DEBATS — Les Tables-rondes de la 8e Journée de la Création TV
La 8e Journée de la Création TV s’est tenue le 27 juin 2011 au Studio Gabriel
Par Sullivan Le Postec • 26 juillet 2011
Retrouvez l’intégralité des discussions de la 8e Journée de la Création TV : trois table-ronde rassemblant le gratin du paysage audiovisuel français et se penchant sur les sujets de la création.

Depuis huit ans, la Journée de la Création TV, organisée depuis 2004 par l’Association pour la Promotion de l’Audiovisuel (APA) présidée par Jean-François Boyer, producteur de télévision (Tetra media Studio), et qui est désormais retransmise depuis le Studio Gabriel sur Public Sénat et Dailymotion, rassemble les professionnels de l’audiovisuel français pour une série de table-rondes qui font le point sur les principales problématiques de la création télévisée.

Les trois tables-rondes de l’édition 2011 ont compté parmi leurs intervenants Rémy Pfilmlin, Bibiane Godfroid, ou encore Cathy Verney, au milieu de nombreux autres. Ces professionnels ont évoqué le financement de la création, bouleversée par l’arrivée des acteurs de l’Internet sur le terrain de la télévision, la programmation de la fiction et le rôle que doit jouer le Service Public.

Nous vous proposons de retrouver l’intégralité de ces débats, animés par la journaliste de Public Sénat Caroline Delage.

Table ronde n°1
Les financements de la création et ses nouveaux enjeux

Intervenants : Dominique BARNEAUD (Président de la Commission TV Procirep), Julien DRAY (Vice-Président Région Ile de France, Chargé de la Culture), Francine MARIANI-DUCRAY (Membre du CSA), Eric GARANDEAU (Président du CNC), Maxime LOMBARDINI (Directeur Général du Groupe Iliad-Free), Dominique RICHARD (Chargé de Mission Ministère de la Culture), Laure DELESALLE (Réalisatrice).

On pourra saluer le cran du DG de Free : Maxime Lombardini aurait facilement pu se défiler plutôt que de participer à ces débats en pleine polémique sur « l’optimisation fiscale » à laquelle se livre Free pour éviter de payer un financement direct à la création.
Dans un cadre formel souvent propice à un ton feutré (pour ne pas dire à la langue de bois), le Président du CNC Eric Garandeau a porté des attaques sévères et dures qui ont largement animé cette première table-ronde de la journée.

Maxime Lombardini a démenti la réalité des accusations formulées contre son groupe devant une salle très sceptique à son égard. Mais à la fin de la journée, le Ministre de la Culture lui-même a ailleurs porté l’estocade finale. Sans citer le groupe Free nommément, Frédéric Mitterrand a repris à son compte les accusations formulées par le Président du CNC et s’est engagé à mettre fin à cette situation.

Table ronde n°2
Programmation et innovation une nouvelle chance pour la fiction

Intervenants : Thomas ANARGYROS (Producteur, Cipango / EuropaCorp TV), Bibiane GODFROID (Directrice Générale des programmes M6), Philippe LANDRE (Directeur délégué à la programmation de France 2), Bénédicte LESAGE (Productrice, Mascaret Films), Sylvie COQUART (Scénariste), Cathy VERNEY (Réalisatrice, scénariste, créatrice de la Série « Hard »)

Dans un pays où les Département de Programmation des chaînes sont des bunkers inaccessibles où se décident la vie ou la mort des fictions (plus souvent la mort) quasi sans recours possible, organiser une table-ronde sur la programmation de la fiction à la télévision française en présence de hauts responsables de la programmation de France 2 et M6 paraissait particulièrement intéressant. Dans les faits, le plus intéressant est ce qui a transparu en creux, entre les lignes.

A savoir l’arrogance délirante des responsables de la programmation.

