Critique des meilleures nouvelles séries télé (et des autres)
Regarde critique sur les séries TV actuelles

Crazy Ex-Girlfriend - Le changement, c’est maint… HEIN ?

Nathaniel and I are just Friends !: Ch-ch-changes (s-s-sort of)

Par Nico, le 4 février 2018
Par Nico
Publié le
4 février 2018
Saison 3
Episode 11
Facebook Twitter
Embarquée dans une nouvelle ère sans avoir une ligne directrice toujours très claire, la série de Rachel Bloom et Aline Brosh McKenna utilise cette semaine un procédé narratif audacieux mais à double tranchant, le saut dans le temps. Résultat : elle déplace des questions, mais n’y répond pas vraiment.

Depuis quelques semaines, les personnes avec qui je discute souvent de Crazy Ex-Girlfriend (et dont l’avis nourrit toujours le mien) s’interrogent. La fin de saison va-t-elle ressembler à la trajectoire d’une voiture de course qui, après avoir poussé son moteur dans les tours, tente d’atteindre péniblement la ligne d’arrivée alors que la machine semble cassée ?

La question est plus que légitime. Depuis Josh Is Irrelevant, Rebecca cherche sa route sans trop savoir où elle va. Ce qui ne sera pas un problème si, en fait, ce n’était pas tout Crazy Ex-Girlfriend qui avance à vue.

Désormais consciente qu’elle est atteinte de trouble de la personnalité borderline, l’héroïne, qui est le cœur de l’action dans la série, tente de donner un sens à sa vie sans laisser ses émotions l’embarquer dans ses précédents excès. Pile au moment où elle croise l’homme le plus stable.

Des péripéties mais une impression de surplace

Elle tente donc de se rapprocher de ses amies, en soutenant Paula dans un voyage auprès des siens, puis en apportant son aide à Valencia (dans son job de wedding planneress) et enfin à Darryl (en faisant un don d’ovocytes), tandis que son cœur bat à tout rompre pour Nathaniel.

A chaque fois, ces péripéties sont de courte durée. A chaque fois, ses actions n’ont pas de véritables conséquences sur elle ou sur les liens qu’elle entretient avec son entourage.

La boîte de Valencia aurait pu avoir des ennuis à cause des principes de Rebecca, il n’en est rien. Le don auquel elle consent pour Darryl est profondément généreux mais on ignore un peu comment elle a vécu cette expérience (est-ce pour elle un don purement « scientifique » ? Un don qui questionne son rapport à la maternité, alors que sa mère et elle ont une relation complexe ? ).

Mais comment va Rebecca ?

En soi, ça pourrait ne pas être un problème. Mais ça le devient lorsque l’on ignore où va le personnage central. Où il va et ce qu’il ressent.

Et là, on touche le vrai problème de cette seconde partie de saison. Rebecca fait beaucoup, elle part dans tous les sens mais il est souvent difficile de se connecter à ses émotions.

La placer au second plan serait un choix difficile, tant elle impulse l’action depuis presque trois saisons. Mais raconter « l’après » pour des gens comme Josh, White Josh, Paula ou Darryl serait une option. Sauf que ce n’est pas franchement le choix des scénaristes, qui cantonnent souvent leurs personnages à des intrigues ludiques mais dispensables.

D’un bond dans le temps à l’autre

Survient alors LE choix de Nathaniel and I are just friends. Un saut dans le temps de huit mois au moment où Rebecca et Nathaniel poursuivent une relation clandestine, où Donna retrouve Sunil, son ex-camarade de promo alors qu’elle suivait des études de droit en saison 2, où la grossesse de Heather débute, où White Josh met les voiles et où Valencia fait forte impression sur une nouvelle cliente.

En l’écrivant, je me rends compte que cela fait vraiment beaucoup de choses.
Et que Josh, eh bien… il est en train de « Josher ».
OK.

Pour le coup, ce bond dans le temps est un peu l’antithèse de celui qui a marqué la saison 3 de Jane The Virgin, puisqu’ici il intervient dans un contexte relativement apaisé.

Dans la série développée par Jenny Snyder-Urman, il met entre parenthèses les multiples épisodes du deuil que traversent Jane, sans jamais les minorer mais pour souligner tout ce que l’héroïne est et tout ce qu’elle n’est plus vraiment. Et surtout, ce bond laisse une vraie place à l’imagination du téléspectateur. Ce dernier se retrouve contraint, bon gré mal gré, à reconstituer le parcours du personnage.

Personnellement, je pense que c’est le meilleur usage à faire d’un saut dans le temps. Cela ne résout pas toujours toutes les questions inhérentes à un changement d’équilibre dans la narration… mais en même temps, ce n’est pas le but de ce procédé.

Une accélération source de frustrations

Dans Crazy Ex-Girlfriend, le résultat est assez contrasté. Il y a quelque chose de frustrant de ne pas avoir « profité » de la grossesse de Heather, surtout lorsque l’on pense à son parcours. La nouvelle vie sentimentale de Valencia surprend. Le parcours de Paula rappelle au téléspectateur qui était le personnage au tout début de la série, lorsque le public fait sa rencontre. Cela renvoie un de ses traits de caractère sans pour autant que le personnage ne change vraiment.

Or, on aurait pu les voir. On aurait dû les voir... pour évoluer avec elles.

C’est finalement Rebecca qui profite le plus de cette accélération, en faisant grâce au téléspectateur des différents atermoiements de son histoire cachée avec Nathaniel pour mieux la mettre face à ses sentiments.

Cela donne notamment une jolie scène de rupture au bureau, qui répète un peu ce qui a été dit deux épisodes plus tôt, certes. Mais tout cela est fait avec davantage d’émotion et sous une jolie forme.

Des questions de fond en suspens

Ce bond dans le temps renvoie surtout Rebecca à une nouvelle étape dans sa thérapie. Depuis I Never Want to See Josh Again, l’héroïne a fait du chemin. Elle a même beaucoup avancé (même s’il est frustrant de ne pas toujours avoir vu ça)… et elle peut se confronter différemment à sa vie sentimentale.

L’épisode se termine sur une superbe reprise de Face Your Fears, dans laquelle une Rebecca bouleversante verbalise ce que c’est que prendre un risque, s’exposer intimement… avant de prendre la fuite, consciente que le risque de chuter est trop grand, trop angoissant, pour franchir le pas.

Pour le coup, ça y est : le public sait vraiment ce que son héroïne ressent. Il se reconnecte complètement avec elle. Est-ce que cela va durer ? Rien n’est moins sûr car on ignore encore et toujours ce qu’elle va faire ensuite. Ni ce à quoi ressemble le chemin qui lui reste à parcourir.

Paradoxe : cela n’empêche pas de toujours y croire. Même si la capacité de la série à garder le cap demeure toujours incertaine...

Nico
P.S. La semaine prochaine, Drum chroniquera l’avant-dernier épisode cette troisième saison. Son titre : Trent ?! Tremblez, téléspectatrices et téléspectateurs…