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Broadchurch - Avis sur le dernier épisode de la deuxième saison en attendant la suite

Fin de Saison: Bon, on peut laisser ce pauvre Danny tranquille maintenant ?

Par Conundrum, le 4 mars 2015
Publié le
4 mars 2015
Saison 2
Episode 8
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Si les deux fins de saisons sont très différentes, j’ai eu le même ressenti après les deux season finales de Broadchuch : j’espère qu’il n’y aura pas de suite !

ITV a beau avoir annoncé une saison trois, et Chris Chibnal a beau expliquer qu’il voyait Broadchurch comme une trilogie, j’espérais vraiment que c’était la dernière fois qu’on allait revenir dans la petite ville côtière anglaise.

L’année dernière, c’était parce que la révélation de l’identité du tueur était si puissante et déchirante queje ne voyais pas comment une seconde saison pourrait atteindre l’intensité dramatique de la première. Elle n’allait que souffrir de la comparaison. Et surtout, je ne voyais pas ce qu’il restait à ajouter. Mais l’ouverture de la saison deux m’a donné espoiravec une excellente idée. Le procès de Joe, un ’Murder One à l’anglaise’, ou comme Jéjé aime à l’appeler, un ’Law and Order à la plage’, est une bonne trouvaille. Mais surtout, pour une série sur le deuil, obtenir justice pour le crime commis est un excellent angle d’attaque.

Si on juge ce finale uniquement sur l’affaire du procès de Joe, je dois avouer que ce finale m’a agréablement surpris. L’idée de se faire justice soi-même sans passer la vengeance quand un procès s’achève sur une injustice était une conclusion parfaite. Le problème est qu’entre ce très bon épisode de reprise et la puissante scène où Beth confronte Joe, on a eu six épisodes bien inégaux. Cette saison deux était un beau boxon, parsemée de beaux moments certes, mais un gros boxon quand même ! Il y a eu d’excellentes idées, Charlotte Rampling et surtout Marianne Jean-Baptiste ont été d’excellentes additions à la distribution. La plupart des scènes avec Marianne Jean-Baptiste, la vraie révélation de cette saison, étaient brillantes, la voir rejouer les événements pour former une autre trame narrative était un passage obligé très bien géré pour arriver à la libération de Joe. Le problème est que cela ne suffit pas à nous tenir en haleine sur huit épisodes. En s’arrêtant sur un suspect par épisode, la saison une de Broadchurch nous faisait découvrir les habitants de la ville et des proches des Latimer avec leurs propres histoires tragiques. Il n’y a pas assez d’éléments ici qui ouvre l’histoire principale. Si l’enquête invite l’exploration, le procès impose une restriction aux faits et au meurtre de Danny. Ce procès, en soi, n’avance à rien d’un point de vue narratif. Il n’y a pas d’éléments de surprise à avoir lors du procès car on connait le déroulement du crime. Il ne s’agit pas de savoir qui a tué Danny ou comment les faits se dérouler, mais de savoir si justice sera faite. Du coup, une fois la surprise de voir Joe plaider non coupable, de voir Bishop retravailler les faits, le seul intérêt est la résolution du procès. La bonne idée du premier épisode de la saison montre rapidement qu’elle ne tient pas la route en tant que fil narratif principal de la saison.

Pour construire sur la saison une, on s’intéresse à la vie privée des avocates mais là aussi, ces intrigues apportent leurs lots de problèmes. Jocelyn Knight souffre du syndrome Olivia Pope, on nous dit qu’elle est formidable, sans trop nous le montrer, démonter le témoignage d’un adolescent sans être antipathique ne justifie pas une telle réputation. Chibnall semble plus intéressé à nous expliquer ses problèmes personnels (sa mère, sa vision, son amour) qu’à dépeindre une avocate hors pair. Et c’est un problème quand on la confronte à quelqu’un comme Sharon Bishop. Pour justifier son épilogue qui voit la libération de Joe, elle est impeccable au procès, mais sans démonstration des capacités de son adversaire, on anticipe progressivement le verdict. Chibnall l’utilise les mêmes éléments pour dépeindre Sharon que celui d’Alec l’année dernière. Sa motivation vient d’un échec personnel, une affaire qui reste non résolue en fin de saison. Le Sandbrook de la saison une devient un fils en prison en saison deux. On voit bien que via le procès Chibnall cherche à agrandir son terrain de jeu à Broadchurch avec des nouveaux personnages et de nouvelles intrigues, mais c’est bien moins efficace que l’année dernière car cette intrigue, tout comme Sandbrook, nous éloigne de Broadchurch et de ses résidents.

Broadchurch, comme un grand nombre de séries qui ont une mort comme point d’entrée, utilisait le meurtre de Danny pour nous faire découvrir un univers. On découvre les habitants, on s’attache à eux. Le procès continue difficilement cette exploration avec le casting existant. Voir Beth et Ellie se réconcilier est touchant, voir que la vie continue malgré la tragédie est une vérité à montrer, voir l’impact du procès sur la vie de famille des Latimer et des Miller est intéressant, mais il n’empêche que cette saison manquait en intensité dramatique. Pour combler cela, on nous propose de revenir sur le cas de Sandbrook qui hante Hardy depuis des années. Mais contrairement au meurtre de Danny, il s’agit d’un simple whodunnit, d’un mystère à résoudre sans vraie dimension humaine. Le mystère des premiers épisodes intrigue de moins en moins tant les personnages de cette intrigue se révèlent être détestables. Il est très difficile de sympathiser avec Myles ou D’Arcy, la révélation du déroulement du double meurtre arrive alors comme une délivrance : avec un peu de chance, on aura plus à entendre parler de Sandbrook !

Cette saison deux de Broadchurch n’était pas mauvaise, elle était juste mal calibrée. Le procès était important, voir Ellie aider Alec à résoudre le mystère de Sandbrook était important. Mais comme je le craignais, la comparaison avec la saison une était obligée. J’étais moins impliqué que l’année dernière. A l’annonce du verdict du procès, j’ai eu très peur que quelqu’un tue Joe et que ce mystère soit la base d’une saison trois. Je n’ai aucune idée de ce que pourrait être cette troisième partie de la trilogie mais je suis heureux de voir que Chibnall n’a pas cédé à la facilité. Les deuxièmes parties de trilogie servent souvent de trait d’union et s’achèvent en règle générale sur un cliffhanger. Chibnall n’a pas oublié de faire avancer l’histoire mais surtout de conclure son chapitre avant de passer à autre chose. Voir Beth et les habitants de la ville rendre leur propre justice de manière noble et finir sur un beau moment à la plage entre les Miller et Latimer étaient une belle conclusion.

J’aurais juste aimé qu’elle fut celle d’un téléfilm de deux heures et pas une interminable saison deux de huit épisodes !

Conundrum