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Trophy Wife
1.01 - Trophy Wife
La Malédiction du Titre Pourri Qu’il Faut Justifier
jeudi 12 septembre 2013, par
Je me dis que j’aurais pu revenir pour parler d’une série révolutionnaire et enthousiasmante, mais à la place, je vais vous parler d’une comédie médiocre, affublée d’un titre débile et dont le propos irrite ma fibre féministe.
C’est quoi ?
Je vais l’avouer tout de suite : si j’ai regardé Trophy Wife, c’est pour Sarah Haskins, créatrice de l’hilarant Target Women, un programme court que je vous encourage à regarder immédiatement, à commencer par celui sur les produits de nettoyage, les émissions sur le mariage et les yaourts. Sarah Haskins y est hilarante et féministe. Il faut s’en souvenir pour la suite.
Avec Emily Halpern, ancienne scénariste de Private Practice, elle a donc créé une série qu’elle dit être basée sur sa propre expérience d’épouse n°3 d’un homme beaucoup plus vieux qu’elle (et très riche). J’espère sincèrement qu’elles ont écrit le pilote en sirotant des margaritas et en se tapant des barres. Ce serait vraiment du gâchis sinon.
Trophy Wife sera diffusée sur ABC le mardi soir avant The Goldbergs, que je n’ai pas encore vu, mais dont on me souffle à l’oreille que ma bande passante ne mérite pas ça.
C’est avec qui ?
Plein de beau monde ! Enfin, quand on y réfléchit bien, l’actrice la plus sympa du lot, c’est Natalie Morales, chouchoute de Ju depuis son rôle dans The Middleman. Mais comme elle est brune, elle ne peut être la potiche du titre de la série et doit se contenter du rôle de sa meilleure amie, forcément moins conventionnellement jolie, plus paumée et plus cynique.
Le rôle éponyme est donc interprété par une actrice au physique vraiment original à la télévision : grande, mince, blonde aux yeux bleus. Mais je n’en veux pas à Malin Åkerman, elle était formidable dans son rôle de cruche gentille et star en devenir dans The Comeback. Et puis, elle est suédoise, ce n’est pas de sa faute.
Bien sûr, il y a Bradley Whitford, l’homme qui joue toujours dans le même registre, mais qu’on aime bien quand même, enfin surtout quand Sorkin n’en fait pas une tête à claques dans The West Wing.
On retrouve également Marcia Gay Harden, actrice bien-aimée du public, mais qui me fait un peu de peine à jouer toujours le même rôle de matriarche froide et autoritaire.
Il y a également Michaela Watkins, ancienne de SNL (pour faire plaisir à Drum) et rôle récurrent dans Enlightened. Ensuite, nous avons des ados et un gosse insupportable.
Ça parle de quoi ?
Pete a cinquante ans passés, deux ex-femmes et trois enfants. Pete n’a visiblement pas compris que le mariage était une construction socioculturelle désuète, puisqu’après deux divorces il décide de remettre le couvercle en épousant cette fois une femme de vingt ans sa cadette absolument sublime rencontrée en boîte de nuit. Ben oui, tant qu’à faire ! L’amour prend des formes parfois incongrues, sous-entend la série. Mais oui, bien sûr, c’est de l’amour, sommes-nous censés répondre en nous attendrissant.

Parce que figurez-vous que le titre de la série, Trophy Wife, ben en fait, il est IRONIQUE. C’est en tout cas ce que répète le producteur de la série à qui veut l’entendre. [1] "J’vous jure, vous verrez, Kate n’a rien d’une potiche ! C’est même tout le contraire !".
Vous noterez qu’il défend son personnage principal pour éviter que le public pense que la série tourne autour d’une femme stupide et intéressée uniquement par l’argent, mais qu’à aucun moment le personnage de Bradley Whitford ne pose de problème.
