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Boardwalk Empire - Bilan de la deuxième saison de la belle série HBO

Bilan de la Saison 2: Beau comme un Camion

Par Jéjé, le 4 janvier 2012
Par Jéjé
Publié le
4 janvier 2012
Saison 2
Episode 12
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Je n’avais pas envie de regarder cette deuxième saison de Boardwalk Empire. Passée la déception initiale provoquée par le pilote (mais quelle série aurait pu être la hauteur des critiques hystériques de dithyrambes qui l’ont précédée ?), il me restait de la première qu’un sentiment d’ennui poli face à une histoire qui ne démarrait pas dans un univers un peu confus.

Et puis vint la fin de l’année et son heure des bilans. Et ça et là, on pouvait entendre que Boardwalk Empire s’était trouvée, que la nouvelle saison était une réussite, et que, franchement, c’était d’un autre niveau que Vampires Diaries.

J’ai toujours du mal à trouver crédible la parole de quelqu’un pour qui la verveine n’est qu’une boisson de vieux, mais malgré tout, ma curiosité était éveillée. D’autant que j’ai toujours eu un petit faible pour les feuilletons historiques [1], et que je m’en serais quand même voulu d’être passé à côté d’une grande fresque en costumes.

Bon, au final, y’aurait pas eu de quoi, mais je suis quand même bien content d’avoir vu une reconstitution aussi exceptionnelle.

Beau comme un camion

Très souvent, mon esprit n’écoutait plus ce qui se disait et je m’abandonnai à la contemplation des images. C’est dans l’épisode 8 au cours d’une succession de scènes intimistes visuellement splendides que je me suis rendu compte de la nature visuelle du plaisir que je prenais devant la série :
— lors du premier interrogatoire de Nucky chez lui par la femme procureur, j’ai été fasciné par la préciosité du mobilier, des moulures du plafond (c’est une série où l’on voir les plafonds des intérieurs !), des porcelaines, du bouquet de fleurs dans le vase épais de cristal, de la coupe impeccable du tailleur jupe longue de Julianne Nicholson, une finesse de détails incluse dans une harmonie générale de couleurs délicatement brisée par une touche de rouge vif (du rouge à lèvres ou de la rose en boutonnière de Nucky)
— la rencontre à la plage de la femme de Jimmy et de l’écrivaine joue à nouveau l’intrusion de quelques tâches chaudes dans un ensemble de couleurs pastels. (Et je me demande encore combien de maillots de bain d’époque différents il a fallut confectionner pour cette seule scène d’à peine quelques minutes.)

— La composition suivante, en trois plans, du moment où Jimmy ment à Angela en lui disant qu’il l’a épousée parce qu’il l’aimait, est somptueuse : lui, au premier, net, terne, elle, dans un deuxième plan brumeux, voilé de la fumée de cigarette de son mari, et un troisième plan flou de vêtements colorés qu’ils ne mettront jamais, d’un quotidien joyeux qu’ils n’ont jamais eu.

Je sais bien que la métaphore de la jolie coquille vide arrive à grand pas dans cette review, mais je le maintiens, si j’ai regardé (c’est bien le terme, regarder) cette saison en quelques jours à peine, c’est bien grâce à la beauté permanente de l’image, à la construction élégante de ces tableaux mouvants, qui constitue à mon sens un élément non négligeable pour une fiction audioVISUELLE.

Mais voilà, je suis à peu près sûr que la reconstitution des années 60 dans Mad Men touche à la même perfection et pourtant je n’ai que très peu d’images-photos en tête de la série d’AMC. Et pas seulement parce que ça fait un an et demi qu’on n’a pas eu de nouveaux épisodes.
L’empreinte de Mad Men, ce sont ses personnages.
Et de ce côté-là, Boardwalk Empire n’a toujours pas résolu ses problèmes.

Les Tiny Toons chez les Gangsters

Une bonne nouvelle : il y a beaucoup moins de gangsters que l’année dernière.
Ou en tout cas, ils ont un temps d’antenne moins grand.

Boardwalk Empire - The Animated Series

Et pour aider le spectateur a s’y retrouver, chacun à sa petite caractéristique bien particulière : y’a celui qui parle de lui à la troisième personne, y’a celui qui a un mini syndrome de Tourrette, y’a celui qui tient une boucherie, y’a le très grand échalas tout maigre de l’IRA…
Mais plutôt que d’avoir l’impression d’avoir affaire à des "gueules" de truands, on se sent surtout dans une atmosphère très cartoonesque qui amenuise grandement les tensions et les enjeux dramatiques des guerres de clans.

Qui de toute façon restent très répétitives.

C’est le jeu des histoires de gangsters : il n’y a qu’un nombre limité de façons de co-exister avec les autres pions : alliance, concurrence, élimination, dans un seul but : faire le maximum d’argent. C’est ainsi que toutes les histoires de trafic d’alcool se révèlent monotones et fastidieuses.
Une critique que pointe elle-même la série lorsque Nucky va faire un petit tour en Irlande où un gars de l’IRA pointe la vacuité de ces croisades pour l’argent en comparaison de l’enracinement identitaire et social de leur guerre.

C’est dommage, c’est pas ça que HBO a choisit de raconter ! [2]
A ce titre, le meurtre que commet Owen dans les toilettes témoigne de son fanatisme politique, dévoilant ainsi une facette nouvelle du personnage, ce qui revêt un rôle narratif et émotionnel bien plus fort que n’importe quelle exécution de gangsters, peu importe le niveau de gore dont elle fait preuve (les gorges que tranchent Jimmy lors d’une embuscade en début de saison, par exemple…)

Des personnages mal gérés...

