Critique des meilleures nouvelles séries télé (et des autres)
Regarde critique sur les séries TV actuelles

Les Moments du Mois - Quatre moments séries qui nous ont marqué pendant le mois de février

2016: Février 2016 en Quatre Moments Séries

Par la Rédaction, le 1er mars 2016
Publié le
1er mars 2016
Saison Février
Episode Février
Facebook Twitter
Les Moments du Mois, c’est le rendez-vous mensuel de pErDUSA où l’intégralité des membres de la rédaction qui désirent la ramener sur un truc qu’ils ont vu pendant les 29 jours précédents se réunissent pour parler séries.

Ce mois-ci, ils vont donc vous parler d’une série avec Regina King (pas The Leftovers !), dire du bien de The X-Files (pas du mal !), aborder une série de la CW (pas différente du mois dernier !) et d’une comédie Netflix (pas Love !).

Mais si vous avez deux minutes, en guise de rattrapage, en février on avait aussi parlé de super-héros et de cuisine, de terroristes sur la FOX, des origines comiques d’un spin-off prequel, et du fait qu’il est parfois bon de regarder ce qu’on aime plutôt qu’autre chose.

1 American Crime

Saison 2 – Episode 8

24 Février / Après le drame
Par Nico

Une expérience étourdissante. Éprouvante. Si la saison 2 de l’anthologie créée et produite par John Ridley (New York 911, le scénario de "Twelve Years A Slave" au cinéma) fait beaucoup parler d’elle en ce début d’année, elle suscite des réactions assez contrastées.

Pour certains, elle est impressionnante de maîtrise et dans le jusqu’au-boutisme avec lequel elle radiographie la société américaine – et les rapports sociétaux en général. C’est vrai. Je le dis avec d’autant plus de facilité que je fais parti de ce groupe.

Pour d’autres, ces dix épisodes développent une ambiance anxiogène, et raconte la trajectoire de personnages qui questionnent profondément les attentes du spectateur. C’est vrai aussi.

Avec American Crime, ABC renoue avec une tradition pas si ancienne où les networks bousculent leur audience. Où ils la malmènent, aurais-je presque envie de dire.

Je vais essayer d’être bref, pour ne pas amoindrir la force de cette histoire et gâcher le plaisir de sa découverte. La saison 2 d’American Crime raconte comment un événement survenu lors d’une soirée organisée par l’équipe de basket d’un lycée privé va bouleverser la vie de plusieurs familles et de l’équipe éducative de l’établissement. Et ce, à partir du moment où il est relayé sur les réseaux sociaux.

A partir de ce point de départ, Ridley et ses scénaristes se livrent à l’exploration méthodique d’une confrontation : la violence physique face à la violence symbolique. Comment la première nait de la seconde. Et comment la seconde nourrit la première dans un cycle implacable.

American est une tragédie. Une tragédie à part car c’est (désolé, Maman) une putain de tragédie sociologique. Tout le monde, ici, est confronté à la violence symbolique. Absolument tout le monde. Qu’il en soit la cible ou le relais.

Et c’est là où la série se révèle particulièrement brillante. De multiples façons, à différents moments du récit, l’histoire met un point d’honneur à préserver la dimension humaine de chaque personnage. Pour ne jamais sombrer dans le didactisme lourdot de certains films (français ?).

Dans l’épisode 8, c’est particulièrement évident pour les personnages de Leslie Graham (Felicity Huffman, formidable) et Terri LaCroix (Regina King, la même chose). Deux personnages que le spectateur a pris l’habitude de détester. Et que l’on ne déteste pas moins ici… mais qui sont capables de réagir, de réfléchir. Comme n’importe qui. Et c’est toujours plus difficile de détester un personnage en plein exercice introspectif.

Si les scénaristes prennent ce chemin, ce n’est pas pour dédouaner ceux qui sont du côté du manche. Ici, c’est même plutôt le contraire. Ici, ils le font pour expliquer que ce ne sont pas des machines qui actionnent le bâton. Ce sont des êtres a priori comme les autres. Empêtrés dans la violence d’une société qui refuse de questionner les problèmes qui l’agite. Et dont ils sont les funestes ambassadeurs.

Les classes qui s’affrontent, les minorités qui s’opposent, l’inégalité hommes/femmes, le traitement réservé à la communauté LGBT dès le plus jeune âge, le rapport au corps et à soi… la série évoque des thématiques très larges. Pas pour faire « catalogue du drama moderne » mais parce qu’elle ne lâche pas une seconde son propos.

Pour formuler ça de façon claire : c’est parce que toutes ces thématiques ne sont pas abordées frontalement que les hommes et les femmes au centre de cette histoire se retrouvent tous pris au piège de la violence symbolique. Et que surviennent des épisodes de violence physique… et médiatique. Dans cette histoire, et dans nos sociétés. Aux États-Unis. En France. Partout, potentiellement.

