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#02 - Entretien avec le directeur de 7 Gold

par pascal28

A l'occasion d'une visite des studios de 7 Gold Bologne (station locale d'une syndication de chaînes de télévisions italiennes et tête de réseau des tranches de programmes nationaux), j'ai pu poser quelques questions sur la situation du paysage audiovisuel italien à l'administrateur de la station : Maurizio Bergonzoni.





Un regard sur la situation italienne revêt un intérêt pour le publique français car l'Italie possède des chaînes de télévisions locales depuis les années 70 et connaît depuis quelques mois la Télévisions Numérique Terrestre (TNT): 2 éléments qui vont faire leur entrée d'ici peu en France.

Pascal : Afin de mieux comprendre la situation actuelle, commençons par un historique. Quelles sont les principales dates de la télévision italienne ?
Maurizio Bergonzoni :
· La RAI (service de radios et de télévisions publiques) a commencé à diffuser ses premières images en 1954.
· Les premières chaînes locales sont arrivées en 1973.
· Les premières chaînes privées nationales ont commencé à se développer en 1980.

Les chaînes locales ont eu un développement progressif : les premières ont été lancées en 1973 mais leur développement massif à eu lieu en 1980.
De son coté Berlusconi a développé sa première chaîne nationale (Canale 5) à partir d'une télévision locale (Tele Milano) puis a acheté plusieurs chaînes locales à travers toute l'Italie pour obtenir progressivement une couverture nationale.
En 1985, plusieurs télés locales se sont associées pour créer une syndication nommée Odeon. Voyant que cette syndication pouvait faire de l'ombre à ses chaînes, Berlusconi a décidé de lancer sa propre syndication de chaînes locales en 1987 (Italia 7).
Quelques années plus tard, Berlusconi s'est totalement désintéressé de sa syndication. Les chaînes syndiquées ont malgré tout continué l'expérience mais les différents membres n'arrivent pas à s'organiser et la syndication se divise en mini syndications régionales. L'une d'entre elles modifie son nom pour se différencier des autres et se baptise Italia 7 Gold. Progressivement, cette syndication devient nationale et en 2000 elle change de nom pour se renommer 7 Gold.

Pascal : Comment est géré le parc de fréquences en Italie ?
Maurizio Bergonzoni : Jusqu'en 1990, l'Italie traversait une guerre des ondes baptisée la période “ far west ”. Depuis cette date, le gouvernement Italien a légalisé et régularisé la situation en validant et figeant le parc de fréquences tel qu'il était arrivé en 1990. Depuis, il est donc impossible de lancer de nouvelles chaînes en analogique (car le parc est complètement saturé). Le seul moyen est de racheter des fréquences aux chaînes déjà existantes.
Mais en ce moment, la télévision italienne est en train de passer progressivement en numérique terrestre. Chaque chaîne étant maîtresse de sa fréquence, elle pourra louer la place disponible dans ses multiplex à d'autres chaînes voulant se lancer et ne disposant pas de fréquences.

Pascal : Comment se compose le paysage télévisuel Italien aujourd'hui ?
Maurizio Bergonzoni : L'offre se compose de chaînes nationales et de chaînes locales. Il y a 10 chaînes nationales (une chaîne est légalement considérée comme chaîne nationale lorsque sa couverture est de plus de 60% du territoire) :
· 3 chaînes publiques (Rai Uno, Rai Due, Rai Tre) ;
· 3 chaînes privées détenues par Berlusconi via le groupe Media Set (Rete 4, Canale 5, Italia Uno) ;
· La 7 ;
· MTV ;
· All Music ;
· Sport Italia (lancée sans autorisation par Berlusconi et TF1).

A coté de toutes ces chaînes, l'Italie compte environ 750 chaînes locales dont 34 rien que dans la région d'Emilia Romagna (région de Bologna, Modena, Forli, Ferrara, Parma, Ravenna, Rimini).

