La politique et la télévision, ce n'est pas un nouveau couple, mais une alliance
forgée depuis longtemps, et qui tend à devenir de plus en plus puissante et
soudée.
On connaît l'importante place que tiennent les images quand il s'agit
d'actualité, et comment chaque rédaction de chaque chaîne de télé joue sur le
choc des images plutôt que celui des mots. Si on ajoute que la télé est devenue
la source d'information principale des français, on a un tableau de la puissance
que représente ce média. A tel point qu'aujourd'hui, et pour ne pas couler, les
hommes politiques ont du apprendre à « faire de l'image », à maîtriser ce média
si puissant et influençable.
Aller se vendre là où le public est.
L'image de nos politiques est ainsi placée en avant, plus que jamais. Mais,
étrange phénomène, alors que le nombre d'émissions politiques baisse au fil des
années, les hommes politiques, eux, sont de plus en plus présents à l'écran. Eux
aussi ils l'ont compris, pour réussir, qu'il s'agisse de faire de la politique,
de la musique ou de vendre des courgettes, l'important c'est d'être connu. Par
conséquent, le chemin le plus court pour la célébrité ce sont les émissions
télé, si possible celles qui ont le plus de succès, peu importe le niveau
intellectuel.
On voit donc fleurir une politique spectacle, ou le vainqueur sera celui qui
aura fait preuve de charisme, peu importe si le fond est relégué après la forme,
l'important étant de se vendre.
Pour cela, les candidats sont prêts à accepter des (é)missions de tout genre,
quitte parfois à se ridiculiser.
La situation actuelle le montre ; là ou autrefois les hommes politique n'osaient
se manifester seulement QUE dans des émissions purement dédiées au sujet
politique (en s'autorisant quelques exceptions avec les interviews des JT), ils
ont décidés aujourd'hui d'être présents dans le moindre talk-show, la moindre
émission de société, côtoyant le sportif ou la star du moment, et cela va
parfois tellement loin qu'on a même vu récemment J-P Raffarin invité à Stade 2 ...
Tout le monde en Parle, Vivement Dimanche On Ne Peut Pas plaire à tout le monde, et tout les gros talk-show du PAF sont là en partie pour permettre aux ténors de la politique de montrer qu'ils existent toujours et qu'ils savent manier l'outil télévisuel. Ils pourront ainsi respecter la règle des 4S d'Erik Neveu (Réseaux
n°118), et se montrer : Sympathique, simple, spontané, sincère. La règle d'or
pour sortir vainqueur sans parler de politique !
Et pourtant, ce genre d'exercice de promo politique peut se révéler périlleux,
parfois suicidaire.
On se souvient de Michel Rocard, invité par Ardisson, se faisant tutoyer par
Laurent Baffie et questionner sur « Sucer c'est tromper ? ». Comment rester
crédible lorsqu'on est invité sur de tels plateaux télé ? On devine facilement
que ces passages répétés dans des émissions légères (restons polis) plutôt que
d'autres destinées à la politique, tel riposte, n'ont pour autre but que de
faire tomber les barrière sociales qui pourraient exister entre les
téléspectateurs et l'homme politique (certains ont même un blog :
http://www.blogdsk.net/).
C'est le premier objectif. De tout temps la classe politique a voulue montrer
que le peuple c'est eux, et vice-versa. Et la télévision offre aujourd'hui un
moyen merveilleux pour se mélanger, se montrer sous son aspect le plus flatteur,
dans le seul but de montrer aux futurs électeurs à quel point eux et nous sommes
du même monde : On y voit Raffarin qui faisait de l'athlétisme (photos à
l'appuis), Fabius qui nous apprend qu'il aime les carottes et la Star Academy
(sur ce point il ne mérite pas d'être comparé au FLT).
Mais faut-il risquer de se faire ridiculiser face à des invités ou des
présentateurs incontrôlables ?
