Tout vient à point à qui sait attendre (longtemps)...
OCTOBRE 2008
Par Sullivan Le Postec • 3 octobre 2008
Bienvenue au Village.

Les mois se suivent et ne se ressemblent pas. Après la comédie, le Village vous propose une plongée dans un univers sombre, à l’occasion de la diffusion de « Flics », une série qui vient de là où l’on ne l’attendait pas.

Tf1. La chaine à laquelle aucun créatif ne semblait pouvoir survivre.

Il y a plus de vingt ans, juste après sa privatisation, Tf1 inventa un modèle de fiction par le truchement d’un prototype intitulé « Navarro ».
« Navarro », en soi, à fortiori il y a 20 ans, cela n’avait rien de honteux. C’était même très proche de la fiction américaine grand public produite à peu près au même moment là-bas. Le problème, c’est qu’après, plus personne n’est jamais venu remettre ce modèle en cause un tant soit peu, ni même n’essaya d’inventer quelque chose d’autre à coté. Il fut copié-collé, sans fin. Cela marchait. Pourquoi chercher à changer quelque chose qui marche ?

Tout simplement parce que cela aurait permis d’éviter la situation dans laquelle Tf1 — et la fiction française en général — se trouve aujourd’hui. Jamais révisé, le moteur de la série made in France a explosé en rase campagne. Il faut aujourd’hui en reconstruire un nouveau à partir de rien, à l’ombre d’une fiction américaine qui n’a, elle, jamais cessée de se remettre en question, et qui a biberonné toute une génération. Une génération qui, du coup, dès qu’elle voit une série française à peu près bien écrite et bien réalisée, a immédiatement un sentiment de plagiat. Reconquérir cette génération là, c’est pas gagné.

Assis depuis la fin des années 90 sur ce qu’il a sottement pensé être un magot inépuisable, Takis Candilis, ex-directeur de la fiction de TF1, a préféré continuer d’exploiter le travail de ses prédécesseurs plutôt que de travailler lui-même. Jusqu’à ce que les sirènes se mettent à hurler et que le crash paraisse inévitable. Candilis a alors cherché à donner le sentiment qu’il faisait quelque chose. Pas facile quand on s’est mis à peu près toute la profession à dos. Ca se paye d’être persuadé d’avoir raison contre tout le monde, surtout quand on est loin d’avoir les moyens de son égo.
Faire quelque chose. Toute la production de Tf1 a basculé au 52 minutes, un peu n’importe comment, et même quand cela ne se justifiait pas. Et puisque les scénaristes français étaient des incapables, on allait tourner des scénarios étrangers achetés aux Etats-Unis ou en Italie, décida Candilis. Tristesse d’une chaîne où le copier-coller a représenté l’alpha et l’oméga de la création pendant 15 ans.

« Flics » a été l’un des projets que Candilis a accepté de lancer peu avant son départ. Puisqu’il fallait faire quelque chose. Ca c’est mal passé. Takis Candilis, définitivement, n’était pas l’homme de la situation. N’était pas un homme de création.

Heureusement, Candilis est parti. Une nouvelle génération est arrivée à Tf1. Peut-être parce qu’il a enfin réalisé ce qu’il ne savait pas faire, peut-être parce qu’il se savait déjà sur le départ et voulait pouvoir s’attribuer la paternité de sa succession, Takis Candilis a été chercher André Béraud. Un homme de création dirige aujourd’hui la fiction de Tf1. Ca ne s’était pas vu depuis Claude de Givray. Rien que cela, c’est une révolution.


Lire le dossier « Flics », une révolution pour TF1 ? par Dominique Montay.