S'il y a une interrogation qui revient souvent de la part des téléspectateurs, c'est de savoir comment sont mesurées les audiences des différentes chaînes de télévision. Ce mois ci, je vais m'efforcer de faire un point sur les différents moyens utilisés.
1. Pourquoi a-t-on besoin d'outils de mesure ?
Depuis l'arrivée des chaînes privées vivant à 100% grâce à la publicité, il est devenu nécessaire de connaître l'audience de ces différentes chaînes de manière précise afin de pouvoir fixer les tarifs des écrans publicitaires : plus un écran est regardé, plus un annonceur devra payer cher pour y figurer.
Le problème, c'est qu'avec une transmission par la voie des ondes, il est totalement impossible de savoir qui regarde quoi et à quel moment. La chaîne de télévision envoie grâce à un émetteur un signal radio électrique dans les airs. Quiconque ayant l'appareil adéquat pouvant convertir ce signal en image et son (le téléviseur) peut regarder les programmes diffusés sans provoquer la moindre réaction en contre partie pouvant servir de retour mesure à la chaîne de télévision.
Face à ce problème, il a donc été nécessaire de trouver un dispositif permettant aux diffuseurs d'avoir un retour le plus précis possible sur leurs émissions. L'idéal serait d'installer un espion dans chaque foyer pour savoir ce qui a été regardé. Mais comme vous pouvez vous en douter : face au volume, cela apparaît comme impossible à mettre en place. La solution adoptée a été celle du sondage, mais façon high-tech.
2. Les techniques de prise de mesures
Tout d'abord, la société chargée d'effectuer les mesures (
Médiamétrie) détermine une liste de foyers panels supposés être représentatifs de la population (nous reviendrons plus en détail sur ce point un peu plus tard).
Dans chaque foyer panel est installé un audimètre. Celui-ci est connecté aux téléviseurs de chaques foyers et enregistre seconde après seconde tout au long de la journée les chaînes regardées. La petite difficulté, c'est que l'audimètre doit aussi enregistrer la liste des personnes regardant ces téléviseurs sondés et le seul moyen trouvé est de demander au téléspectateur de signaler sa présence à l'aide d'une télécommande qu'il doit utiliser à chaque fois qu'il entre ou sort de la pièce.
Une fois ces données enregistrées, toutes les nuits, l'audimètre se connecte automatiquement à l'ordinateur central de Médiametrie afin d'y traiter toutes ces informations.
Sachant que le panel de sondés est sensé être représentatif de la population, c'est à partir de ces relevés que sont calculées les audiences supposées réelles des chaînes.
3. Le choix de l'échantillon : le point critique de toute pratique de sondage
D'un point de vue purement technique, le recueil des données est plutôt fiable. On peut être sûr que les résultats sont représentatifs à 100% de ce que les sondés ont regardé. Mais ce panel est-il réellement représentatif de la population française ? Dans le détail il est très difficile de savoir comment est déterminé ce panel : c'est ce savoir-faire qui permet à un institut de sondage d'être plus ou moins fiable qu'un concurrent. C'est pourquoi ces informations sont proches du "secret défense". Toutefois, les grands principes sont connus. Environ 3000 foyers pour plus de 8000 individus sont sondés. Le choix est effectué en fonction de leur âge, sexe, catégorie socioprofessionnelles, nombre de personnes par foyer, taux d'équipement audiovisuel, abonnement à une offre élargie etc... afin d'être représentatifs de la démographie de la population telle qu'elle est décrite dans les données de l'
INSEE. Sur le papier, cette technique peut sembler merveilleuse d'autant que n'importe qui ayant fait un peu de statistique sait que le sondage d'un échantillon représentatif d'un ensemble donnera un résultat très proche de ce que donnerait le sondage de cet ensemble.
Le problème est de savoir si se baser sur les données démographiques de l'INSEE permet de prendre en compte suffisamment de paramètres pour disposer d'un échantillon représentatif des goûts des français. De nombreux paramètres faisant partie du parcours individuel de chaque personne (tels que les origines culturelles, l'éducation reçue etc...) peuvent influer sur les goûts de chacun mais n'apparaissent dans aucune étude.
