UN FLIC — Pink Panthers & Jackpot
Retour à « Un Flic »...
Par Sullivan Le Postec • 29 septembre 2011
La série « Un Flic » revient vendredi 30 septembre et le suivant pour deux épisodes inédits dans lequel le public retrouvera le Commissaire Schneider.

En terme de diffusion, le démarrage de « Un Flic » a été un peu poussif : après le Pilote, diffusé en février 2007, il avait fallu attendre 14 mois avant que France 2 puisse programmer deux nouveaux épisodes. Et après cela, 18 mois étaient encore passés avant l’arrivée d’inédits. Fidéliser un public dans ces conditions relève du défi, mais « Un Flic » l’a réussi.

Aux origines

Depuis 2009, Schneider et son équipe reviennent désormais à chaque rentrée sur France2. La chaîne diffuse ce vendredi et le suivant deux inédit, « Pink Panthers » et « Jackpot », les épisodes 10 et 11. Bizarrement, elle enchaînera le vendredi suivant avec la rediffusion de l’épisode 5, « Ligne de Fuite » alors qu’elle dispose d’un douzième inédit, « La Veuve Noire », tourné l’hiver dernier en même temps que les deux autres...

« Un Flic » est un concept de Hugues Pagan (le créateur de « Police District ») qu’il co-écrit depuis le départ avec Marc Rosati. Le scénariste et romancier, ex-flic, le mène en parallèle de « Nicolas Le Floch » qui reviendra lui-même cet hiver pour deux nouvelles aventures. Le héros de la série est Schneider, ‘‘un flic propre dans un monde salle’’ : c’est ainsi que Pagan avait présenté le personnage au réalisateur Frédéric Tellier, qui a mis en scène les trois premiers épisodes (voir notre interview carrière avec Frédéric Tellier, dont une large portion est consacrée à « Un Flic »).
Le monde salle de la série est même au départ quasi crépusculaire, violent et corrompu, comme en décomposition. Schneider y navigue, taiseux et fermé, comme un personnage issu d’un autre temps, qui découvrirait horrifié notre horreur contemporaine. Le souvenir du premier épisode, regardé plutôt par hasard à l’hiver 2007, est encore vivace dans ma mémoire. J’avais commencé le visionnage en faisant autre chose, j’allais bientôt être totalement happé par l’ambiance visuelle et sonore unique de cette histoire, titrée « Confusions des peines ».

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Retour à Un Flic

Semé par la diffusion très espacée des épisodes, et découragé après en avoir raté, « Pink Panthers » et « Jackpot » constituent mon retour à « Un Flic », que je n’avais pas revue depuis ses trois premiers épisodes. Et depuis, pas mal de choses ont changées. Schneider n’a plus le même visage : Gaëtan Kondzot, qui a créé le personnage, a laissé la place à Alex Descas. Patrick Dewolf a pris le relais de la réalisation.
Surtout, l’ambiance de la série a pas mal évoluée, d’une façon qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler « Nicolas Le Floch ». Certes, il s’agit là d’une conséquence du format de la série, qui explore dans chaque épisode un nouveau milieu, ce qui la conduit forcément à proposer des épisodes différents les uns des autres. Mais, plus profondément, il y a aussi une volonté de rendre le personnage de Schneider plus accessible : il est plus ouvert et communique davantage, l’aspect choral de la série a été intensifié. L’Univers est moins noir, et l’ambiance visuelle de la série s’est normalisée. C’est particulièrement gênant dans l’épisode « Pink Panthers ».

L’épisode commence alors qu’un père de famille amène sa fille à son cours de danse. En sortant du bâtiment, il est visé par trois tireurs surarmés, visiblement bien décidés à l’exécuter. Mais l’homme, Jérôme Vidal, a de la ressource : un flingue caché dans sa voiture et un gilet pare-balle qu’il porte visiblement tout le temps. Il parvient à s’en sortir et à s’échapper. Schneider, Alex et Tourneur doivent comprendre qui est cet homme, et qui sont les ennemis très puissants qui lui en veulent : les Pink Panthers, une bande de braqueurs de bijouteries d’origine Russe...
L’épisode se veut réaliste et classique. Mais classique, il l’est tellement qu’il en devient assez générique : il n’existe plus beaucoup de différences entre cette version de « Un Flic » et l’unitaire policier du jeudi qui a fait les beaux jours de TF1 dans les années 90.

Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au « Luther » de la BBC, là aussi un polar à l’univers singulier. Après une première saison aux résultats d’audience contrastés (un excellent démarrage, une chute assez sévère au fil des semaines), la chaîne britannique a cherché un moyen de proposer une saison plus accueillante pour le grand public. Mais elle est parvenue à le faire sans étouffer la singularité de la série et la puissance de son personnage principal.
A cet exercice, France 2 échoue clairement et de manière répétée. Sa volonté ‘‘d’ouvrir’’ ses séries se termine invariablement par une banalisation. Le décor invraisemblable du commissariat, avec mobilier design dans les bureaux, vue sur la seine et terrasses éclairées au néon de couleur suffit lui-même à affaiblir sérieusement toute velléité de réalisme (c’est presque un soulagement de se retrouver dans la salle de pause où s’entassent les cartons). Il est pourtant tout à fait possible de rendre esthétique des décors crédibles.

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Heureusement, « Jackpot », diffusé vendredi 7 octobre, est beaucoup plus réussi. Pourtant, il pourrait sembler encore plus éloigné de l’ambiance initiale de la série puisqu’il est beaucoup axé sur la comédie. Par le biais d’une lutte de territoire entre bandes gérant des machines à sous clandestines, Schneider y recroise la route d’une figure de son passé, Charly Chan, devenu un petit Parrain. Charly a pris l’habitude de s’entourer de benêts et de bras cassés, attirés par l’argent facile, qui font le sale boulot avant que, manipulateur hors-pair, il ne parvienne à les pousser à s’entre-tuer, ou bien à leur faire porter le chapeau et les envoyer au prison.
« Jackpot » joue dès lors beaucoup sur un humour noir acerbe. S’il faut quelques minutes pour se faire à cette atmosphère à la fois noire et décalée, elle se révèle assez réjouissante. Cela permet de passer outre les quelques défauts de l’épisode (notamment des séquences mettant en scène une journaliste, paresseuses dans leur conception et pas du tout crédible).

Ce retour à « Un Flic » me laisse donc des impressions contrastées, éloignées de mon coup de cœur initial pour les débuts de la série. Tiraillée entre des influences contradictoires, « Un Flic » court le risque d’y perdre l’identité qui faisait sa force, la rendant unique...


Retrouvez un court entretien, mis en ligne par la production, dans lequel le réalisateur Patrick Dewolf évoque les trois épisodes inédits tournés cet hiver.

Post Scriptum

« Un Flic »
« Pink Panthers » – « Jackpot » : 2x90’.
Une production Image et Compagnie pour France 2.
Écrit par : Hugues Pagan et Marc Rosati.
Produit par : Nicole Collet.
Réalisé par : Patrick Dewolf.

Les vendredis 30 septembre et 7 octobre 2011 sur France 2.