DOCTOR WHO - 4.04/05 : The Sontaran Stratagem / The Poison Sky
Petits mais teigneux
Par Sullivan Le Postec • 28 mai 2008
Martha Jones, qui travaille désormais pour UNIT, rappelle Le Docteur sur la Terre contemporaine. Avec Donna, ils devront faire face à un ancien ennemi.

Chaque saison de « Doctor Who » depuis le relaunch comporte deux histoires en deux parties en plus du final. Depuis la première saison, le premier de ces deux two-parters annuel n’est pas forcément mémorable. Dans la première saison, la double-aventure avec les Slytheen laissait voir que la série cherchait encore son ton et la manière de ne pas faire rire à ses dépends. La seconde année, « Doctor Who » recyclait tous les clichés des histoires de monde parallèle sans convaincre. L’année dernière, Helen Raynor avait réussi à nous faire souhaiter que les Daleks prennent de longues vacances à force d’user jusqu’à la corde ces méchants iconiques. La même Helen Raynor signe ce nouveau double épisode. Et se rachète.

The Sontaran Stratagem

Scénario : Helen Raynor ; réalisation : Douglas Mackinnon.
Alors que Donna est en train d’apprendre à piloter le Tardis, le téléphone portable que Martha avait confié au Docteur avant de le quitter, à l’issue de la saison 3, se met à sonner. Le temps des retrouvailles est arrivé. Quelques mois ont passé, Martha a son diplôme de docteur et travaille pour UNIT, une organisation para-militaire vue dans les années 70 dans le Whoniverse (mais dans des histoires situées à priori dans les années 80, personne ne sait plus très bien, d’où la blague de l’épisode). A l’époque, il s’agissait de l’United Nation Intelligence Taskforce. Mais après le retour de la série à l’antenne en 2005, les Nations Unies ont fait savoir aux producteurs que, si le groupe devait réapparaître, elles souhaiteraient que le nom soit modifié. Donc UNIT est devenue UNified Intelligence Taskforce. Je digresse là, non ?
Donc UNIT déplore la mort à travers le monde de plusieurs personnes en voiture, précisément à la même heure. Ils soupçonnent ATMOS, un élément devenu très populaire et installé sur la plupart des voitures : il combine un système de navigation GPS et un boitier de retraitement des gaz d’échappement qui élimine la pollution. UNIT investi l’usine de fabrication, et met aussi sous surveillance Luke Rattigan, un jeune génie américain, inventeur du système, et qui dirige une académie à son nom pour jeunes surdoués.
Martha conseille à Donna de ne pas laisser sa famille dans l’ombre vis-à-vis de ce qu’elle est en train de faire. Elle lui confie ce qui est arrivé à sa propre famille. Donna décide donc d’aller voir sa mèr et son grand-père. Peu après, Martha est prise au piège dans l’usine et remplacée par un clone à la solde des ennemis. A la Rattigan Academy, le Docteur vient justement de découvrir un téléporteur et l’identité de ces ennemis : les Sontaran, une race de clones guerriers.
Le Docteur rejoint Donna et étudie les éléments Atmos sur la voiture de la famille. A ce moment, les Sontaran activent leur système. La majorité des voitures du globe se mettent alors à émettre un gaz toxique en mesure de convertir l’atmosphère de la Terre entière...

