DOCTOR WHO — 6x01 : The Impossible Astronaut (L’Impossible Astronaute 1)
“Let’s see who tries to kill us and work backwards”
Par Sullivan Le Postec • 24 avril 2011
C’est reparti pour un tour. Et quel tour ! « The Impossible Astronaut » ouvre d’une façon jamais vue jusqu’ici une saison de « Doctor Who » qui elle-même a bien l’air de ne pas vouloir ressembler à la formule établie...

Pour la première fois, Steven Moffat ouvre une saison avec une histoire en deux parties. En termes d’impact, on est effectivement face à quelque chose qui ressemble à un final, sauf qu’il lance 1001 pistes incroyablement excitantes qu’on devrait suivre tout au long des treize épisodes de cette saison. Ce qui nous amène jusqu’à l’automne prochain. Ouch, il y a tellement de choses dans ma tête là que ça en ferait presque mal. Tentative d’écrire quelque chose de vaguement cohérent à suivre...

Critique des autres épisodes inédit de la saison 6 diffusés le samedi 19 mai sur France 4 :

Comme chaque année, ces reviews sont pleines de spoilers et ne doivent être lues qu’après avoir vu l’épisode.

The Impossible Astronaut

Ecrit par Steven Moffat ; réalisé par Toby Haynes.
« Les Ponds », Amy et Rory, se sont installés dans leur propre maison et n’ont pas revu le Docteur depuis deux mois, même s’il leur fait quelques coucous à travers l’histoire. Mais une lettre bleue non signée contenant un lieu et une date de rendez-vous les amènent jusqu’aux plaines de l’Utah. Dans sa prison, River Song a reçu la même enveloppe bleue et arrive au même rendez-vous. Ils y retrouvent également un vieil homme Canton Delaware. Bien évidemment, c’est le Docteur qui les a fait venir. Mais un Docteur de 1103 ans, près de deux cents ans plus vieux que celui qu’Amy et Rory ont quitté. Il s’avère qu’il les a conviés à assister à sa propre mort ! Il est en effet abattu par un mystérieux astronaute qui l’empêche de se régénérer.
Mais ils découvrent alors que le Docteur avait envoyé une quatrième lettre et invité une autre personne, celle en qui il a le plus confiance… lui-même, deux cents ans plus jeunes. Amy, Rory et River ne peuvent pas lui dire qu’ils ont rencontré une version de lui plus âgée, et encore moins qu’ils l’ont vu mourir. Ils guident néanmoins le Docteur dans la direction dans lequel il les a lui-même guidé juste avant de mourir : 1969. Dans le Bureau Ovale de la Maison Blanche, le Président Nixon reçoit des coups de fil mystérieux d’une enfant qui essaye de l’avertir de la présence de monstres autour de lui. Ils sont bien là, mais ont une propriété effrayante : celui qui les voit les oublie dès qu’il les quitte des yeux. Qui est cet ennemi ancien ? En quoi est-il lié au mystérieux astronaute qui va mettre fin à la vie du Docteur ? Que sait vraiment River Song ? Et quel autre secret cache Amy Pond ?

La mort

Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est une manière diablement efficace et inattendue de lancer une saison. La mort du Docteur lui-même.

L’évènement donne clairement le ton de la saison à venir, conforme à ce qui, entre les lignes avait été annoncé. Cette année, « Doctor Who » prend clairement la forme d’un feuilleton. La mythologie de la série gagne en ampleur et en complexité. Du coup, cela rend cet exercice, celui de la critique à chaud, particulièrement difficile. Ce qui était sous-jacent dans l’écriture de Steven Moffat depuis un moment, ne serait-ce que via le personnage de River Song, occupe dorénavant le premier plan.
C’est particulièrement palpable dans le rythme de l’épisode, complètement différent de ce à quoi la série nous a habitué, particulièrement dans ce type d’épisodes en deux parties et à grand spectacle. Quand on y repense, un épisode comme « Blink » montrait déjà une approche du rythme différente, caractéristique de l’écriture de Steven Moffat et de son penchant pour l’angoisse. L’angoisse, c’est un sentiment qui a besoin de temps pour se mettre en place, d’une montée progressive de la tension. L’année dernière, et particulièrement dans ce final paradoxal aussi débordant de qualités qu’il était bourré de défauts, Steven Moffat semblait presque s’appliquer à produire sa version de ce qu’écrivait, lui très naturellement, Russell T Davies : ces épisodes montagne-russe empilant les uns sur les autres une quantité parfaitement délirante d’éléments narratifs.

