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Girls - Retour sur un début de deuxième saison prometteur

Girls (I Get Ideas) : Retour sur le début de la saison 2

Par Tigrou, le 22 janvier 2013
Par Tigrou
Publié le
22 janvier 2013
Saison 2
Episode 2
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C’est LA série phénomène du moment, celle dont tout les gens « branchés » parlent des deux côtés de l’Atlantique : Girls, l’anti-Sex & the City créé par Lena Duham.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette série déclenche les passions : elle a été portées aux nues par certains (notamment par les Inrocks, qui en ont fait l’une de leur dix meilleures séries de 2012… aux côtés de Homeland, The Walkind Dead et The Newsroom… ça sent les vrais sériephiles) , descendus par d’autres avec plus ou moins de bonnes fois.

Surtout, comme toute série un tant soit peu intéressante, Girls a divisé la rédaction de pErDUSA.

Double standards

Qu’on aime ou qu’on déteste Lena Dunham et son style, il faut reconnaître que l’hostilité que certains ont réservée à Girls en dit long sur les doubles standards appliqués aux hommes et aux femmes dans la fiction.

Alors que des séries comme Breaking Bad (un homme blanc de 50 ans vend du meth et tue des enfants pour se faire du fric) ou Mad Men (un homme blanc de 40 ans en retard sur son temps maltraite ses conquêtes féminines et ses enfants) sont considérée comme des chefs-d’œuvre presque incontestés (et leurs héros comme des modèles de personnages profonds et intéressants), les anti-héroïnes de Girls (elles sont un poil narcissiques et pas toujours sympas entre elles) ont déclenché une levée de bouclier sans précédent sur Internet (c’est bien connu, les femmes ne peuvent pas être des personnages aussi intéressants que les hommes, alors il faut qu’elle soient sympathiques pour compenser).

Alors que tout le monde semble s’accorder à dire que Louie (un homme blanc de 50 ans se filme en train de faire des trucs qui changent d’un épisode à l’autre) est un chef-d’œuvre, Lena Dunham a été taxée de narcissisme parce qu’elle apparaissait trop dans sa série.

Je ne critique pas les séries nommées ci-dessus. Je ne les compare pas à Girls. Mais notons quand même que les attentes ne semblent pas avoir été les mêmes.

Un début de saison 2 prometteur…

Alors, au final, Girls est-elle un chef-d’œuvre ou une série très surestimée ? La réponse, bien sûr, c’est qu’il est bien trop tôt pour le dire.

Je ne sais pas pour vous, mais j’en ai plus qu’assez de cette tendance actuelle qui consiste à porter aux nues des séries dès leur première saison. Comme si une série ne s’inscrivait pas dans la durée. Comme si une bonne saison (ou parfois comme dans The Walking Dead, un bon pilote) suffisait à garantir la qualité future des épisodes. Comme de nombreuses séries ne révélaient pas leur véritable potentiel qu’après quelques épisodes (voir quelques saisons) pour poser les bases et s’attacher aux personnages.
Je ne demande pas, bien sûr, qu’on attende d’avoir vu l’intégralité d’une série pour juger ou critiquer… Mais j’ai l’impression, alors que les séries deviennent toujours plus grand public, que de plus en plus de journalistes « série » ignorent la spécificité de ce média, en ne jugeant que la première partie d’une œuvre qui se construira sur plusieurs années.

Pour en revenir à Girls : après une première saison que j’avais trouvée enthousiasmante, j’avais hâte de découvrir la saison 2 pour pouvoir juger un peu mieux la pérennité du concept.

De mon côté, j’aime beaucoup ce début de saison, avec quelques réserves.

Premier constant : la patte de Lena Dunham est toujours là. Le ton de la série, sa réalisation, le choix de la BO... Les dialogues, surtout, à la fois naturels et suffisamment « écrits » pour être drôles et incisifs… J’ai retrouvé tout ce qui m’avait plu (et qui en avait horripilé d’autres) en Saison 1 dans ces premiers épisodes.