J’ai rarement entendu un scénariste, un réalisateur ou un producteur commencer un débat consacré de près ou de loin à la Crise de la fiction française sans exposer d’abord la part de responsabilité de son propre corps professionnel, et la nécessité de se remettre en question pour innover avec un haut niveau de qualité dans l’objectif de reconquérir le public.
Rien de tout cela chez les programmateurs. Du torrent de langue de bois et d’absolue mauvaise foi déversé une heure durant, on ne pourrait pas extraire la moindre seconde d’autocritique, le moindre aveu de l’éventualité d’une possible erreur. Un grand moment du débat voit Madame Godfroid jouer l’incompréhension et l’incrédulité la plus complète quand un intervenant présente la programmation de la fiction sur M6 comme une entreprise de dé-fidélisation du public.

Dans l’année qui vient de s’écouler M6 a diffusé la troisième saison, et les deux premiers épisodes de la quatrième et dernière saison, des « Bleus », le samedi soir — avant de déprogrammer la série, prétextant des raisons d’audience (un peu plus de 2 millions de téléspectateurs).
Tout ça pour finalement programmer les six derniers épisodes du reste de la saison 4 dans la même case, six mois plus tard, parce que rien de ce qui avait été programmé entre-temps n’avait réussi à faire mieux que l’audience des « Bleus ». Sauf que ces six derniers épisodes ont été vus par 800 000 téléspectateurs de mois que les autres quelques mois avant, effectivement dé-fidélisés par la programmation de M6.

A part ça, Bibiane Godfroid ne voit pas du tout d’où pourrait provenir un tel point de vue.

Cependant, il y a au moins une chose dans laquelle les programmateurs excellent au cours de cette heure de débat : la rhétorique du « c’est pas moi, c’est lui ».
Il n’y a plus de soirées avec des séries différentes à la suite sur France 2 ? La faute des créatifs, pas fichus de proposer deux séries aux tonalités semblables. La baisse d’audience de « Kaamelott » ? La faute d’Alexandre Astier, parti dans un trip personnel “d’auteur” qui a ‘‘perdu le public’’. La programmation le samedi soir trois épisodes à la suite, une case et un rythme de programmation complètement inadaptés à la série et à son public ? Mais puisqu’on vous dit que cela n’a rien à voir !

C’est dans ces moments-là qu’on réalise qu’on ne sortira pas de la « Crise de la fiction française ». Parce que les seuls qui refusent de convenir de leur responsabilité sont justement ceux qui en ont la plus grosse part.

Table ronde n°3
Service public et création

Intervenants : Patrick BLOCHE (Député), Laurence FRANCESCHINI (Directrice Générale Médias et Industries Culturelles), Stéphane LE BARS (Délégué Général USPA), Rémy PFLIMLIN (Président Groupe France Télévisions), Anne DURUPTY (Directrice Générale d’Arte France), Pascal ROGARD (Directeur Général SACD), Juliette PRISSARD-ELTEJAYE (Déléguée Générale du SPI)

C’était la table ronde au casting le plus institutionnel : le Président de France Télévisions, la DG d’Arte France, un Député... Le ton général s’en est ressenti, bien loin de l’affrontement franc du premier débat de la journée.

Faute d’agent provocateur, la discussion est restée convenue, même si elle a tout de même été l’occasion pour les nouvelles équipes de France Télé et d’Arte de préciser un petit peu leurs intentions. Le Député Patrick Bloche a quant à lui confirmé l’évidence : la nomination des responsables de l’audiovisuel public directement par le Chef de l’Etat sera supprimée si la gauche revient au pouvoir en 2012. Il n’a cependant pas rassuré sur la crainte d’un nouveau jeu de chaises musicales en refusant de s’engager sur le maintien jusqu’au terme de leur mandat des équipes en place (même s’il semblait incliner en ce sens).


La 9e Journée de la Création TV aura lieu en juin prochain.

Post Scriptum

Le Village était partenaire de la 8e Journée de la Création TV.