On pourrait peut-être être indulgent avec cette partie de l’univers si les (trop) nombreux personnages principaux possédaient une véritable consistance. Mais victimes d’une gestion maladroite de leur exposition et d’une caractérisation à très gros traits, ils peinent à maintenir l’intérêt du spectateur.

— Alors que la saison vient à peine de démarrer, le deuxième épisode se concentre sur seulement trois d’entre eux, Margaret, Chalkie et Jimmy, dans des intrigues qui s’étirent (Chalkie en prison qui se fait maltraiter pendant dix bonnes minutes réparties sur plusieurs séquences avant que le dit "bourreau" ne fasse exploser gentiment la tronche par tous les autres prisonniers), loin d’être essentielles et qui insistent sur des traits de caractères que l’on connaît déjà : Margaret à de la ressource, Chalkie a un fort réseau et Jimmy est futé et dangereux… Tout ça en 59 minutes !

— Le "couple" Van Alden-Lucy truste une grande partie de la première moitié de la saison avec les mêmes scènes qui reviennent en boucle dans lesquelles elle est malheureuse et il est intraitable. Et rien d’autre.
Les personnages demeurent aussi caricaturaux qu’en première saison.
De plus, toute cette intrigue de grossesse hors mariage, dans une série exclusivement guidée par l’entremêlement des fils d’un récit général, n’a aucune utilité narrative et n’est même pas un moyen de ménager la sortie de Van Alden de la série, qui suit la révélation de ses agissements criminels en saison 1.
Je me demande à quel point la présence de Paz La Huerta à l’écran était une façon pour les scénaristes de maintenir un service minimum en matière de personnages féminins "principaux".

Sex & The Atlantic City
Voilà une série qui serait dans notre TOP 10 sans problème

— Certains autres personnages sont complètement délaissés : la vie conjugale de Jimmy n’apparaît qu’en arrière plan pendant les deux tiers de la saison et lorsque Angela apparaît un peu plus à l’écran, c’est pour servir de révélateur aux sentiments de l’homme à la tête cassée ou bien pour être un contrepoint à la relation "toxique" de Jimmy avec sa mère….
Sa mort brutale arrive trop tard (son personnage n’a plus d’épaisseur depuis la fin de la saison 1) ou trop tôt (sa nouvelle relation avec l’écrivaine n’existe que depuis deux épisodes) pour provoquer une quelconque émotion chez le spectateur.
Finalement, cet événement apparaît seulement comme une étape scénaristique du destin de Jimmy.

...asphyxiés par une intrigue ridige

Et à mon sens, c’est tout le problème de Boardwalk Empire : la série étouffe ses personnages en adaptant leurs comportement aux stricts besoins des intrigues générales de la saison.
Au moment où Margaret cherche à se rapprocher de sa famille et à renouer avec ses origines irlandaises, se rajoute dans l’entourage de son foyer un Irlandais über sexy, qui se met immédiatement à la courtiser.
Elle couche avec lui à l’exact moment où a lieu la tentative d’assassinat de Nucky dans une scène froide, sans passion, sans que n’apparaisse une véritable urgence sensuelle [3]. Mais il était important que dans l’histoire, ça arrive à ce stade précis pour qu’elle puisse développer un fort sentiment de culpabilité (et pour être bien sûr que ça passe, le scénario donne dans la foulée la polio à sa fille) et indiquer qu’elle pouvait trahir Nucky à tout moment.

Je suis le premier à demander un développement cohérent des intrigues et suis obligé de reconnaître une véritable rigueur dans la construction de la saison. Je salue l’honnêteté du season finale qui va jusqu’au bout des plans initiés et qui élimine l’un des deux personnages emblématiques de la série.
Mais je n’ai rien ressenti de viscéral à la mort de Jimmy.
Oui, non seulement, je veux de bonnes intrigues, mais en plus, je veux des personnages actifs, animés, vibrants ! Il faudrait Winter à la construction des intrigues et Kurt Sutter à la définition des personnages : je suis sûr que Boardwalk of Anarchy serait une série exceptionnelle.

Les fans de Dumas me comprendront, Boardwalk Empire, c’est un peu comme si les Trois Mousquetaires n’avaient été écrits que par Maquet. Y’a tout, une période historique formidablement documentée, des intrigues maîtrisées, du style, mais il manque le panache, le souffle épique, les personnages de chair, les dialogues juteux, il manque Dumas !

Boardwalk Empire, loin d’être inintéressante, n’est pas toujours pas à mon avis une série importante. La mort de Jimmy avec l’évacuation probable des personnages de son entourage (sa mère, le soldat à la tête cassée…) permettra peut-être de faire vivre de nouveaux personnages la saison prochaine…

Jéjé
Notes

[1Je fais une pause dans le cycle des Valois avec le Comte de Monte-Cristo, qui est légèrement supérieur à Revenge, je dois le dire...

[2Il ne faut pas oublier que Boardwalk Empire est une commande, pas le projet mûri d’un auteur qu’il aurait proposé à un network… Mais bon, Casablanca et Autant en Emporte le Vent, ce sont aussi des commandes de studio !

[3Tout le contraire des scènes de sexe de Boss, souvent critiquées parce que se déroulant à des moments incongrus, mais qui, selon moi, illustrent le caractère pulsionnel du désir sexuel de ces actes et rendent un peu plus "vivants" les personnages