec la confirmation du Premium TV, dont la première édition régulière aura été un franc succès, et le lancement le 15 décembre dernier du mini-site consacré aux séries animées, Metropolis - pour ne citer que deux des exemples les plus marquants - l’année 2005 aura marqué une nouvelle étape dans le développement du Front de Libération Télévisuelle.
Plus largement, un frémissement qualitatif sensible en ce qui concerne la fiction française aura donné matière à débat. Dans l’évocation d’une Clara Sheller ou d’un Engrenages, il y a beaucoup a gagner à confronter les enthousiasmes levés par les avancées aux déceptions générées par les évidentes lacunes. La fiction hexagonale avance mais se voit toujours confrontée à d’énormes problèmes conceptuels...
Espérons que 2006 saura entériner et amplifier ces avancées et progrès !
C’était un 28 janvier, il y a six ans. Un groupe, à l’époque encore informel, prenait officiellement naissance en se dotant d’un nom iconoclaste. Il apportait, quoique de manière brouillonne et, je crois, sans en saisir encore nécessairement ni la portée, ni les enjeux, sa pierre à un édifice dont la construction, en France, s’amorçait à peine. Celui d’une vision intelligente et raisonnée de la télévision, qui place en son centre le téléspectateur lui-même sans le mépris habituellement réservé à ces « couch potatoes » dont on cherche à rendre le cerveau « disponible ».
Au milieu des années 80 en France, le média de masse prédominant de la période actuelle a pris un tournant majeur : celui d’une privatisation générale et accélérée qui validait le financement par la publicité comme prioritaire - voire unique. L’application dans le champ de la télévision d’une telle politique néo-libérale ne serait pas sans conséquences : elle allait en effet confirmer largement les craintes et la défiance des intellectuels français envers ce médium comme envers tout média de masse. En effet, si tant est que qui que ce soit y ait jamais réellement cru, il n’aura pas fallu longtemps pour s’apercevoir de la nature outrageante des mensonges avancés à l’époque sur le mieux-disant culturel que la concurrence privée devait être en mesure d’apporter à la télévision.
Ainsi, alors que les premières heures de la télévision française avaient pu voir des intellectuels s’en emparer pour tenter de tirer le meilleur profit de ses possibilités - non sans ambivalence dans la démarche : il s’agissait d’administrer de la culture au « bon peuple », un certain mépris pour lui et pour la culture populaire est sous-jacent - ceux-ci allaient s’en retirer. Bien évidemment, cela faisait avant tout les affaires des nouveaux « professionnels de la télévision » (en fait, des industriels surtout formé au marketing) et ne ferait qu’affirmer encore un peu plus la prédominance de ces derniers et un appauvrissement qualitatif général.
Mais les nouveaux rois de la télévision privée n’allaient pourtant pas, dans les faits, développer une conception différente du média : ils allaient simplement mettre celle pré-existante, fondée sur l’incapacité du téléspectateur à se défendre lui-même de la télévision et de ses messages ou influences potentiellement néfastes, au service de leur cynisme et de leur intérêt particulier. Celui-ci se confondant très vite avec celui des publicitaires en quête de toujours plus de « cerveaux humains » toujours plus « disponibles ».
Il faudra attendre encore longtemps après le mouvement de privatisation pour voir émerger en France un discours concurrent, qui affirme une vision totalement différente de la télévision et de ses téléspectateurs. Ce discours se situe dans la lignée des cultural studies anglo-saxonnes qui, elles, trouvent leur racine dès les années 70. En France il s’est, il me semble, principalement développé à partir de la fin des années 90 autour de la question des séries télévisées. En effet, les qualités de celles-ci, ainsi, sans doute, que leur relative proximité avec le septième art, ont constitué le levier qui aura permis de décomplexer certains téléspectateurs et de se revendiquer comme des êtres intelligents, se livrant à une activité enrichissante et pleine de sens.
C’est autour d’un tel discours que, de manière plus ou moins consciente, de manière plus ou moins affirmée, se sont à mon sens progressivement construits les fondements du Front de Libération Télévisuelle - puisque, vous l’aurez compris, c’est lui qui fêtera son sixième anniversaire le 28 janvier prochain.
D’une certaine manière, d’ailleurs, on pourrait dépeindre la libération dont il est question comme l’affranchissement nécessaire du téléspectateur vis à vis d’une culture du mépris des médias et cultures de masse, qui reste très profondément ancrée en France. Cet affranchissement témoigne du fait qu’il existe de multiples moyens de détourner la télévision commerciale telle que mise en place par les industriels des médias, et ce tant par les artistes qui la font (quelques uns des plus grands auteurs de notre époque écrivent des fictions télévisées, notamment aux Etats-Unis) que par le public qui la regarde. Il restera en effet toujours notablement plus intelligent et moins vulnérable que ce que veulent croire les adeptes de la manipulation télévisée. C’est en ce sens que l’article récent de Télérama s’infiltrant chez Bataille et Fontaine pour « prouver » que l’on peut bidonner un passage à Y’a que la Vérité qui Compte vise complètement à coté ! Ce qui, compte-tenu du nombre d’objections sérieuses qu’on peut formuler à cette émission qui pousse jusque dans ses retranchements le voyeurisme et un certain misérabilisme, est assez cruel. En effet, que les témoignages puissent très bien être en partie ou complètement fictionnel, cela, tout le monde le sait ! Ne pas le voir, c’est bien témoigner de ce mépris qui consiste à croire que la télévision aveugle toujours les autres, tandis qu’on est soit-même très clairvoyant.
