THE FADES — Saison 1
"Na-Nu Na-Nu" Mac
Par Dominique Montay • 11 mai 2012
Il y a quelques semaines de cela, des voix sur le Net, favorables à l’œuvre de Jack Thorne, pleuraient la fin de "The Fades", la série horrifique de la BBC. Diffusée sur BBC Three (dont la cible d’audience est les 16-34 ans), elle bénéficiait pourtant d’audiences plutôt correctes pour la chaîne.

On vous l’avait présentée avant sa diffusion (PREVIEW — Les vivants contre les morts dans « The Fades » sur BBC3). L’heure est venue de la critique. L’Angleterre profonde. Sa banlieue. Ses forêts. Ses morts qui n’arrivent pas à monter au ciel (ou ailleurs). Paul est un jeune garçon qui, au détour d’une virée nocturne avec son meilleur ami un poil autiste, Mac, tombe sur une bête surnaturelle qui s’en prend à un homme et une femme. Ce même Paul a des visions apocalyptiques régulières. Il ne le sait pas encore, mais il est au centre d’un affrontement aux relents de fin du monde qui oppose les “angéliques” et les “fades”. Une entrée dans l’âge adulte bien pourrie, en somme.

Les fades sont donc des gens qui sont morts, mais donc la conscience reste coincée sur Terre. A terme, la personne qui vit cette situation va sombrer dans la folie, perdre toute humanité et devenir l’équivalent d’un zombie invisible aux yeux du commun des mortels. Depuis peu, les fades se nourrissent de chair humaine. Comment ? Nul ne le sait. Pourquoi ? Encore moins. Et ça ennuie considérablement les angéliques.

Les angéliques peuvent voir les fades, et donc les combattre. Certains, plus puissants que d’autres, ont le pouvoir de guérir. Quand Neil, bras armé des angéliques, tombe sur Paul, il cherche à le recruter. Il se rend très vite compte que son potentiel est énorme. Un moment “The Force is strong with this one”.

Mac est le meilleur ami de Paul, et vit au travers de ce qu’il voit, lit, ou joue avec. C’est un vecteur de références pop-culturelles constant. En vrac le récit nous permet aussi de suivre la famille de Paul (sa mère, aimante ; sa sœur, haineuse), une amie de sa sœur qui va progressivement tomber amoureuse de lui, et Sarah, une angélique qui vient de décéder et dont la conscience ne s’élève pas.

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Sarah (Natalie Dormer)
A bien morflé en mourrant

Une série arythmique

La mythologie est posée, excitante, les forces en présence aussi, intéressantes. Mais qu’est-ce qu’elle a qui ne va pas, cette série ? Déjà, elle ne fait pas, pour une série horrifique, vraiment peur, la faute à une réalisation peut être un peu trop naturaliste pour le sujet. Mais le vrai problème ne réside pas vraiment là. Le principe des premiers épisodes est de montrer Paul dans son quotidien et face au surnaturel. S’il est décidé à rentrer dans la bataille, il ne veut pas le faire au prix de sa vie personnelle. Une attitude qui colle bien à l’âge du personnage, mais qui créée un déséquilibre dans le récit.

Si le quotidien de Paul est assez plat, il donne lieu à des échanges très sincères, touchants, entre lui, Mac et Jay. Et l’aspect surnaturel de sa vie, s’il est emballant au premier abord, il est victime d’un manque de sincérité des sentiments. L’homme qui est censé introduire Paul dans cette vie de combat, Neil, ne possède rien de très humain, et son interprète, qui passe son temps la bouche mi-close comme s’il n’arrivait pas à respirer par le nez, n’aide en rien en cela. On aurait aimé voir chez lui un autre aspect, un peu moins unidimensionnel, un peu moins "prêt à tout pour y arriver", mais non, rien. Cet aspect, s’il peut s’avérer intéressant et donner lieu à de bonnes scènes (après tout, les protagonistes n’ont pas tous à être sympathiques, même du bon côté de la barrière), crée un écueil assez énorme : quelle personne saine d’esprit suivrait ce Neil dans un combat ? Même à 17 ans ?

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Neil (Johnny Harris)
Semble atteint d’une sinusite dès qu’il doit faire passer son désarroi ou montrer qu’il est perdu.

Les autres “angéliques” sont tout autant vides d’intérêt, à l’exception de Sarah, qui arrive à nous émouvoir, mais là encore, et surtout, dans ses moments privés, quand elle se confronte à son petit ami qu’elle venait de quitter, et qui ne peut la voir. Cette double narration qui créé deux rythmes très différents dans la série ne sont pas habilement mariés, et posent la série dans une arythmie constante, l’une centrée sur la seule émotion et les enjeux mineurs, l’autre dans des enjeux majeurs où l’émotion est souvent absente.

Une série qui s’améliore au fil des épisodes

Les courbes se rejoignent vers l’épisode 4, et l’arythmie constatée laisse place à une plus forte unité. Le parti pris des auteurs, après nous avoir montré Paul tentant de faire cohabiter les deux univers en cloisonnant, est (dès l’épisode 5) de virer la cloison et tout emmêler. La série en devient bien plus intéressante, bien plus riche, et on en vient à souhaiter que cette cloison eut sauté plus tôt.

La série donne l’impression d’avoir un prologue de 3 épisodes, un épisode qui change l’univers, et deux pour le climax. Comme si la série, après une entrée en matière forte, s’était un peu perdue avant de se trouver enfin, un peu tardivement. La seule constante de la série est d’avoir réussi à mettre en avant des personnages de post-adolescents relativement crédibles (seul Mac pose souvent problème avec ses références cinématographiques trop marquées années 80, et de fait plus proche de l’auteur de la série que du personnage à proprement parler), comme la télévision américaine échoue régulièrement à nous montrer. Elle réussit à nous poser un univers plus riche qu’il n’y paraît, très axé religieux sans en avoir l’air.

Si « The Fades » ne méritait pas spécialement (hormis par sa spécificité pure d’être une série d’horreur diffusée sur une chaîne publique) de continuer après sa première moitié de saison, la seconde montra suffisamment de qualités (ainsi qu’un clin d’œil vers une saison 2 plus ambitieuse avec un univers étendu) pour justifier une suite. Il n’y en aura pas, du moins à la télévision, et c’est quand même un peu dommage.

Post Scriptum

« The Fades »
BBC3 - 2011 - 6x60’. Créé et écrit par par Jack Thorne.
Produit par Caroline Skinner.
Réalisé par Farren Blackburn (Episodes 1-3) et Tom Shankland (Episodes 4-6).
Avec : Iain de Caestecker, Joe Dempsie, Natalie Dormer, Tom Ellis, Johnny Harris.