Evidemment, on a particulièrement hâte de découvrir où tout cela va nous mener, même si on sait bien qu’il faudra vraisemblablement attendre l’épisode 13. On sait bien que le Docteur ne va pas véritablement et définitivement mourir, mais on espère quand même que Steven Moffat saura s’en sortir autrement que par un Deus Ex Machina éhonté, genre un Docteur surgissant d’un-futur-où-il-n’est-pas-mort. Reste que l’on sait aussi que les Time Lords peuvent être ressuscités. C’est arrivé au Maître il n’y a pas si longtemps, dans un épisode qui suggérait aussi que Rassilon et la mère du Docteur avait été ramenés à la vie dans les circonstances exceptionnelles qu’avaient été les dernières années de la Guerre du Temps entre les Time Lords et les Daleks.
Qui est le mystérieux astronaute qui assassine ainsi le Docteur ? Tout pointe en direction de River Song, le jeu d’Alex Kingston rajoutant quelques indices supplémentaires à ceux glanés l’année dernière. Mais même si c’est effectivement elle, il reste encore la question de savoir à quel moment exactement c’est arrivé. La petite fille pourrait-elle être River Song ?

D’autres éléments de continuités sont encore jetés aux spectateurs. Le Tardis aperçu à la fin de l’épisode « The Lodger » fait son retour, et semble appartenir au fameu Silence qui doit s’abattre. Il semble qu’après « The Lodger », il ait remonté le temps pour s’implanter durablement sous la surface de la Terre. Et puis il y a les maux de ventre dont souffre Amy — qui affectent aussi River — avant qu’elle ne révèle au Docteur qu’elle est (se croit ?) enceinte. Wait. What ?

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The legs, the nose and Mrs Robinson

La situation incroyable du début de l’épisode a un impact sur toute la dynamique des personnages, qui avait de toute façon déjà subit quelques altérations.
Rappelons-nous que dans les années 70, Jo Jones avait quitté le Tardis justement parce qu’elle s’était mariée. A la fin de la saison dernière, Amy et Rory s’étaient un peu imposés dans le Tardis après leur mariage, face à un Docteur qui envisageait plutôt d’en rester là. Clairement il cherche à mettre de la distance : après les avoir laissé en lune de miel dans l’espace de leur côté, comme on l’avait vu dans l’épisode de « Sarah Jane Adventures » « Death of the Doctor » (c’est amusant, rétrospectivement, de voir à quel point les esprits de Russell T Davies et Steven Moffat sont synchronisés, ils n’arrêtent pas de jouer avec idées similaires au même moment – par exemple à la fin de la saison 4, Davies avait envisagé de donner un mari et des enfants à Donna dans le monde alternatif de « Turn Left » au moment où Moffat était en train d’écrire la même chose pour « Forest of the Dead ») et dans le Spécial de Noël, il les a finalement reposés sur Terre et laissés s’installer ensemble. Il y a des chances qu’il en serait resté là si le Docteur pourpre du futur n’était pas venu les réunir à nouveau.

Les passagers du Tardis s’embarquent lourds de secrets — la mort du Docteur, la grossesse d’Amy, que Rory ignore encore. Sans évidemment parler de River Song, qui est un gigantesque secret, ce dont le Docteur semble s’agacer de plus en plus, à mesure que le souvenir du sacrifice originel et final de River Song, la première fois que lui l’a rencontrée, devient de plus en plus lointain.
L’intelligence de Moffat, c’est aussi de savoir quand il doit renouveler certains motifs pour éviter de lasser ou d’irriter. Ainsi, si River Song lance son traditionnel ‘‘spoilers’’ au Docteur dans cet épisode, cette fois-ci nous sommes de son côté parce que nous savons exactement ce qu’elle cache au Docteur. Et le caractère totalement tragique de ce secret renouvelle notre empathie pour ce personnage.

Cette atmosphère de secret à l’avantage de donner plus de caractère à des personnages qui, parfois, en ont manqué un peu lors de la saison précédente. Amy a, dans ces quarante-cinq minutes, une chair qu’elle n’a pas toujours eue l’année dernière. Et les acteurs ont beaucoup de choses sur quoi s’appuyer. C’est particulièrement vrai d’Alex Kingston – et le fait de savoir que, contrairement aux autres acteurs, elle a été mise au courant au début du tournage de cette saison des secrets de River Song incite à prêter une attention particulière aux nuances de son interprétation.