Une série non calibrée

J’aime aussi beaucoup le rythme inhabituel de la série, la façon qu’à Lena Dunham de ne pas se préoccuper d’équilibrer le temps passé sur chaque personnage dans un épisode, d’oser prolonger ses scènes à sa guise (beaucoup sont inhabituellement longues, Lena Dunham préférant laisser la gène s’installer plutôt que de finir sur une punchline facile), d’assumer de passer ses intrigues les moins fortes en à l’arrière plan pour se concentrer sur celles qui l’intéressent vraiment.

Ainsi, dans le premier épisode de la saison 2, Jessa, l’une des quatre « Girls », n’apparait que quelques secondes à la toute fin. Dans celui de cette semaine, Jessa et Shoshanna, dont les intrigues sont les moins développées, sont clairement au second plan derrière Marnie et Hannah.

Certains y verront du narcissisme (Hannah étant le personnage de Lena Dunham). De mon côté, je trouve que cela donne un côté non formaté rafraîchissant à la série, qui contribue à l’éloigner encore plus de son « anti-modèle » Sex & the City (encore une comparaison révélatrice d’ailleurs : soyons honnête, si l’on oublie une seconde le sexe et le nombre des personnages, les deux séries n’ont pas grand-chose à voir dans leur ton ou leurs intrigues. Est-ce qu’on considère que Hung et Californication sont apparentée parce qu’elles mettent toutes les deux en scène la vie sexuelle d’un homme blanc de 40 ans sur une chaîne du câble ?)

Mes seuls doutes, pour l’instant, concernent d’ailleurs les deux intrigues des personnages secondaires. Celle de Shoshanna et de son nouvel amoureux est l’histoire plus classique, la plus déjà vue de la série. Les acteurs et les dialogues l’aident à exister, mais, pour l’instant, elle ne transpire pas l’originalité.

Quant à celle de Jessa, qui s’est mariée sur un coup de tête avec un homme d’affaire plus âgé. Si je l’avais trouvée amusante dans le final, mais elle me semble un peu trop décalée par rapport à l’univers « réaliste » de la série. J’attends de voir…

J’espère me tromper, mais j’ai l’impression que, si Lena Dunham a une idée assez précise de ce qu’elle veut raconter avec ses deux héroïnes, Jessa et Shoshanna sont personnages un peu plus artificiels, qu’elle n’a pas voulu (ou pas pu) approfondir, et dont elle ne sait déjà plus vraiment quoi faire (elles gravitaient déjà un peu en marge des autres dans la première saison sans réussir à s’imposer complètement, à tel point que je me suis demandé plusieurs fois si on avait pas imposé à Lena Dunham de rajouter deux filles supplémentaires pour raconter son histoire, qui aurait pu reposer sur le duo qu’elle forme avec Marnie).

Un peu d’auto-dérision…

Autre bonne surprise de ce début de saison : Lena Dunham nous confirme qu’elle sait se moquer d’elle-même, et intégrer les critiques qu’on a pu faire à sa série avec humour.

Son échange long et embarrassant avec Donald Glover pour lui expliquer NON, qu’elle n’avait JAMAIS pensé au fait qu’il était NOIR en sortant avec lui m’a énormément fait rire.

Sa façon d’utiliser le droit de minorités pour se donner des airs de chevalier blanc auprès de ses amis m’amuse aussi beaucoup. Si je ris avec elle, c’est sans doute parce que je me reconnais plus que je ne voudrais l’admettre dans les travers de son personnage.

… et du sexe

Enfin, comme Jéjé et Tête de série l’ont dit sur le forum, les scènes de sexe continuent à être ce qu’il y a de meilleur dans Girls.

A la fois drôle et touchante, jamais érotisée, mais filmée avec suffisament de tendresse et de proximité pour ne pas être glauques, elles font partie intégrante de l’univers de la série, et permettent de développer avec humour les personnages. Celle du premier épisode, entre Marnie et Elijah, le coloc gay d’Hannah sauvé des griffes de Ryan Murphy, ne fait pas exception à la règle.

Le non verdict

Girls n’est pas (encore) un chef-d’œuvre.

C’est une série spontanée, attachante, originale et accrocheuse… Mais elle ne pourra révéler sa véritable profondeur sur le long-terme, et je ne suis pas encore persuadé qu’elle est complètement maîtrisée par sa créatrice.
Ce qui est incontestable, c’est que, sur le fond comme sur la forme, c’est l’une des séries les plus novatrices et intéressantes de ces dernières années.

Tigrou