Ces risques ne sont pas présents dans chaque talk-show, et si Marc Olivier
Fogiel n'a pas la même attitude qu'Ardisson, ce n'est finalement pas pour
adopter une approche plus sérieuse. Lui préfère se montrer plus incisif afin de
mettre mal à l'aise son invité dans le seul but d'avoir un scoop là ou il n'y en
a pas forcément. Sans pour autant poser des questions politiques dérangeantes ou pertinentes, il arrive souvent à casser l'exercice de rapprochement social et du
« je suis comme tout le monde » que l'invité était venu démontrer.
Le bon plan, pour espérer sortir indemne de l'exercice télévisuel, c'est d'être
invité chez Drucker, où les questions seront gentilles et caresseront l'invité
dans le sens du poil. L'émission et ses invités sont bridés, sages et aucune
mauvaise surprise ne vient jamais surprendre. L'homme politique, même mauvais en communication sera placé ici en vedette médiatique, les questions porterons sur lui, sa famille, mais l'émission n'aura jamais l'audace de parler et de débattre
de politique, c'est bien ça qui rassure les invités et ce qui donne du succès à
l'émission. Ces même invités se verront ensuite proposer des pages dans Voici ou
Gala ... Tout un programme.
De façon plus générale, en ce qui concerne les émissions recevant des hommes
politiques en France, -qu'ils s'agisse de journaux télévisé, d'émission de
société ou autre- il est à noter que beaucoup, pour ne pas dire la totalité des
présentateurs/intervieweurs jouent le jeu des 4S, et évitent soigneusement
d'aborder des sujets dérangeantes pouvant mettre mal à l'aise leurs invités. Il
n'existe pratiquement plus aucune pertinence dans les questions posées, le seul
spectacle restant étant celui des clashs entre deux invités opposés sur une
question.
Tout ce cirque afin de populariser les hommes politiques a entraîné une
modification du principe de jugement du public, et a réduit les débats à une
simple gestion de l'image ou chaque candidat doit, aux choix, se montrer
agressif, dynamique, bon orateur, etc ...
Pourtant, certains ont beau squatter les émissions à succès, il ne s'agit pas
pour autant de faire de la figuration pour gagner en popularité !
Savoir utiliser l'image
Les hommes politiques l'ont bien compris, l'image a un impact non négligeable
sur l'opinion publique et sur les indécis, et il faut savoir la maîtriser,
l'utiliser à son avantage. Ces derniers essayent donc de jouer sur leurs
prestations télévisuelles pour se démarquer de leurs concurrents. Il s'agit de
jouer et de se différencier sur la forme et non plus sur le fond.
On dit souvent qu'ils viennent exposer leur charisme, mais ce n'est pas le terme
approprié. Le charisme défini le grand prestige d'une personnalité
exceptionnelle et l'ascendant qu'elle exerce sur autrui. Max. Weber décrit le
charisme comme une des légitimation du pouvoir, mais en décrivant ici ce qu'il
appel le charisme politique, une notion simplement bonne à réussir un passage
télé. En prenant la définition première du charisme, cela supposerait qu'un élu
dit charismatique est destiné à guider un peuple. Il a existé des hommes
réellement charismatique, tel Staline, Mussolini et Hitler, Churchill, De Gaulle
ou Che Guevara et d'autres, mais ce serait un abus de langage que de qualifier
de charismatique Nicolas Sarkozy au même niveau que De Gaulle parce qu'il est à l'aise à la Télé.
On sait qu'aujourd'hui, lors des élections, beaucoup de votes vont à l'homme qui
sera apparut comme sympathique, et ce, indépendamment de ces idées. L'image est donc un facteur important de réussite.
Il y a certains attributs physiques des hommes politiques sur lesquels rien ne
change, tel le costume (très masculin) aux tons sombres : adopté à l'unanimité.
Dernièrement certains se sont autorisés quelques fantaisies, et l'été on voit
maintenant des chemisettes accompagnées d'un pull en laine autour du cou,
véhiculant l'image d'un politique relax, en vacance, mais toujours présentable.
Les différences à l'image se situent aussi dans le comportement. Toute une
panoplie de gestes et de mimiques sont utilisés. Lors d'un débat dans l'émission
Riposte (Dimanche 19h, ARTE) on pouvait voir clairement ce qui différenciait
Dominique Strauss-Kahn d'Edouard Balladur.
