UN VILLAGE FRANÇAIS — Saisons 1 & 2 : montée en puissance
De juin 1940 à juin 1941, la première année de Villeneuve sous l’Occupation
Par Sullivan Le Postec • 23 novembre 2010
Diffusés au printemps et à l’automne 2009, les deux premières ‘‘saisons’’ de la série, 12 épisodes en tout, racontent la première année de Villeneuve sous l’Occupation. Le début d’un ambitieux projet censé durer cinq ans.

Juin 1940. Les allemands débarquent à Villeneuve, dans le Jura, alors que personne ne les attendait encore : l’avancée éclair des troupes germaniques a surpris tout le monde. C’est le début de cinq années d’Occupation, dont « Un Village Français » entend rendre compte en autant de livraisons de douze épisodes. Si le public, et France 3, le permettent.

Pour son ouverture, la série a un avantage qu’elle aura encore souvent par la suite : celui d’une Histoire, avec un grand H, forte, spectaculaire et riche qui offre de multiples pistes narratives pour une fiction sérielle. L’arrivée non-anticipée des allemands qui occupent le Jura permet une introduction riche en enjeux qui accroche rapidement le spectateur. Même si, un an plus tard, je ne comprends toujours pas vraiment le premier quart d’heure du premier épisode, qui ne sert qu’à l’élément « soap » de la série, c’est-à-dire à établir les relations entre les différents personnages, que j’aurais autant aimé découvrir dans le feu de l’action. Une concession, peut-être, au public France 3 – sans doute judicieuse d’ailleurs, et le succès de la première saison (4,8 millions de téléspectateurs en moyenne) tend à le prouver.
Dans l’ensemble, la situation d’entrée est prenante et intense, ce que confirme le deuxième épisode, huis-clos tout en tension, qui ne souffre pas de l’ellipse de deux semaines qui le sépare du premier épisode. Ce ne sera pas forcément toujours le cas par la suite. La structure d’origine de la série (un épisode raconte une journée, douze épisodes couvrent un an, on suit donc, grosso modo, douze journées situées à un mois d’intervalle) participant un peu, parfois, à faire redescendre la tension.

Techniquement, la série est sans faute : la photographie est très réussie, la structure scénaristique des épisodes sans impairs, la réalisation classieuse, et l’interprétation à la hauteur des ambitions de l’ensemble. On notera quand même qu’une partie du public a pris en grippe le personnage de Lucienne, l’institutrice incarnée par Marie Kremer. L’interprétation de l’actrice est pourtant juste, et l’anecdote soulève avant tout à nouveau le débat d’une certaine incapacité des français à accepter des character-actors un peu hors-normes, débordant d’une personnalité particulière, qu’ils aiment en revanche dans les séries étrangères.

Malgré cette réussite globale, la série m’a initialement parue un peu froide, et je n’ai pas réussi à réellement m’y attacher. Le refus du manichéisme, de montrer des bons manifestes face à des méchants évidents, bref de s’intéresser à la zone grise, conduit dans un premier temps à une certaine atténuation des conflits, et à une mise en sourdine des émotions.
Cette distance est aussi, nécessairement, le résultat de la mise en scène de Philippe Triboit, dont c’est une des caractéristiques stylistiques.

A cet égard, la deuxième série de six épisodes, suite de la première année d’Occupation, mais baptisée saison 2 pour ne pas être trop confus vis-à-vis des téléspectateurs, marque une rupture franche. La réalisation d’Olivier Guignard nous rapproche des personnages, et insuffle un souffle nouveau. L’écriture va d’ailleurs dans le même sens, qui introduit notamment un personnage tel que celui de d’Armelle Deutsch, prostituée qui apporte une petite touche de fantaisie — qui aurait gagné à être poussée plus loin : la série en manque un peu.

Et puis, tout simplement, le temps fait son œuvre en cela qu’il permet d’approfondir les caractères, les situations, et de pousser de plus en plus loin les personnages dans des impasses. On pense par exemple à l’histoire d’amour, qu’on sent immédiatement destinée à la tragédie, qui prend naissance entre Lucienne et l’allemand Kurt. Les trajectoires des différents personnages s’affirment et composent un portrait de plus en plus complexe de la société française sous l’Occupation.

La première année du « Village Français » a donc joué son rôle dans le cadre de son projet au long cours : celle d’une introduction qui fait progressivement monter en puissance le potentiel narratif de la série. On entre dans le cœur du développement narratif dès la saison 3, diffusée à partir du dimanche 28 novembre...


A lire aussi :

A venir, un grand entretien avec le réalisateur Philippe Triboit et une interview avec Jean-Marc Brondolo, réalisateur des épisodes 7 à 12 de la saison 3.

Dernière mise à jour
le 23 novembre 2010 à 01h15