A toute règle, son exception
NOVEMBRE 2010
Par Sullivan Le Postec • 10 novembre 2010
Bienvenue au Village, le webzine des fictions télévisées européennes et francophones.

Le 22 novembre, « Mafiosa » sera de retour sur Canal+ pour sa troisième saison. Avec « Engrenages », c’est l’autre série ‘‘historique’’ de Canal+. Ces deux séries sont celles qui ont survécu aux variations de la ligne éditoriale de la Création Originale de Canal+, et ont dès lors bénéficié de la possibilité de se bonifier avec le temps et l’expérience.

« Engrenages » le doit au fait d’avoir été la première série de la chaîne, et d’être arrivée à une époque où il ne fallait même pas être une réussite artistique pour se faire remarquer des critiques et du public : essayer de faire quelque chose de différent était suffisant.
« Mafiosa », elle, le doit à son pitch simple, efficace, et porteur de tout un Univers de fiction. Une femme à la tête d’un clan de voyous Corses.

Avec cette troisième saison, on découvre que « Mafiosa » devient aussi la première survivante d’une pratique dans laquelle Canal+ a décidé de se fourvoyer, ‘‘faute de bon textes’’ comme on l’explique dans le milieu : plaquer des réalisateurs (plus ou moins) vedettes, venus du cinéma, sur ses séries pour tenter de les relever au finish. Quitte à ce que les réalisateurs, faute de maîtriser les codes particuliers de la série télé, en viennent à proposer des longs films saucissonnés en morceaux, plutôt que de vraies saisons de séries. Quitte, surtout, à déséquilibrer la direction artistique des productions, et à leur faire perdre toute chance de trouver leur voix. « Maison Close » vient de prouver ce que cette démarche avait de chimérique, et le risque qu’elle fait courir d’aller dans le mur.

Et puis c’est triste, quand même, de voir la Canal+ — qui a contribué à faire éclore, ou à installer fermement, des talents dans le paysage fictionnel français — préférer aujourd’hui se lancer dans cette politique de greffes hasardeuses. Ce qui revient à laisser les fruits de son travail, les Philippe Triboit, Gilles Bannier, Jean-Marc Brondolo ou encore Jean-Philippe Amar pour les réalisateurs, les Virginie Brac, Abdel Raouf Dafri, Hugues Pagan ou Olivier Kohn, pour les scénaristes, garnir les jardins de la concurrence. Oh, Canal+ a sans doute une fierté à tirer de voir ces noms réussir ailleurs. La fierté serait surement plus grande d’avoir de bonnes séries sur son antenne...

‘‘Je me fous de l’intrigue !’’

Mais toute règle a son exception, et « Mafiosa » est donc celle-là. Après une saison 2 de transition, la troisième surprend par son excellente, notamment scénaristique.

D’abord parce qu’Eric Rochant ne se contente pas d’arriver sur le produit en fin de parcours : dès le départ il en prend les rênes scénaristiques en duo avec Pierre Leccia. Et puis quand on l’écoute parler deux minutes, il devient évident que la série ne lui est pas étrangère. Surtout, au-delà d’en regarder et d’en apprécier, il a réellement réfléchi au genre, à sa structure, au meilleur moyen de le produire. Son discours a vite fait de rappeler celui qu’on entend chez l’autre duo de presque-showrunners, Hervé Hadmar et Marc Herpoux.

Au point qu’interrogé sur la manière dont l’écriture brillante de la saison 3 de « Mafiosa » détourne régulièrement des scènes de leur fonction supposée dans l’intrigue, pour y trouver un autre intérêt, un autre angle d’approche, souvent lié aux personnages, à leur caractérisation et à leurs interactions, Rochant peut répondre du tac au tac : ‘‘je me fous de l’intrigue !’’
Elle est l’ingrédient nécessaire pour pouvoir examiner ce qui l’intéresse. Rien de plus, rien de moins. Rien d’autre que ce qu’elle doit être dans une vraie bonne série...


PREVIEW – Très Corsée, la saison 3 de « Mafiosa »
Deuxième saison à la tête du programme pour le duo Rochant – Leccia. Cette fois, la réappropriation paraît aboutie

CRITIQUE - « Mafiosa » : saisons 1 et 2

Post Scriptum

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