Il suffit de se rendre sur le premier forum venu consacré sur Internet à la Star Academy pour y trouver foule de gamins et de gamines de douze ans qui, y compris dans des messages dont la grammaire et l’orthographe sont approximatifs, détaillent par le menu les nombreuses (tentatives de) manipulation(s) dont ils sont les témoins. Non seulement ils ne sont pas dupes, mais on dénote même une certaine tendance à la théorie du complot un peu prononcée quand on s’est intéressé par ailleurs aux méthodes d’Endemol, qui tiennent plus du bricolage et de l’improvisation dans l’urgence que de la conspiration planifiée.
S’il y a jamais eu conformation aux objectifs de la production de cette émission ou d’une autre, je suis convaincu qu’elle fut consciente et consentie, et pas le résultat d’une manipulation efficace.
D’aucuns, d’ailleurs (et cela a fait les titres de quelques news magazines ces dernières semaines) auront vu dans le fait que la candidate Magalie ait gagné la dernière édition du jeu « musical » (alors que différents indices concordent pour suggérer que ce n’était pas la volonté de la production) un nouveau symptôme d’un mouvement général de rébellion à toute forme d’institution et d’autorité qui, du trivial à l’historique, relierait le « non » au référendum, la Star Academy et les "violences urbaines" en banlieue. L’analyse est un peu légère, en tout cas sous l’angle d’un dénominateur commun unique, mais elle soulève un débat intéressant. En tout état de cause, elle témoigne d’une pénétration de plus en plus forte de l’idée selon laquelle le téléspectateur n’est pas une pomme de terre passive qui subit sans aucune possibilité de réagir une télévision par définition abrutissante.
Il existe bien des manières pour les créatifs de concevoir des divertissements enrichissants, et pour le public de se divertir avec intelligence. Je suis convaincu que le réseau Internet du FLT ainsi que ses actions en témoignent de manière évidente. Nous tenterons d’affirmer cette conviction encore plus fort d’ici à notre septième anniversaire - et au-delà !
Et c’est notre espoir, qu’à chacune des futures étapes du parcours qui est celui de notre association, nous vous retrouverons de plus en plus nombreux à vos cotés !
Avec la confirmation du Premium TV, dont la première édition régulière aura été un franc succès, et le lancement le 15 décembre dernier du mini-site consacré aux séries animées, Metropolis - pour ne citer que deux des exemples les plus marquants - l’année 2005 aura marqué une nouvelle étape dans le développement du Front de Libération Télévisuelle.
Plus largement, un frémissement qualitatif sensible en ce qui concerne la fiction française aura donné matière à débat. Dans l’évocation d’une Clara Sheller ou d’un Engrenages, il y a beaucoup a gagner à confronter les enthousiasmes levés par les avancées aux déceptions générées par les évidentes lacunes. La fiction hexagonale avance mais se voit toujours confrontée à d’énormes problèmes conceptuels...
Espérons que 2006 saura entériner et amplifier ces avancées et progrès !
C’était un 28 janvier, il y a six ans. Un groupe, à l’époque encore informel, prenait officiellement naissance en se dotant d’un nom iconoclaste. Il apportait, quoique de manière brouillonne et, je crois, sans en saisir encore nécessairement ni la portée, ni les enjeux, sa pierre à un édifice dont la construction, en France, s’amorçait à peine. Celui d’une vision intelligente et raisonnée de la télévision, qui place en son centre le téléspectateur lui-même sans le mépris habituellement réservé à ces « couch potatoes » dont on cherche à rendre le cerveau « disponible ».
Au milieu des années 80 en France, le média de masse prédominant de la période actuelle a pris un tournant majeur : celui d’une privatisation générale et accélérée qui validait le financement par la publicité comme prioritaire - voire unique. L’application dans le champ de la télévision d’une telle politique néo-libérale ne serait pas sans conséquences : elle allait en effet confirmer largement les craintes et la défiance des intellectuels français envers ce médium comme envers tout média de masse. En effet, si tant est que qui que ce soit y ait jamais réellement cru, il n’aura pas fallu longtemps pour s’apercevoir de la nature outrageante des mensonges avancés à l’époque sur le mieux-disant culturel que la concurrence privée devait être en mesure d’apporter à la télévision.
Ainsi, alors que les premières heures de la télévision française avaient pu voir des intellectuels s’en emparer pour tenter de tirer le meilleur profit de ses possibilités - non sans ambivalence dans la démarche : il s’agissait d’administrer de la culture au « bon peuple », un certain mépris pour lui et pour la culture populaire est sous-jacent - ceux-ci allaient s’en retirer. Bien évidemment, cela faisait avant tout les affaires des nouveaux « professionnels de la télévision » (en fait, des industriels surtout formé au marketing) et ne ferait qu’affirmer encore un peu plus la prédominance de ces derniers et un appauvrissement qualitatif général.
