Selon La Tribune, le gouvernement aurait trouvé la parade pour empêcher Canal 20, le projet de chaine TNT haut de gamme de Canal+ : une évolution technologique qui repousserait le lancement de toute nouvelle chaîne de plusieurs années, le temps que le parc d’adaptateurs TNT ait été entièrement renouvelé...

Résumé des épisodes précédents (relatés longuement dans les articles du Village « Canal met les pieds dans le clair » et « L’espoir est Vain ? »). Cet automne, la télévision en analogique doit totalement disparaître en France, définitivement remplacée par l’émission numérique (la TNT). Pour compenser les coûts du passage au numérique des chaînes historiques, et la perte de revenus liée à la multiplication des chaînes, le gouvernement avait voté l’attribution de trois chaînes bonus, une pour chaque grand groupe privé : TF1, M6 et Canal+.

Au printemps dernier, Canal+ annonçait qu’elle allait se servir de ce canal pour lancer une chaîne en clair, au nom de code Canal 20, clairement haut de gamme. Un pavé dans la marre de la TNT, les groupes historiques s’étant entendu jusque-là pour qu’il ne règne aucune concurrence sur la TNT, entièrement occupée en France par des chaînes low-cost, robinets à rediffusions et télé réalités à deux sous.
Un positionnement qui n’est pas une fatalité : la TNT britannique propose un nombre conséquent de fictions originales, y compris sur les chaînes privées (Skins ou Misfits, par exemple). Tout cela alors que la Grande-Bretagne a un peu moins d’habitants que la France et qu’elle exporte relativement peu puisqu’elle se concentre sur des formats assez courts de six épisodes par saison.

Jusque-là, les dirigeants de TF1 et M6 s’étaient toujours imaginés que Canal+, chaîne cryptée, lancerait sur la TNT une déclinaison cryptée. Canal 20 est de nature à remettre en cause leur stratégie d’hyper-rentabilité à court-terme et de contribuer à une segmentation accrue des cibles publicitaires, qui augmentera le montant global des investissements publicitaires mais fera baisser celui des chaînes historiques, vieillissant et peu qualitatif.
Nonce Paolini et Nicolas de Tavernost (ironiquement dénommés les deux co-Ministres de la Culture par le Village) qui avaient milité pour que leurs chaînes bénéficient de ces canaux bonus aux justifications douteuses, ont alors immédiatement fait un virage à 180° et déployé la puissance de leurs lobby sur le Ministère de la Culture officiel pour faire annuler ces chaînes compensatoires, quand bien même ils avaient déjà été votés.

L’Europe est venue leur donner un coup de main, contestant l’existence de ces Canaux Bonus justement sur la base des justifications douteuses avancées à l’époque par le lobby TF1/M6 et qui avaient ‘‘convaincu’’ le gouvernement.

Depuis, les politiques cherchent une voie de sortie qui aille dans le sens voulu aujourd’hui par TF1 et M6. Selon La Tribune, l’entourloupe pourrait être technologique.
« Tout début août, » écrit le quotidien économique, « le ministère de l’Industrie a envoyé à la Commission européenne — et sans l’annoncer publiquement — un projet d’arrêté ministériel signé par trois ministres : François Baroin, Frédéric Mitterrand et Eric Besson. Ce projet d’arrêté impose la norme EN 300 755 (référence du DVB-T2) pour la diffusion de toutes les chaînes TNT, à l’exception des chaînes déjà diffusées.
« Or, aucun foyer ne possède aujourd’hui de décodeur supportant le DVB-T2. Cela signifie donc que toute nouvelle chaîne devrait de facto attendre plusieurs années que les Français s’équipent de nouveaux décodeurs.
« Interrogé, le ministère de l’Industrie a répondu : ‘‘l’objectif de cette notification est que l’ensemble des options soient ouvertes, en vue des arbitrages qui restent à prendre par le Gouvernement. Il s’agit d’une notification à titre conservatoire. Aucun arbitrage n’a été rendu à ce jour’’. »