Arte : du quasi-ciné à la vraie télé ?
NOVEMBRE 2008
Par Sullivan Le Postec • 25 octobre 2008
Bienvenue au Village.

Christophe Honoré, Gaël Morel, Olivier Ducastel et Jacques Martineau, tels sont les auteurs, au sens très français du terme, de trois productions Arte récemment diffusées sur la chaîne culturelle franco-allemande. Des noms qu’on associe instinctivement plus au grand écran qu’au petit.

Probablement Christophe Honoré se vexerait-il même qu’on appelle « La belle personne » un téléfilm — ce qu’il est pourtant, et ce qui n’a rien d’insultant. Honoré relie d’ailleurs clairement sa dernière réalisation aux deux précédentes, « Dans Paris » et « Les Chansons d’amour », elles tournées pour le cinéma, et fait du tout une trilogie située dans un Paris hivernal.
Le cas de « La belle personne » n’a rien d’exceptionnel. Il remonte quasi aussi loin que les origines d’Arte. D’ailleurs c’est dans un téléfilm de la chaîne, réalisé par un grand nom du cinéma « d’auteur » français, et exploité dans une version raccourcie en salle, que Gaël Morel avait vu débuter sa carrière d’acteur avant qu’il ne passe ensuite derrière la caméra. (C’est bien sûr au magnifique « Les roseaux sauvages » / « Le Chêne et le Roseau » que je fais référence.)

Après les excès de la Cinq Berlusconienne, et le danger que celle-ci avait fait courir à TF1, le cinquième Canal hertzien se voit finalement attribué en 1992 au projet de chaîne culturelle européenne en développement depuis la fin des années 80, et qui occupait les samedis de FR3 de 15h à minuit depuis trois ans sous le nom de La Sept.

Le niveau d’exigence de La Sept – Arte confine à la radicalité, et propose de diffuser des programmes pensés comme d’un niveau très élevés, quitte à ce que personne ne les regarde, notamment parce qu’ils ne sont pas adaptés au média télévision et ne tiennent aucun compte, c’est un parti-pris, de ses réalités industrielles et économiques. A chacun de choisir s’il veut y voir une époustouflante audace ou une curiosité de plus dans le très baroque paysage audiovisuel français. Ce qui est sûr, c’est que substituer Arte à la Cinq enlevait à l’époque une épine dans le pied de TF1 et, en l’absence d’une politique éditoriale de fiction forte et diverse sur Antenne 2 et FR3 créait, dans ce domaine, un paysage séparés en deux territoires sans rien de commun. D’un coté, le modèle ultra-consensuel de TF1, conçu pour ne poser problème à personne et donc, potentiellement, réunir tout le monde. De l’autre, la fiction d’Arte, uniquement fondée sur le prototype et dans la ligne directe du cinéma d’auteur français, quitte à devenir un cinéma-bis sans les moyens d’offrir une vraie visibilité, et donc une pérennité aux films produits. A l’exception, donc, de ceux qu’il fut possible d’exploiter parallèlement au cinéma.

C’est ce à quoi je faisais allusion en évoquant le manque de considération apporté au départ par Arte aux réalités industrielles et économiques du média télévision. L’unitaire, en télé, est rarement viable. Un nouveau programme a en effet besoin d’être largement promut pour émerger dans la masse produite par l’ensemble des chaînes. Mais investir massivement pour communiquer sur un téléfilm, qui n’occupera jamais qu’une case de programmation, n’est pas envisageable, sans quoi le coût de la grille va exploser au delà du raisonnable. Alors que, sur une série, cet investissement se réparti sur l’ensemble des épisodes et des soirées de programmation, ce qui peut rendre son coût raisonnable.

Sur Arte aussi, cependant, les choses changent, et ces réalités sont de plus en plus intégrées. La programmation quasi-cinématographique de cette rentrée est donc plus représentative de ce que fut Arte que de ce qu’elle est aujourd’hui et de ce qu’elle aspire à devenir.

La chaîne cherche à son tour à développer une politique de série, tout en gardant son ambition éditoriale et son audace en terme de sujet. Le premier signe avait été la création de « Venus et Apollon » déclinaison sérielle de « Venus Beauté Institut » diffusée à l’automne 2005 pour sa première saison, constituée de 25 épisodes de 26 minutes. La série souffrait d’un format étrange, avec un aspect de sitcom mais une écriture déjà orientée dramédie. La seconde saison arrivera début 2009. Cette fois, on aura voulu clarifier son format, et ces nouveaux épisodes, au nombre de 8, seront du 52’.

Au dernier festival de la fiction de La Rochelle, le Directeur de la fiction d’Arte France, François Sauvagnargues, a détaillé son ambition. Il veut plus de séries pour donner une ‘‘visibilité plus grande’’ à l’offre de fiction dans la grille de la chaîne. ‘‘Pour moi, l’enjeu des séries est un enjeu vraiment important", a-t-il indiqué dans un entretien accordé à l’AFP. ‘‘Selon le contrat que nous avons avec l’Etat français, nous devons désormais produire deux séries par an, comptant chacune huit épisodes de 50 minutes’’.
A venir ensuite sur la chaîne : « Les invincibles », libre adaptation d’une comédie canadienne, mettant en scène quatre hommes, trentenaires, qui décident de vivre une seconde adolescence. François Sauvagnargues annonce le tournage d’autres séries, comme « Xanadu », histoire d’une famille obligée de gérer un empire du sexe, et « Fortunes », de Stéphane Meunier, qui met en scène un groupe de jeunes adultes. ‘‘On en a comme cela huit en projet’’, précise le directeur de la fiction. ‘‘Notre but est de faire de la fiction intelligente, de la fiction provocante, de la fiction qui sorte des sentiers battus, en s’inspirant aussi de ce que font les autres’’, souligne-t-il.

L’ambition est posée. On jugera sur pièces.