Mais les nouveaux rois de la télévision privée n’allaient pourtant pas, dans les faits, développer une conception différente du média : ils allaient simplement mettre celle pré-existante, fondée sur l’incapacité du téléspectateur à se défendre lui-même de la télévision et de ses messages ou influences potentiellement néfastes, au service de leur cynisme et de leur intérêt particulier. Celui-ci se confondant très vite avec celui des publicitaires en quête de toujours plus de « cerveaux humains » toujours plus « disponibles ».
Il faudra attendre encore longtemps après le mouvement de privatisation pour voir émerger en France un discours concurrent, qui affirme une vision totalement différente de la télévision et de ses téléspectateurs. Ce discours se situe dans la lignée des cultural studies anglo-saxonnes qui, elles, trouvent leur racine dès les années 70. En France il s’est, il me semble, principalement développé à partir de la fin des années 90 autour de la question des séries télévisées. En effet, les qualités de celles-ci, ainsi, sans doute, que leur relative proximité avec le septième art, ont constitué le levier qui aura permis de décomplexer certains téléspectateurs et de se revendiquer comme des êtres intelligents, se livrant à une activité enrichissante et pleine de sens.
C’est autour d’un tel discours que, de manière plus ou moins consciente, de manière plus ou moins affirmée, se sont à mon sens progressivement construits les fondements du Front de Libération Télévisuelle - puisque, vous l’aurez compris, c’est lui qui fêtera son sixième anniversaire le 28 janvier prochain.
D’une certaine manière, d’ailleurs, on pourrait dépeindre la libération dont il est question comme l’affranchissement nécessaire du téléspectateur vis à vis d’une culture du mépris des médias et cultures de masse, qui reste très profondément ancrée en France. Cet affranchissement témoigne du fait qu’il existe de multiples moyens de détourner la télévision commerciale telle que mise en place par les industriels des médias, et ce tant par les artistes qui la font (quelques uns des plus grands auteurs de notre époque écrivent des fictions télévisées, notamment aux Etats-Unis) que par le public qui la regarde. Il restera en effet toujours notablement plus intelligent et moins vulnérable que ce que veulent croire les adeptes de la manipulation télévisée. C’est en ce sens que l’article récent de Télérama s’infiltrant chez Bataille et Fontaine pour « prouver » que l’on peut bidonner un passage à Y’a que la Vérité qui Compte vise complètement à coté ! Ce qui, compte-tenu du nombre d’objections sérieuses qu’on peut formuler à cette émission qui pousse jusque dans ses retranchements le voyeurisme et un certain misérabilisme, est assez cruel. En effet, que les témoignages puissent très bien être en partie ou complètement fictionnel, cela, tout le monde le sait ! Ne pas le voir, c’est bien témoigner de ce mépris qui consiste à croire que la télévision aveugle toujours les autres, tandis qu’on est soit-même très clairvoyant.
Il suffit de se rendre sur le premier forum venu consacré sur Internet à la Star Academy pour y trouver foule de gamins et de gamines de douze ans qui, y compris dans des messages dont la grammaire et l’orthographe sont approximatifs, détaillent par le menu les nombreuses (tentatives de) manipulation(s) dont ils sont les témoins. Non seulement ils ne sont pas dupes, mais on dénote même une certaine tendance à la théorie du complot un peu prononcée quand on s’est intéressé par ailleurs aux méthodes d’Endemol, qui tiennent plus du bricolage et de l’improvisation dans l’urgence que de la conspiration planifiée.
S’il y a jamais eu conformation aux objectifs de la production de cette émission ou d’une autre, je suis convaincu qu’elle fut consciente et consentie, et pas le résultat d’une manipulation efficace.
D’aucuns, d’ailleurs (et cela a fait les titres de quelques news magazines ces dernières semaines) auront vu dans le fait que la candidate Magalie ait gagné la dernière édition du jeu « musical » (alors que différents indices concordent pour suggérer que ce n’était pas la volonté de la production) un nouveau symptôme d’un mouvement général de rébellion à toute forme d’institution et d’autorité qui, du trivial à l’historique, relierait le « non » au référendum, la Star Academy et les "violences urbaines" en banlieue. L’analyse est un peu légère, en tout cas sous l’angle d’un dénominateur commun unique, mais elle soulève un débat intéressant. En tout état de cause, elle témoigne d’une pénétration de plus en plus forte de l’idée selon laquelle le téléspectateur n’est pas une pomme de terre passive qui subit sans aucune possibilité de réagir une télévision par définition abrutissante.
Il existe bien des manières pour les créatifs de concevoir des divertissements enrichissants, et pour le public de se divertir avec intelligence. Je suis convaincu que le réseau Internet du FLT ainsi que ses actions en témoignent de manière évidente. Nous tenterons d’affirmer cette conviction encore plus fort d’ici à notre septième anniversaire - et au-delà !
Et c’est notre espoir, qu’à chacune des futures étapes du parcours qui est celui de notre association, nous vous retrouverons de plus en plus nombreux à vos cotés !