Mais le 22 mai, il n’y a pas eu que des naissances. Il y a aussi eu des morts. Il y a eu celle de Victor Hugo, et celle, bien plus grave et dramatique d’EDUSA. C’est aussi à cette date qu’est mort mon personnage féminin préféré de Law and Order, Claire Kincaid. [1]
Et si son dernier épisode est marquant, ce n’est pas par son cliffhanger mortel mais par la structure et surtout le thème abordé dans l’épisode.
Le 22 mai 1996 a été diffusé Aftershock, un épisode très spécial de Law and Order. Il commence par l’exécution d’un meurtrier dans un New York qui vient de remettre en place la peine capitale. Abolie en 1972, elle est à nouveau ré-instruite lors de l’arrivée au pouvoir de George Pataki, gouverneur républicain, en 1995. Comme sa petite sœur, Law and Order : Special Victims Unit, Law and Order est un reflet pertinent de son époque. Cet épisode confronte les quatre protagonistes principaux de la série, les détectives Curtis et Briscoe et les assistants du procureur McCoy et Kincaid, face à l’exécution d’un criminel qu’ils ont arrêté, incarcéré et du coup, condamné à mort.
L’épisode est particulièrement marquant car il chamboule les règles rigides de la série. L’affaire de la semaine n’est qu’un prétexte pour aborder et lancer la discussion autour du rétablissement de la peine de mort. Mais surtout, il n’est pas scindé en deux parties bien distinctes, l’enquête et le procès, mais suit les quatre personnages dans leur vie personnelle. Sacrilège pour la série qui n’aborde que très rarement ce sujet !
Chacun cherche du sens, à sa manière, dans un acte auquel ils ne semblent pas adhérer. Alors que la série n’adressait qu’à petites touches la vie personnelle de nos héros, c’est par ce prisme que l’histoire nous est contée. L’épisode n’en est que bien plus pertinent.
Briscoe et Curtis, les détectives, les hommes de terrain, agissent. Kincaid et McCoy, les avocats, la femme et l’homme de raison, parlent. Considérés comme héros par leurs pairs et le public qu’ils rencontrent, ils peinent à accepter ce qui vient de se dérouler. En découlent des conséquences gravissimes sur leur vies personnelles.
Dans un premier temps, l’épisode prend une tournure qui ne présage en rien du dénouement spectaculaire [2] qu’il précède. La nouvelle de l’exécution rapproche Briscoe de sa fille, pousse Curtis dans le travail, Kincaid a besoin de débattre de ce problème et Jack se fait un ami dans un bar.
La série n’oublie pas aussi la galerie de personnages moins présents mais très importants à la série. Le Dr Olivet, la psychiatre auquel les protagonistes font souvent appel, déjeune avec McCoy pour s’assurer qu’il gère bien la situation. Adam Schiff, le procureur, doit défendre l’exécution auquel il ne croit pas et Anita Van Buren explique pourquoi elle a choisi ne pas y assister.
En s’éloignant de son principe de base et en se concentrant sur les personnages, la série donne un aspect humain à un problème de société : la justification de la peine capitale. L’épisode ne cherche pas même à humaniser la victime. C’est un criminel, auteur d’un meurtre horrible, sans espoir de rédemption. Cela rend la réflexion d’autant plus forte. En fermant cette porte, et en exécutant un criminel notoire avec l’approbation d’une partie de la force policière et du public, on se concentre uniquement sur le principe de meurtre sanctionné et ordonné par l’état et rien d’autre.
Si nos quatre héros semblent être sur la même longueur d’onde (personne ne se réjouit de l’exécution), ils n’en sont pas moins acteurs malgré eux d’un meurtre. Même s’il s’agit de leur obligation professionnelle, ils se doivent de vivre avec cette idée et surtout que le rétablissement de la peine de mort change aussi leur travail. Ils risquent d’être confrontés à nouveau à cela.
Même si elle a été, de nouveau, abrogée dans l’état de New York, l’exécution de la peine capitale reste un sujet d’actualité. Vingt après, l’épisode est tout aussi pertinent mais il faut quand même parler du cliffhanger.
Law and Order n’était pas un succès dès son lancement. Commandée par la FOX, avant que les dirigeants de la chaine ne changent d’avis le lendemain, un pilote est tourné pour CBS avec une distribution légèrement différente. C’est finalement sur la grille de NBC que la série est restée pendant vingt saisons. Mais la série n’était pas un succès d’audience.
A sa troisième saison, Warren Littlefied, à la tête de la chaine, demande à Dick Wolf, le créateur-producteur exécutif de la série de féminiser sa distribution 100% masculine. Claire Kincaid et Anita VanBuren sont alors deux nouveaux personnages qui rejoignent la série en saison 4. Jill Hennessy, interprète de Kincaid, décide de ne pas renouveler son contrat à l’issue de la sixième saison, il en ressort un cliffhanger qui aurait peut-être dû être dissocié de l’épisode.
Le thème se suffisait à lui-même pour faire de Aftershock un épisode spécial et marquant de la série. Et certes, le cliffhanger découle naturellement des dénouements dramatiques des intrigues personnelles et aura des ramifications pour plusieurs personnages principaux. Malheureusement, même si Hennessy voulait quitter la série, le personnage Kincaid, qui remet en cause son travail pendant tout l’épisode aurait pu avoir une autre porte de sortie que celle-ci. Ce n’est pas tant sa mort qui me gêne mais le fait qu’elle trouve la mort dans ce même épisode.
Si vous ne l’avez pas vu, je vous le conseille chaudement, les dernières secondes sont plus une accroche pour continuer la saison prochaine qu’une conclusion thématique de l’épisode. C’est un épisode déstabilisant quand on ne connait la série que par sa rigide structure, mais qui, sans être exempt de défauts, reste particulièrement remarquable, vingt ans après.
Je ne suis pas sûr qu’on se rappellera de Blindspot de la même manière dans vingt ans. Sans dénigrer le reste de la production télévisuelle, c’est pour cela que la télé qui fait réfléchir, qui fait parler, comme SVU ou The Carmichael Show, est importante. J’aurais tellement aimé voir l’épisode en 1996 (ou lors de sa première diffusion en France), je ne l’ai vu que cette semaine.
Je suis surpris que, alors que nous sommes en plein Peak TV, avec les centaines de production à l’antenne, ces moments où un œuvre dramatique nous parle de sujets importants, qui nous concerne tous sont toujours aussi rares. J’espère juste que s’ils ont lieu en dehors des deux séries précitées, j’aurais la chance d’être devant mon écran.
Sinon, il y a Jennifer Garner dedans, pour ceux qui aiment ce genre de choses.