On peut aussi relever les imprécisions des recensements. Par exemple, combien d'étudiants sont déclarés vivant chez leurs parents alors que dans les faits, ils sont en résidence universitaire ? Il y a fort à parier qu'un 18-25 ans seul dans sa chambre d'étudiant à l'heure du repas ne doit très certainement pas regarder la même chose que le 18-25 à table avec toute la famille.
Enfin, d'après mes recherches, le panel est effectué par téléphone. Ce qui signifie que les gens n'ayant pas de ligne de téléphone fixe ne peuvent pas être sondés. Cela signifie-t-il que ces personnes ne regardent pas la télévision ?
Reste à savoir si les imprécisions citées influent de manière marginale ou sensiblement sur les mesures.
4. L'audience sur l'ADSL : une solution alternative
Comme exposé un peu plus tôt, les modes de transmission traditionnels consistent à envoyer une série de signaux et le récepteur sélectionne celui qui l'intéresse. Dans le cas d'un fournisseur de télévision par ADSL, un seul signal est envoyé à chaque récepteur. Pour zapper, le récepteur envoie un signal au central lui demandant d'envoyer le signal de la chaîne désirée. Ainsi, pour schématiser, le récepteur ne sélectionne pas une chaîne parmi un ensemble proposé, mais demande à l'ordinateur du central de se connecter sur le signal de la chaîne désirée. Un effet collatéral de ce mode de transmission, c'est qu'à tout moment, l'ordinateur du central est capable de savoir quel récepteur est connecté sur quelle chaîne. Cette mesure est tellement simple à effectuer que des fournisseurs d'accès comme
Free donnent gratuitement ces mesures sur leurs sites internet.
Le point intéressant de cette méthode de mesure, c'est que sa fiabilité est redoutable et sa mise en œuvre d'une simplicité extrême. Mais le point le plus positif, c'est que ces mesures ne reposent pas sur un échantillon de la population, mais sur l'ensemble des téléspectateurs abonnés à ces fournisseurs d'accès.
Toutefois, cette méthode rencontre 2 gros points faibles. Le premier est qu'il n'est pas possible à ce stade de savoir qui et combien de personnes sont devant la télévision. Il est uniquement possible de savoir combien de récepteurs sont allumés sur telle ou telle chaîne. L'autre problème est qu'il n'est pas possible pour une chaîne de télévision diffusée sur plusieurs supports d'extrapoler ces mesures sur l'ensemble de la population (les personnes abonnées à un service de télévision ne sont pas représentatives de la population, par exemple, en raison de l'état du réseau ADSL en France, le téléspectateur rural sera sous représenté). De plus, pour les chaînes hertziennes pouvant être reçues par la même personne via son antenne râteau et par son abonnement ADSL, il n'est pas obligé que le téléspectateur allume à coup sûr son récepteur ADSL pour regarder France 2. Ce qui fait que les mesures sont très grandement faussées pour ce type de chaîne.
Mais pour des chaînes à relativement faible publique telles que les chaînes de la TNT ou les chaînes dites « du câble », cet outil peut se révéler très utile, car même s'il ne communique pas des chiffres parfaitement représentatifs de la population, il permet tout de même de pouvoir dégager des tendances beaucoup plus précises que Médiamétrie qui ne dispose pas d'échantillons suffisamment importants pour communiquer des données aussi précises que pour les grandes chaînes. De plus, les résultats donnés par les fournisseurs ADSL sont bien moins chers que ceux donnés par Médiamétrie.
5. Que penser de ces mesures d'audience ?
Comme nous avons pu le voir, ces mesures sont une nécessité pour les chaînes de télévision. Après avoir regardé les méthodes utilisées pour effectuer ces mesures, nous avons pu voir que globalement, il y avait une recherche assez poussée pour être le plus réaliste possible. Mais d'un autre coté, faute de données chiffrées quelques paramètres ne pouvant pas être chiffrés et pouvant très certainement influer sur les résultats ne sont pas pris en compte.
Malgré tous ces défauts, la méthode de sondage par panels demeure encore à ce jour la solution économiquement viable la plus fiable ayant été mise au point.