Pascal : Comment se compose l'offre des télévisions locales ?
Maurizio Bergonzoni : Elle est vaste et difficile à décrire. On peut toutefois relever quelques grandes catégories :
· Les syndications. Il s'agit d'un regroupement de plusieurs chaînes locales à travers tout le pays sous un même nom pour proposer des chaînes contenant des programmes locaux et nationaux. Il y en a 3 : 7 Gold (c'est la plus grosse, elle comporte 15 stations locales pour une couverture quasi nationale), Odeon et Italia 9 Network (la plus petite).
· Des chaînes voulant être nationales mais de faible couverture (couverture en “ peau de léopard ”) comme Tele Norbe, Rete Capri, Tele Campione etc...
· Les chaînes locales indépendantes : elles ne font pas partie de syndications. Mais la plupart essaie d'avoir des accords avec d'autres chaînes (diffusées par satellite par exemple) pour pouvoir proposer dans la grille quelques programmes fédérateurs.

A coté de cela, il y a des chaînes au fonctionnement un peu particulier. Ces chaînes ont été lancées pour le satellite. Mais ce mode de réception n'est pas très développé. Alors ces chaînes ont signé des accords avec des chaînes locales à travers toute l'Italie pour pouvoir bénéficier de quelques fenêtres de fortes audiences tous les jours.
Par exemple, Fox Kid est en contrat avec 16 chaînes locales pour être reprise en direct 2 heures par jour sur toutes ces chaînes. De cette manière, cette fenêtre de 2 heures quotidiennes dispose d'une couverture hertzienne presque nationale.
De même, la chaîne Playlist Italia (anciennement Video Italia) est diffusée sur certaines villes par ses propres émetteurs 24h/24. Dans d'autres villes où cette chaîne n'a pas trouvé de fréquence, des accords ont été signés avec des chaînes régionales pour permettre une diffusion partielle dans ces villes (à Bologne et Rimini, cette diffusion est assurée par la chaîne Rete 8 gérée par la station de Bologne de 7 Gold).

Pascal : Quelle est la part d'audience de toutes ces chaînes ?
Maurizio Bergonzoni :
· Les 3 chaînes de la RAI représentent 40% de l'audience, de même pour les 3 chaînes de Media Set.
· Les locales ont une audience de 6 %.
· 7 Gold est suivie par 2 % du public à l'échelle nationale.
· La 7 revendique aussi une audience de 2 %.

Pascal : En moyenne, combien de chaînes peut recevoir un Italien ?
Maurizio Bergonzoni : En théorie, dans beaucoup d'endroits, il est possible de recevoir jusqu'à 10 chaînes nationales et 10 chaînes locales. Dans la pratique (à cause de la complexité des installations d'antennes) la plupart des gens reçoivent entre 12 et 15 chaînes.
(NDLR : sur une ville, toutes les chaînes ne diffusent pas du même émetteur comme en France, ce qui oblige les téléspectateurs à mettre plusieurs antennes sur leurs toits et à utiliser des coupleurs assez complexes.)

Pascal : Qu'a apporté la multiplication des chaînes en Italie ?
Maurizio Bergonzoni : Les premières chaînes locales n'ont pas beaucoup révolutionné l'offre télévisuelle car elles avaient surtout une vocation politique (on y voyait surtout du téléachat et des vieux films).
Par contre, l'arrivée de Media Set a révolutionné la télévision car elle a cassé le monopole de la RAI en proposant des programmes attractifs et a poussé la RAI à s'améliorer.
D'autre part, le point fort des chaînes locales a été de proposer des informations, des magazines, du sport, etc., d'intérêt local.

Pascal : La télévision locale a-t-elle plutôt amélioré ou dégradé la qualité de l'offre des programmes ?
Maurizio Bergonzoni : Certaines de ces chaînes ont fait baisser la qualité car, par manque d'argent, elles ont été obligées de faire appel à de la call TV et au télé achat sur la majeure partie de la grille pour gagner un peu d'argent.
D'autres ont cherché à s'unir en formant des syndications. De cette manière, à coté des programmes locaux, ces chaînes ont pu unir leurs moyens pour produire des émissions de qualité pour être diffusées nationalement. De plus, ce système de syndication leur a permis de pouvoir acquérir des droits de diffusion pour des films et des séries à des tarifs plus abordables.

