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21 Drum Street - Retour sur le pilote d’Ally McBeal

N°65: Ally McBeal, 20 Ans Après

Par Conundrum, le 17 septembre 2017
Publié le
17 septembre 2017
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Bien avant sa fille, bien avant Robert Downey Jr, bien avant Lucy Liu, bien avant même les chorégraphies aux toilettes mixtes sur des chansons de Barry White, Ally McBeal était une série remarquable.

Comme Friends ou The X-Files, dans une univers sériel loin de sa saturation actuelle, son succès commercial et critique ont fait qu’on a beaucoup parlé de la série et beaucoup trop pour de mauvaises raisons. Dès ses débuts, parce que la plastique de son interprète dérange, à la gestion des problèmes d’addiction de Robert Downey Jr, les seuls moments d’accalmie ont été l’indifférence générale dans laquelle la série a fait ses adieux. Vingt ans après, toute cette fausse actualité est loin derrière nous, la série peut être redécouverte dans le calme et une nostalgie affectueuse.

En 1999, alors que The Practice peine à trouver son public sur ABC, la Fox propose la nouvelle série de David E. Kelley. Dans Ally McBeal, le personnage central se retrouve en moins d’un quart d’heure victime d’harcèlement sexuel, doit quitter son emploi et est immédiatement engagé par un ancien camarade de classe qu’elle croise dans la rue. Arrivée sur les lieux de son nouvel emploi, elle découvre qu’elle devra non seulement travailler avec son ancien amour de jeunesse, mais que ce dernier est marié à une sublime avocate. Le tout est narré par Ally McBeal et la série nous montre des scènes issues de sa fertile imagination.

Pour une série avec un imaginaire visuel si fort, la série commence calmement avec un excellent pilote. Ecrit par David E. Kelley, il donne un grand nombre d’information, il se passe énormément de choses, on nous présente une large galerie de personnage en moins de 45 minutes. Pourtant, le tout est organique, bien rythmé sans jamais être précipité. Le pilote est aussi une excellente utilisation d’un narrateur. En règle générale, le procédé est une béquille qui permet d’expliquer ce que l’auteur veut dire au lieu de trouver un moyen de le montrer visuellement. Avoir une narration par Ally en plus des effets visuels aurait pu étouffer le récit, mais ici elle a pour mérite d’engendrer rapidement de la sympathie pour un personnage un peu difficile à appréhender. Elle est utilisée et manipulée régulièrement dans ce pilote, pourtant elle n’apparait jamais comme une victime qui inspire la pitié. Elle fait montre d’égocentrisme et est désagréable avec une assistante qui ne lui a rien fait de mal, mais elle ne se met pas à dos ses collègues (et la·le spectatrice/teur). Au contraire, tous les défauts du personnage dans ce pilote révèle une honnêteté limite naïve voir même assez enfantine.

Ally est centrée sur elle même dans ce pilote, mais elle n’apparait jamais comme égoïste. Et quand l’écriture de Kelley lui fait défaut, c’est la talent de son interprète qui prend le relai. Calista Flockhart dose savamment force, vulnérabilité, tristesse et égocentrisme dans son jeu. Elle est dans la retenue quand tout autour d’elle pousse au surjeu et lorsque son personnage subit un coup dur, elle montre assez de ténacité pour qu’elle ne s’apitoie pas sur sort et que la·le spectatrice/teur reste de son côté. Dans un rôle bien moins important, celui de la femme de son ex, Courtney Thorne Smith montre des qualités similaires [1] Les scènes avec les deux femmes qui auraient pu aboutir à des effusions extravagantes sont d’une classe et d’une retenue remarquables.

Si la série va se noyer dans ses gags récurrents et la recherche de l’effet visuel qui fera le plus parler de lui, il y a une raison pour laquelle Ally McBeal n’était pas une comédie mais une vraie série dramatique.
A l’origine, il s’agit d’une femme qui n’a pas choisi ses études ou sa carrière, elle a juste suivi l’homme qu’elle aimait. A un moment, elle a décidé d’arrêter de le suivre. Et comme cette relation n’allait que dans un sens, il est parti. Réduire (ou accuser) Ally McBeal à une femme qui a besoin d’un homme pour être heureuse, c’est passer à côté de la série. La tristesse inhérente du personnage est liée à l’abandon et non à sa solitude. L’egocentrisme d’Ally n’est pas de l’égoïsme, c’est une manière d’affirmer son existence, sa place quand on (Billy) lui a trop souvent nié ce droit.

Ally McBeal n’est donc pas une comédie romantique, c’est une série dramatique qui contrebalance la tristesse de son thème par de l’excentricité.
Il est facile de se noyer dans tous ses artifices, et lorsque cela arrive, la sublime bande son de Vonda Shepard nous rappellera à la réalité. Revoir ce pilote vingt ans après sa diffusion originale est une belle expérience. On se surprend à redécouvrir des éléments oubliés (sérieusement, Courtney Thorne Smith était vraiment douée) tout en prononçant des lignes de dialogue avant que les personnages n’aient le temps de les dire. Mais le plus étonnant est toute cette richesse encapsulée dans un personnage incarnée par une talentueuse actrice dans un pilote parfaitement maîtrisé. Depuis David E. Kelley a su nous décevoir et nous surprendre, souvent en même temps, mais Ally McBeal, symbole fort d’une époque particulière, a un pilote qui, thématiquement, n’a pas pris une ride.

En continuant mon intégrale, je sais que demain il y a le Biscuit, le bébé dansant, et une flopée de Fishismes, mais pour le moment, ce pilote est aussi un unitaire très bien maitrisé, très efficace, et bien plus riche qu’on ne le pense.

Conundrum
Notes

[1Elles seront tristement sous utilisées par la suite à cause de la volonté de l’auteur d’ajouter de nouveaux personnages féminins similaires à Georgia.