The Poison Sky

L’atmosphère de la planète est peu à peu envahie par le gaz toxique. Le Docteur confie à Donna la clef du Tardis. Mais à peine a-t-elle le temps d’y mettre le pied que celui-ci est téléporté par les Sontaran au sein de leur vaisseau.
De son coté, UNIT planifie une destruction du Vaisseau Sontaran en orbite autour de la Terre par un missile nucléaire. Le Docteur tente de gagner du temps en communicant avec les Sontarans. Il sait que leur comportement actuel ne correspond pas à leur mode opératoire habituel : ils sont des guerriers, et désactiver les armes à feu ou tuer les habitants d’une planète par gaz ne leur ressemble pas. Ils doivent avoir un plan. UNIT s’apprête à mettre son plan en action, et le Docteur sait que la réponse des Sontaran ne peut qu’être apocalyptique. Mais le clone de Martha interrompt le lancement des missiles.
Luke Rattigan rejoint les étudiants de son académie pour leur expliquer que la planète est sur le point d’être détruite et qu’ils sont censés être la source de l’Humanité sur une nouvelle planète, Terre.2. Mais tous l’abandonnent pour retrouver leur famille. Luke se retrouve seul à nouveau. Plus encore qu’il ne le pensait, puisqu’à son retour sur le vaisseau Sontaran, il apprend que ceux-ci n’avaient jamais eu l’intention ne l’amener jusqu’à une nouvelle Terre. Ils n’avaient besoin de lui que pour faire installer le système ATMOS. Rattigan parvient à s’enfuir par le téléporteur juste avant d’être éliminé.
Les Sontaran lancent leur assaut sur l’usine ATMOS, et UNIT réalise enfin que sur le terrain militaire, ils ne font pas le poids face à eux. Mais l’organisation convoque les grands moyens en faisant descendre le Valiant, sorte de porte-avion volant vu à la fin de la seconde saison, capable de dégager l’atmosphère de la zone et d’infliger des pertes aux Sontaran. Tandis qu’UNIT mène l’assaut, le Docteur guide Donna par téléphone pour qu’elle réactive les réseaux de téléportation. Il la rapatrie alors avec le Tardis, tout en s’occupant de secourir Martha, ce qui tue immédiatement son clone, qu’il avait immédiatement démasqué mais qui servait jusque là ses intérêt en empêchant le déclenchement d’un conflit nucléaire. Le Docteur, Donna et Martha retournent à la Rattigan académie où ils retrouvent Luke. Le Docteur comprend alors que l’objectif des Sontaran est de changer entièrement l’atmosphère de la Terre afin d’en faire une planète où ils pourront donner des naissances à des millions de clones (c’est en effet ainsi que se reproduisent les Sontaran). Le Docteur met au point un système pour reconvertir l’atmosphère de la Terre et retourne à bord du Vaisseau des Sontaran pour leur proposer d’abandonner leur plan. Ils refusent. Le Docteur est alors prêt à se sacrifier pour les détruire mais Luke Rattigan intervient et le remplace, obtenant sa rédemption dans la mort...
Martha s’apprête à quitter le Docteur et Donna pour retrouver son fiancé, mais le Tardis s’envole sans prévenir pour une destination inconnue. Bon gré mal gré, Martha est donc embarquée pour une nouvelle aventure...

Character-driven

Lawrence Miles est un écrivain anglais qui a écrit quelques-uns des romans adaptés de « Doctor Who » les plus apprécié des fans. Il publie chaque semaine une review du dernier épisode (qu’il efface systématiquement à l’arrivée du suivant, sans que personne ne sache vraiment pourquoi) et m’a fourni l’angle idéal pour entamer ma propre critique. En effet, le propos qu’il développait à propos de ce two-parter est articulé et intelligent, mais il s’est trouvé que je n’étais pratiquement pas d’accord avec une seule ligne qu’il avait écrite. Miles n’apprécie vraiment pas la nouvelle mouture de la série et de ses écrits transpirent la nostalgie des temps anciens. La raison pour laquelle quelqu’un peut être immensément nostalgique des temps où « Doctor Who » suintait autant le kitch et le toc me dépasse un peu, mais admettons. Le problème, c’est que ce qu’il rejette plus globalement, c’est toutes les évolutions dans la manière d’écrire une série intervenues ces vingt dernières années.