(/feminist rant on : une femme sera très sévèrement jugée par la société si elle n’a d’autre but que de se marier à un homme riche, mais il est très bien vu, pire, encouragé, qu’un homme de cinquante balais recherche la compagnie d’une jolie paire de fesses. Cherchez l’erreur. D’ailleurs, s’il existe un mot pour décrire des femmes jeunes et jolies qui épousent des hommes plus vieux et très riches, aucun mot n’a été inventé pour qualifier les hommes qui se marient à des femmes qui pourraient être leurs filles et dont le seul objectif est d’être un bel accessoire à leur bras. Mais c’est une autre histoire. /feminist rant off)
Bon, passons sur le titre de la série. Après tout, The Good Wife et Cougar Town ont prouvé qu’on pouvait dépasser ce handicap.
Concentrons-nous plutôt sur le propos du pilote.
Vous êtes jeune, belle et désirable, vous aimez faire la fête. Vous êtes libre ! Mais comme chacun le sait, se murger avec ses copines le week-end vous empêche d’être adulte et par conséquent, de trouver l’homme de votre vie. Vous êtes donc libre, mais personne ne vous prend au sérieux. Et puis un jour arrive dans votre vie cet homme de vingt, vingt-cinq ans votre aîné. Vous lui trouvez quand même du charme. Bon d’accord, s’il était chômeur et endetté par ses deux précédents mariages, vous le trouveriez beaucoup moins charmant, mais ce n’est pas grave. Il vous rassure. Il vous rappelle votre père. Vous avez l’impression de le voler à maman et d’être la reine du monde (votre psy vous adore).
Alors, vous l’épousez.
Mais vous n’êtes pas vraiment encore une "épouse" et encore moins une "mère". Non, vous, vous êtes encore une ado attardée qui fait de son mieux pour être acceptée malgré la différence d’âge et ce terrible, terrible, handicap qu’est le fait d’être magnifique et d’avoir des seins qui tiennent tout seul. Vos efforts pour vous intégrer dans cette famille recomposée créent des situations "cocasses" dans lesquelles vous ferez des remarques déplacées et prendrez les pires décisions possible (mais avec le cœur !) pendant que les deux ex-femmes de votre mari vous jugeront sévèrement.
Voilà le propos de la série et le point de départ de tout son humour.
Et c’est bien ?
Malgré mon ton acerbe, je ne peux pas dire avoir complètement détesté ce pilote. Mon affection pour Sarah Haskins y est peut-être pour quelque chose, mais j’ai souri à quelques situations et quelques répliques, comme celle-ci :
I’ve forgotten more about erection that you’ll ever learn.
J’ai également envie de dire que réussir un pilote est un exercice difficile, en particulier pour une comédie, et qu’il faut généralement attendre quelques épisodes pour savoir si l’humour et les situations fonctionnent vraiment.
Malin Åkerman a hérité d’un rôle certes facile, mais elle s’en sort bien, et tout le monde semble être dans son élément. Le gamin adopté est insupportable, mais les deux ados sont de vrais ados : ni trop intelligents, ni trop stupides. Les deux ex-femmes sont en revanche très caricaturales ; l’une est froide et distante, puisqu’elle est médecin il est sous-entendu qu’elle est forcément carriériste, l’autre est une hippie un peu simplette. On a vu mieux comme traits de caractère pour définir des personnages. Mais nous n’avons pas eu l’occasion de passer beaucoup de temps avec elles, donc il me reste l’espoir qu’elles soient un peu plus subtiles que ça.
(Si je donne l’impression de ne pas vouloir enterrer trop vite cette comédie en donnant des arguments qui ne tiennent pas tout à fait la route, c’est normal.)
Pour que je continue à regarder, il faudra que le personnage de Pete sorte de son rôle d’homme-solaire autour duquel toutes ses femmes semblent graviter. Il me paraît inimaginable (et profondément sexiste) de ne pas développer davantage les personnages des deux ex-épouses et j’espère qu’on les verra avoir une vie propre, en dehors de la sphère de leur ex-mari. J’espère également que Kate, la "potiche-qui-n’en-est-pas-une", sortira de ce rôle de femme immature qui fait tout son possible pour se conformer au rôle traditionnel d’épouse, c’est-à-dire s’occuper de la maison et se rendre aux réunions de parents d’élève pendant que son mari est occupé à travailler.
Parce que sincèrement, on n’a pas besoin de ça.
[1] Juste un truc qui pourra vous servir à l’avenir : si vous devez justifier le titre pourri de votre série avant même sa diffusion, c’est qu’il y a un problème.