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J’ai déjà beaucoup écrit et je n’ai pas encore dit un mot des fameux Silents. Voilà une idée très Moffatienne qui dérive intelligemment des Mens in Blacks, et un masque qui réussit franchement bien à marier une certaine familiarité avec le Petit Gris iconique, l’originalité et le caractère effrayant avec un petit coté Dementor. Ce nouveau monstre promet beaucoup – et délivre déjà pas mal dans la scène des toilettes, séquence incroyable si caractéristique du ton de la série, qui mélange l’effroi et l’humour comme si ce cocktail était tout ce qu’il y a de plus naturel.
Le cliffhanger de l’épisode est particulièrement glaçant pour une série familiale (on remarque d’ailleurs qu’il a été monté avec précaution et qu’on ne voit pas le coup de feu partir de l’arme d’Amy). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il donne fichtrement envie d’être samedi prochain.


Une ouverture de saison à la hauteur de l’incroyable épisode « The Eleventh Hour » de l’an dernier, mais qui ne lui ressemble pratiquement en rien. Steven Moffat s’amuse et nous torture gentiment avec des enjeux follement excitants, une gestion du rythme particulièrement audacieuse pour « Doctor Who » — qu’il dose parfaitement — et un niveau inédit de tension et de complexité dans les rapports entre les personnages. Les pistes ouvertes sont incroyables et menacent de faire surchauffer les cerveaux des malheureux spectateurs essayant désespérément de garder de l’avance sur le récit. « The Impossible Astronaut » pousse le spectateur à s’embaruqer dans l’échaffaudage de multiples théories — la petite fille est-elle River Song ? Voire la fille d’Amy ??
Il ne reste plus qu’à espérer que les multiples questions posées auront une résolution à la hauteur des attentes immenses générées par cet épisode qui peut prétendre au statut de classique instantané.

Un Sheppard peut en cacher un autre
Mark Sheppard compte parmi les guests stars de cet épisode. L’acteur, actif depuis une vingtaine d’année, est forcément familier du téléspectateur de série puisqu’il a un CV long comme plusieurs bras, avec une prédilection pour les séries de genre. Il a pu être casté en dernière minute dans ce double-épisode, à la faveur d’un trou dans son emploi du temps qui lui a permis de tourner cet épisode entre Cardiff et les plaines de l’Utah – il a quand même du annuler une participation à une convention pour ce faire.
Les producteurs avaient initialement envisagé de le maquiller pour les scènes du début de l’épisode où son personnage apparaît vieux. C’est Mark Sheppard qui leur suggéra que son père, William Morgan Sheppard, pourrait très bien faire l’affaire !

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Marked for death
La promotion des séries à l’heure des centaines de chaines et d’Internet est devenue quelque chose de compliqué. Quand un gros événement se prépare, difficile pour les marketeux de ne pas en avertir tout le monde, histoire de s’assurer la présence d’un maximum de téléspectateur curieux. La recherche de l’audience, la surprise les fidèles : ces deux objectifs opposés s’affrontent et conduisent à des arbitrages complexes. Il y a quelques semaines, Doctor Who Magazine a lancé son traditionnel numéro preview de la saison à venir avec quatre couvertures spéciales mettant en scène les quatre personnages principaux : le Docteur, Amy, Rory et River Song, et un titre choc : l’un d’entre eux va mourir.
Certains spectateurs, c’est compréhensible, se sont plaints du spoiler. On sait aujourd’hui que si le magazine n’avait pas monté ce suspense autour de l’identité de la victime, la mort du Docteur au début de l’épisode — c’est vrai qu’elle survient après seulement sept minutes — aurait été annoncée par le département promotion de la BBC (cela a d’ailleurs presque été le cas, des images montrant le Docteur en train de se régénérer ayant été mises en ligne sur le site officiel samedi avant la diffusion de l’épisode). Preuve que ce qu’on croit être un dérapage peut parfois être la solution du moindre mal.

Prélude
Lors de sa diffusion en Grande-Bretagne, cet épisode a été précédé de quelques jours par la mise en ligne sur le site officiel d’un Prélude. Une scène originale montrant le personnage du Président Nixon que vous pouvez découvrir ci-dessous :

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 20 mai 2012 à 06h23