Alors oui, ces deux épisodes n’ont pas grand-chose à leur crédit qu’on puisse qualifier d’original. Mais il est assez absurde, la masse de production audiovisuelle étant ce qu’elle est aujourd’hui, de croire qu’on puisse encore proposer plus qu’une poignée d’histoires fondamentalement originales par saison. Ce qui fait que ce double épisode fonctionne malgré tout très bien, c’est ce à quoi la fiction télévisée s’attache bien plus depuis deux décennies : développer des personnages crédibles, multidimensionnels, attachants et les faire évoluer sur le long terme, par le biais d’arches narratives complexes construites (plus ou moins bien) sur la durée. Sur ces points, Russel T Davies et sa version de « Doctor Who » excellent.
Dans le même ordre d’idée, le focus de la série s’est décalé, à mon avis avec raison, pour s’éloigner de l’exploration seule du personnage extraordinaire du Docteur — ses Compagnons n’étant alors que des faire-valoir — pour se fixer plutôt sur la relation entretenue par le Docteur et ses Compagnons, et à travers eux avec l’Humanité. De ce fait, la série parle de nous, de ce que nous sommes et de ce à quoi nous aspirons. Aussi longtemps que « Doctor Who » continuera de s’adresser essentiellement à des humains, c’est quand même probablement ce qu’il y a de mieux.
L’une des principales réussites de ce double-épisode, et plus globalement de cette saison entière d’ailleurs, c’est de parfaitement bien réussir à faire usage des capacités des personnages. Sur ce point, la série progresse par rapport à l’an passé, où il avait été fait un usage assez anecdotique du background médical de Martha. Ici, chaque personnage est mis en valeur pour ce qu’il est, et ce qu’il peut apporter à l’ensemble. Martha s’est intégrée à UNIT, dirige des hommes, s’est clairement affirmée. Elle a aussi appris de son expérience, a acquis recul et compréhension sur les événements de la troisième saison, ce qui lui permet de conseiller Donna. Celle-ci continue d’être l’ancrage terrien de la série, de part sa capacité à repérer les choses ‘‘de tous les jours’’ qui sortent du cadre. Ici, l’absence du moindre arrêt maladie dans cette entreprise, qui suggère que quelque chose a été fait aux humains qui y travaillent. Même la mère de Donna se voit confier son moment de gloire à la résolution du cliffhanger quand elle défonce le pare-brise de la voiture où le grand-père de Donna est enfermé à grands coups de hache (qu’elle garde sous le coude comme un moyen d’auto-protection). C’est une marque d’importante maturité scénaristique que cette capacité à faire avancer l’histoire en se reposant sur les caractéristiques premières des personnages.
Dans ce double-épisode, même les figures de passage se révèlent attachantes : le Soldat Ross, victime du refus de ses supérieurs d’écouter les conseils du Docteur, Luke Rattigan, figure nécessairement over the top mais néanmoins émotionnellement développée, ou encore l’amusant baiser festif final des deux gradés.
Ces développements se font alors même qu’un large ensemble est mis en scène et que chaque personnage ne dispose pas nécessairement d’un temps d’antenne immense.

« The Sontaran Stratagem » et « The Poison Sky » s’attardent assez longuement sur quelques unes des principales thématiques de la nouvelle série. Le contact avec UNIT réveille l’antimilitarisme du Docteur — et de la série toute entière — à fortiori dans la mesure où les personnages affrontent un ennemi impossible à battre sur ce terrain-là. A travers le subplot autour des voitures et du gaz polluant, « Doctor Who » continue également à tenir un discours écologique fort — qui en agace certains parmi les fans, mais en ravit d’autres.

Le défaut d’originalité sur lequel se focalisait Lawrence Miles, manquant de voir que le focus de cette histoire était ailleurs (en même temps le vieux fou a comparé Donna, qu’il déteste, à Jar Jar, donc...), est sans doute bien présent, mais aussi bien intégré. C’est ainsi que cette histoire se trouve être celle du premier double-épisode de la saison plutôt qu’un final, dans lequel le scénariste s’attachera sans doute plus à surprendre son public.
L’implication réussie des personnages, leur évolution bien pensée et l’impact émotionnel fort liée à l’empathie générée envers eux chez le spectateur font sans aucun doute de ce double-épisode le meilleur double de première moitié de saison...