Alors, oui : ce n’est pas évident de regarder American Crime. C’est inconfortable, douloureux. Mais surtout c’est une (pardon, Papa) putain de leçon de télévision. Loin de HBO et Netflix.

2 The X-Files

Saison 10 – Episode 6 – My Struggle II

22 janvier / Chris Carter et ses amies docteurs
Par Ju

Je me sens un peu coupable vis-à-vis de The X-Files. Après avoir passé des semaines entières à me moquer de « Retour aux Frontières du Réel, 20 ans après : la Nouvelle Classe », il a fallu que M6 décide de censurer les épisodes lors de la diffusion française, transformant en un coup de ciseaux mes plaintes justifiées en un terrible harcèlement moral.

C’est comme si vous passiez votre journée à critiquer un collègue et que vous appreniez bien trop tard que son chien vient de mourir.

Bref, dans un souci d’apaisement, j’ai décidé de profiter de cette chronique pour dire du bien de X-Files. Ça allait être facile, mon travail était tout tracé, il me suffisait de m’extasier en deux trois paragraphes sur le bonheur que m’a procuré le visionnage du générique après toutes ces années, et c’était bon, mon mea culpa était torché.
Sauf que ça ne marche pas. Réflexion faite, le meilleur moyen de m’excuser était de dire du bien de la série d’une façon qui parle à tout le monde : aux X-Philes de la première heure comme à ceux qui n’étaient pas nés en 1993. Or, le générique ne fonctionne que sur les anciens. Je pense que les autres sont bien trop préoccupés par la présence inexplicable du mec chauve qui apparait après Duchovny et Anderson pour y trouver le moindre plaisir.

Fort heureusement, le dernier épisode de la saison m’a permis de découvrir un point incontestablement positif à mettre en valeur ici. Intitulé « My Struggle II » (ou « Mein Kampf Zwei » en allemand), il ne faut que quelques minutes à l’épisode pour qu’apparaisse l’image ci-dessus. Le scénario est crédité à trois personnes : le Docteur Anne Simon, le Docteur Margaret Fearon, et Chris Carter. Deux docteurs !

Deux docteurs avec des comptes Twitter !

Alien DNA is all that can save us. It’s science.

C’est donc grâce à la rigueur intellectuelle et aux connaissances scientifiques du Dr. Simon et du Dr. Fearon que Chris Carter a pu transcender encore plus que d’habitude les frontières du réel. C’est grâce à elles que Scully peut déjouer une épidémie d’anthrax à l’aide de son ADN extra-terrestre et de, heu, cellules souches ?

Mais l’important n’est pas là. Ce n’est toujours pas le point positif que j’ai retenu de cette saison de X-Files. Non, ce que j’ai découvert c’est que le Dr. Simon était déjà une collaboratrice de Carter sur la série pendant les neuf premières saisons !
Donc si Chris Carter est un scénariste raté, incapable d’écrire une intrigue cohérente ou des dialogues crédibles, ce n’est pas grave. Ou encore, si Chris Carter est un réalisateur raté, amateur de combats de kung-fu en accélérés ou de flash-backs avec des d’effets visuels édités sous Windows 95, ce n’est pas grave non plus.

Car Chris Carter est un ami fidèle.
Et rien que pour ça, il valait vraiment le coup ce retour de X-Files.

3 Crazy Ex-Girlfriend

Saison 1 - Episode 12 – Josh And I Are Working On A Case

22 Février / #WhiteJoshFeather is on !
Par Blackie

- Does that sound gay ?
- Nope. Sounds like a serial killer... but a straight one for sure.

Je sais que j’ai parlé de Crazy Ex-Girlfriend le mois dernier, mais heureusement il s’agit cette fois d’un moment que j’ai réellement apprécié. Je le dois à Darryl Whitefeather, le patron moustachu de Rebecca aussi gentil qu’un bébé labrador, récemment divorcé, et qui aime beaucoup sa fille (but not in a creepy way).

L’obsession de Rebecca pour Josh commence un peu à me gaver, mais les autres personnages gagnent au contraire de plus en plus mon affection. Surtout parce qu’on leur donne enfin des intrigues propres. Ce qui permet d’explorer les sentiments confus de Darryl, après le baiser sur la joue de White Josh deux épisodes plus tôt.

Avant de culminer sur le vrai baiser qui rend joie, la réalisation de Darryl sur sa sexualité est une réussite. Sa réaction immédiate est celle d’un personnage masculin typique, insistant sur son hétérosexualité tout en traitant White Josh comme s’il était contagieux, pour mieux renverser ces clichés atroces.
Entre parenthèses, l’attitude très zen de White Josh face à ce qu’il se prend m’a épatée. Bien trop périphérique jusqu’à l’épisode du bus, il ne fait que prouver qu’il est plus qu’un gag anti-raciste.