Le premier savait être dynamique et incisif, alors que l'autre avait toutes les
peines du monde à suivre le rythme. DSK savait répliquer vivement, sans peur de
couper la parole, en s'avançant et se mettant en avant des autres invités, sa
gestuelle traduisait une grande partie de son discourt. A l'opposé, E.Balladur
avait peine à se faire entendre, n'osait couper la parole de personne, et
restait complètement immobile lors de ses prises de paroles, les mains posées
sur la table, le corps rigide et le regard fixé dans le vide. Certes, il
apparaît comme calme et posé, réfléchit et poli, la radio serait sans doute pour
lui un moindre mal, mais ce n'est pas ce qui marque les esprits.
La politique d'aujourd'hui est une politique spectacle ou les showmen sont les
plus courtisés. Sortir vainqueur, c'est se montrer dominant, provocateur (limite
agressif) et maître du débat. Ces techniques sont en grande partie la cause du
succès de Lepen. Il sait prendre le téléspectateur à partis, il sait arpenter la
scène ou se lever afin de marquer son humeur, prendre une voix posée et une
allure imposante. Lui a choisis de se montrer agressif, d'utiliser un regard
presque menaçant. Il a parfaitement compris les règles du jeu.
A contrario François Hollande reste définitivement transparent et frise le
ridicule quand il tente de marquer des blancs, de ponctuer ses discours et
d'agiter ses poings serrés. Ses yeux sont évasifs, il ne fixe jamais
suffisamment longtemps son interlocuteur, contrairement à ses adversaires qui
peuvent être de véritables orateurs, tel Nicolas Sarkozy ou J.M Lepen qui eux,
insistent sur le regard. Sa voix est hésitante, saccadée alors qu'un homme comme DSK sait exposer ses idées rapidement, avec un discours fluide et clair. Quand on comprend l'importance de ces qualités, on comprend ainsi pourquoi il se voit moins souvent invité que ces collègues.
Le schéma est le même outre atlantique. Lors des dernières élections, on a
souvent regretté le manque de charisme de Kerry face à Bush. Lors des duels, il
avait beau déblatérer ses connaissances sur différents sujets, montrer qu'il en
connaissait plus sur le sujet que son adversaire, mais en face de lui, Bush
savait lancer des phrases coutres claires et concises, des réponses non
argumentés, mais des réponses choc. Ses mimiques et ses gestes plus nerveux
savaient convaincre qu'il était l'homme de la situation, peu importe le contenu
de son discours. Et si il fallait choisir un homme politique qui a compris
l'importance de l'image, je citerais Bush.
On sait à quel point ce qu'on appel le charisme se révèle primordiale pour être
apprécié des masses, ce qui explique en grande partie la popularité qu'a acquis
Hitler en si peu d'années, simplement en suivant des règles de comportements
strictes que l'on retrouve dans son « Essai sur le charisme en politique ». A la
vitesse où vont les choses, certains politiques feraient bien de lire ce genre
de bouquins.
La télévision est devenue un objet de propagande incontournable, et à forcé les
politiques à s'y adapter. Elle qui, à l'origine, aurait du rendre son rôle de
citoyen au téléspectateur n'a finalement réussit qu'à aggraver les choses. Il en
découle que la réflexion et l'intelligence des candidats ne sont plus les
qualités requises pour être apprécié (et élu), il s'agit maintenant de séduire
par l'apparence, de faire valoir sa présence télévisuelle. Cette dernière étant
devenue un passage obligatoire, elle a pénalisé énormément les plus petits
politiques, et a mis de coté tout les partis politiques absents des duels du
second tour. Trop de diversité entraîne moins de d'opposition et de clash, moins
de spectacle. Il est bien plus facile de choisir deux partis (UMP/PS) afin
d'éliminer le plus faible, et avec cette logique là, le téléspectateur s'y
retrouve enfin ...
Klem pour le FLT - Novembre 2004