L’EPERVIER — Saison 1
L’adaptation de la BD arrive samedi sur France 3.
Par Dominique Montay • 17 juin 2011
La série du début d’été de France 3 débarque, elle prend place en province (la Bretagne), est en costume et adapte une bande-dessinée. Plein de promesses. Tenues ?

Une fiction en costume. Un homme qui agit guidé par son amour d’enfance. Une femme qui, si elle l’aime encore, en a épousé un autre, pour des questions de rang. Un trésor mystérieux qui soulève bien des convoitises. La saison 2 de « la Commanderie » arrive donc sur les écrans de France Télévisions… hein ? Ah, non, pardon. Ce résumé volontairement dirigé, expurgé des différences notable entre « la Commanderie » et la série dont on parle aujourd’hui traduit ce que j’ai ressenti en voyant les deux premiers épisodes de « L’Epervier ». En gros, que j’aurais aimé voir une saison 2 de « la Commanderie » à la place...

« L’Epervier », c’est l’histoire de Yann de Kermeur, jeune garçon, fils d’un servant de Comte. Yann tombe amoureux d’Agnès, la fille du Comte. Ils se rapprochent, deviennent adolescent et s’aiment comme on peut s’aimer à 15 ans à cette époque. Mais cette union ne plait pas au papa du jeune homme, ni au Comte, qui s’arrangent pour expédier le récalcitrant boutonneux au service du Roi pendant 10 ans. Mais vu que c’est trop long, il s’échappe et disparaît… pendant 10 ans et devient… Corsaire du Roi. Yann revient, donc, se fait appeler l’Epervier et à envie de retrouver sa belle à Brest, mais cette dernière a fait un mariage de raison. Et pour ne rien gâcher, dans la foulée, l’Epervier se retrouve accusé du meurtre du papa de la belle.

« l’Epervier » aurait pu être une fiction de début d’été sans prétention, un divertissement amusant, rythmé, un truc sympa sans conséquences. Hélàs, si c’est la cible visée, elle est allégrement loupée. La faute à une direction d’acteur absente. Pas mauvaise, pas déficiente, mais absente. Tout le monde joue sa partition, sans direction commune. Les deux jeunes gens font ce qu’ils peuvent pour ne pas se vriller la langue avec ce texte sur-écrit au langage ampoulé. Les seconds rôles cabotinent sans contrôle, comme si on leur avait dit “ah tiens, tu fais bien le fou, toi, alors lâche toi”. La palme revient à Martin Lamotte, absolument ridicule dans le rôle d’un juge qu’on aurait voulu soit terrifiant, soit pathétique. Mais la façon systématique qu’il a de couper toutes ses phrases en ajoutant des respirations là où il n’y en a pas donne l’impression qu’il expulse le texte plus qu’il ne le joue.

Le texte est dans un langage d’époque, certes. Comme pour « Nicolas Le Floch » dans un style différent, cette façon de s’exprimer nous est étrangère. Mais le choc serait moins violent si direction il y avait. Le réalisateur de la fiction, mais aussi son scénariste, son dialoguiste n’est autre que Stéphane Clavier, frère de, qui eut une carrière cinématographique avant d’empiler les projets télés. S’il semble investi dans le projet, force est de constater que sa réalisation manque cruellement d’envergure. Si on peut imaginer que filmer sans moyens une fiction de cape et d’épée relève de la gageure, on peut aussi se dire que certains choix frisent le manque de bon sens.

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Quand l’Epervier s’enfuit, c’est sur une plage, pied à terre en tenant son cheval, l’air de faire une balade. Il devient dur de ne pas réprimer un fou rire en entendant ses poursuivants s’écrier “Il est là !”. Pareil quand, au terme de l’épisode 2, sur cette même plage (en tout cas elle y ressemble), l’Epervier, seul à 8 mètres de 15 officiers armés, arrive à s’enfuir alors qu’ils tirent à bout portant. De jour. Sur une plage avec un rocher et deux criques. L’Epervier court droit devant lui, et (là c’est une preuve de bon sens), les officiers se disent que s’ils n’arrivent pas à le toucher à 8m, rien ne sert de continuer. Et ils partent en courant. Plusieurs heures plus tard (enfin, après un fondu salutaire), on retrouve les officiers qui cherchent sans succès la trace de l’Epervier (qui arriverait donc à se planquer sur une plage du Canet). Les recherches, ça donne quoi ? Dix figurants en costume qui tourne autour d’un rocher en regardant dans des trous où on pourrait faire entrer, au maximum, un lapin bien nourri.

Pourquoi tant de haine ? Parce que ça aurait pu être très sympa, « l’Epervier ». Un adaptation honnête de BD, de la télé-pop corn, ou puisqu’on est en France, de la télé-Knacki. Mais au final, ces séquences d’une stupidité sans borne trahissent le mépris qu’ont ses auteurs du genre divertissement. Après tout, on s’amuse, alors ! pas grave si Martin Lamotte joue faux comme jamais dans sa carrière, pas grave si le méchant est tellement méchant qu’on attend son rire démoniaque à chaque fin de scène, pas grave si le rôle de l’Indien échoit à Grégoire Colin, couvert de fond de teint car au naturel ayant la peau blanche (non, sérieux, on vit pas dans un pays où on peut trouver mieux pour jouer un indien, non ?), pas grave si les scènes d’action sonnent faux…

Après, qui sait, peut-être qu’à partir du troisième épisode, la fiction décolle, prend de l’ampleur… mais pour une fois, mettons-nous dans la position du téléspectateur lambda. Première soirée, deux épisodes : premier avis. Je passe.

Post Scriptum

« L’Épervier »
6x52’ - 2011
Rendez-vous Productions pour France 3.
Écrit par Jean-Christophe Duchon-Doris et Stéphane Clavier.
Réalisé par Stéphane Clavier.
Les samedis 18, 25 juin et 2 juillet à 20h35.