Darryl se découvre donc dans ses deux scènes suivantes, où les questions qu’il se pose sont hilarantes par leurs jeux de dialogues mêlés à une sincère curiosité. C’est probablement le parcours le plus simple et drôle sur ce sujet qu’il m’ait été donné de voir. Il ne faut pas attendre longtemps pour que Darryl annonce tout heureux être bisexuel ! Et d’embrasser White Josh de joie. Une fin parfaitement romantique, faites tomber le rideau.

Le traitement de Darryl fait un peu office de licorne à la télévision. Une belle licorne à moustache. Déjà parce qu’il est un homme se disant clairement bisexuel (même s’il se plante dans la terminologie), et que ça n’a rien à voir avec un appétit sexuel vorace, cette "excuse" généralement servie. Il est aussi un homme d’âge mûr qui ne semble pas trop se battre avec lui-même pour accepter cette découverte. Ce qu’une autre série n’aurait pas fait, tout en choisissant de le rendre plutôt gay, faisant de lui un homme qui s’est mentit à lui-même, et la cause de son mariage raté. Mais non, ici le passé de Darryl n’est absolument pas remis en cause, et il n’en sort que du positif. Etant maintenant célibataire, il réalise simplement qu’il est moins limité dans ses attractions qu’il ne croyait. Et il en est ravi ! Du coup, moi aussi.

4 Fuller House

Saison 1 – Episode 1 – Our Very First Show, Again

26 Février / Jéjé et ses amies féministes
Par Jéjé

Le meilleur moment du mois, pour moi, sans hésitation, aucune.

Pas pour le plaisir de traîner à nouveau avec des personnages sympas qui auraient marqué ma jeunesse. (J’ai toujours plus ou moins détesté la moitié de la distribution de la Fête à la Maison, particulièrement Joey et Danny).
Pas par « Hate Watching » (C’est tellement « 2012 » !).
Pas parce que je suis en gros manque de sitcoms contemporaines avec des rires enregistrés. (De toute façon, The Carmichael Show revient dans une semaine).
Mais pour l’atmosphère échauffée qui a régné devant l’écran.

On pourrait imaginer que quand deux über féministes comme Blackie et Feyrtys se retrouvent devant un épisode qui raconte la difficile condition d’une veuve, mère de trois enfants en bas âge, qui comprend que son entourage familial qui l’a soutenu après la mort de son mari va s’éloigner et reprendre le cours normal de la vie [1], quelques louanges à l’attention des scénaristes qui ont construit le retour de leur sitcom familiale sur les défi d’une mère célibataire vont accompagner leurs râles de satisfaction devant un John Stamos qui n’a pas changé et leurs fredonnements réguliers de la chanson du générique.

On pourrait.

Mais il faut savoir que Feyrtys avait découvert quelques jours auparavant que Candace « DJ Tanner » Cameron s’était félicitée dans The View de l’arrêt du financement du planning familial dans l’Ohio.
Et que la journée entière avait été placée sour le signe de margaritas sans fond.

Les dialogues du pilote ont donc été couverts par ce genre d’échanges.
« Alors, la vie de mère célibataire, c’est trop dur ? »
« T’as besoin des thunes de ton père pour t’en sortir, hein. Ouais, vas-y, pleure ! »
« Oh mon Dieu, on ne peut pas dire ce genre de choses ! »
« Mais la vraie question, c’est savoir pourquoi ton mari est mort. »
« Il est mort d’ennui, hein ? »
« Il a dû coucher avec elle que trois fois. Et pof, trois enfants ! »
« C’est de sa faute si on raconte de telles horreurs ! »
« Il s’est suicidé parce qu’il s’est rendu compte qu’il était marié avec une putain d’intégriste ? »
« Va te marier avec ton frère ! »
« Tu penses que ce qu’on dit peut passer pour de la réappropriation d’insultes sexistes ? »
« Tu parles ! Grrr ! C’est la faute de ce truc qui fait ressortir le pire de ce qu’il y a en nous ! »
« Oh mon Dieu, le gamin de 5 ans est gay, c’est sûr ! Elle va l’abandonner au bord de l’autoroute dans l’épisode 5 quand elle aura prévu d’aller faire sauter une clinique qui pratique l’avortement ! »
« You ! WHOOORE ! »
« Oh, c’est déjà fini ?! Everywhere you look… »
« Everywhere you look »
« There’s a heart »
« There’s a heart ! »

Pas le choix. Va falloir regarder la saison entière.

la Rédaction
Notes

[1C’est avec ce point de départ que les scénaristes sont parvenus à rassembler au même endroit tout le petit monde de la Fête à la Maison 20 ans plus tard. Ce qui est toujours mieux que les videos Youtube de Joel McHale criant à la conspiration gouvernementale !