Pascal : Actuellement, l'offre télévisuelle italienne est assez riche (10 chaînes nationales, multitude de chaînes locales, bouquet satellite). Malgré tout, la Télévision Numérique Terrestre est en train de se lancer. Que va-t-elle apporter de plus au téléspectateur ?
Maurizio Bergonzoni : La TNT va apporter un plus grand choix de chaînes et une meilleure qualité d'image. Mais je pense que la plus grosse révolution que va offrir la TNT, c'est l'interactivité. Actuellement, 7 Gold est en train de développer avec des universités de Bologne des services interactifs qui seront associés à nos chaînes. Nous envisageons de proposer beaucoup d'informations d'utilité locale et administrative. De son coté, le téléspectateur pourra réponde ou effectuer des tâches administratives car une voie de retour sera possible.

Pascal : Aujourd'hui, quelles nouvelles chaînes apporte la TNT ?
Maurizio Bergonzoni : Pour l'instant, la TNT est diffusée de manière plutôt expérimentale. Elle propose donc principalement une diffusion simultanée de chaînes déjà existantes en analogique.

(NDLR : Après recherches, en plus des chaînes déjà présentes en analogique, la TNT propose pour l'instant quelques chaînes musicales et quelques chaînes étrangères comme BBC World et LCI. Mais les multiplex sont loin d'être pleins et la plupart de ces nouvelles chaînes sont plutôt diffusées à titre d'essai. Mais les éditeurs de chaînes sont en pleine réflexion pour créer de nouvelles chaînes sur les places libres.)

Pascal : Depuis le lancement de la TNT et la mise en vente des récepteurs, comment se comporte le marché ?
Maurizio Bergonzoni : Depuis septembre 2003, il y a déjà eu 20 000 décodeurs vendus dans la région d'Emilia Romagna qui compte 3 900 000 habitants, malgré l'offre pour l'instant très limitée. De plus, les téléspectateurs ayant payé leur redevance bénéficient d'une remise de 150 Euros sur l'achat de leur récepteur.
Dans l'ensemble, je suis assez optimiste. Pour l'instant, le satellite est assez peu développé en Italie (NDLR : 5% de l'audience globale en moyenne) et le câble n'existe pas. Je pense que le développement de la TNT va très certainement stopper celui du satellite.


un recepteur TNT



Pascal : L'Italie est un des pays d'Europe ayant l'offre télévisuelle hertzienne la plus riche. Quels sont les points positifs et négatifs de son développement ?
Maurizio Bergonzoni : Le principal problème est qu'il y a une faible réglementation. Le parc de fréquences est très mal géré. Les autres pays ont su mettre en place des autorités fortes afin d'avoir une répartition des fréquences mieux organisée.
D'un autre coté, ce manque de réglementation a permis de ne pas brider la créativité des fondateurs de chaînes. Elle a permis un grand pluralisme de l'information grâce au grand nombre de chaînes. Et lorsque le pluralisme est présent, il est difficile de conditionner la population.

Pascal : Qualitativement, comment jugez-vous les programmes italiens par rapport aux autres pays ?
Maurizio Bergonzoni : L'Italie produit de bons et de moins bons programmes. Je trouve que la qualité des programmes italiens est de qualité équivalente à celle des autres pays d'Europe.
De plus, je pense que les différences restantes vont s'atténuer car il va falloir de plus en plus travailler avec une vision de plus en plus européenne.

Un grand merci à Maurizio Bergonzoni pour m'avoir reçu à plusieurs reprises et avoir pris le temps de répondre à toutes mes questions en français.

Propos recueillis par Pascal 28 pour le FLT en Aout 2004.