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21 Drum Street - Pourquoi c’est important que Daredevil nous parle de son papa

N°51: Tu sais que tu as tort, Jéjé !

Par Conundrum, le 19 juillet 2015
Publié le
19 juillet 2015
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Dans le dernier podcast de pErDUSA, Jéjé était agacé par la fixation des personnages masculins principaux de Daredevil, et de manière plus générale dans les séries adaptées de comic books, sur leur relation avec leur père.

Si on peut difficilement ignorer une vision un peu sexiste des personnages féminins, j’ai beaucoup plus de mal avec ce reproche.

C’est un peu comme si on reprochait la présence de races extra-terrestres à Babylon 5 ou de rires enregistrés dans Cheers. Oui, on pourrait faire sans, mais ça dénaturerait profondément le genre et ce serait un peu débile.

En effet, avant d’être une chouette série de Netflix, Daredevil était un comic book Marvel. La maison d’édition a établi sa réputation et son succès sur une redéfinition des comic book de super héros dans les années 60. DC, son principal compétiteur, publiait Superman, Wonder Woman, et Flash. Il s’agissait de super héros que le jeune public pouvait aisément idéaliser. On s’émerveille devant la force et les pouvoirs de ces super héros.

Marvel, dans les années 60 a lancé la publication, entre autre, de Spider-Man, des X-Men et de Daredevil avec une stratégie différente. L’émerveillement cède la place à l’identification. Certes, nos héros ont des pouvoirs, mais ils viennent avec un prix. Matt Murdock hérite de ses pouvoirs en perdant la vue, les X-Men sont persécutés parce qu’ils sont différents et les pouvoirs de Bruce Banner se manifestent au prix de son self control. Grâce à l’aspect tragique lié à l’acquisition de leur pouvoirs, les alter égos des super héros deviennent alors plus humains.

L’identification au héros se joue aussi sur un second tableau, pour parler à jeune public, il faut faire appel à des thématiques qu’il peut comprendre. Et, pour des adolescents, les quatre principaux axes d’appel sont les filles, les amis, l’école et, oui Jéjé, les parents. Peter Parker est un orphelin qui est indirectement responsable de la mort de sa figure paternelle, les X-Men vivent en pensionnat loin de leurs parents (morts, qui les rejettent à cause de leur différence ou qui ne peuvent pas les aider ou les comprendre) et Matt Murdock est élevé par son père. La dimension familiale est ancrée dans l’ADN des comics de Marvel. Et ce n’est pas pour rien que Batman est souvent présenté comme un super-héros de Marvel dans l’univers de DC.

Et c’est exactement la même recette qui a fait les succès des teen shows. Et DC l’a très bien compris avec leur univers sériel. Green Arrow, le mix de Robin des Bois et de Batman, devient alors un riche playboy qui assiste à la mort de son père et qui lutte contre le crime dans sa ville pour réparer les erreurs commises par ses parents. The Flash, ce scientifique qui lors d’un accident dans son laboratoire devient alors un jeune homme dont la mère est morte sous ses yeux qui cherche à prouver l’innocence de son père. Et même en remontant dans le passé, les parents Kent étaient des éléments très présents à la fois dans Smallville et Lois et Clark.

Les comic book et les teen shows étant principalement orientés vers un jeune public se doivent d’incorporer la relation de leurs héros avec leurs parents. A la télévision, le teen show est le véhicule le plus fréquent pour adapter les comic books. Il y a bien eu The Tick ou Batman ’66 côté comédies, mais il s’agit plus d’exceptions que la règle. Et c’est là où Marvel surprend.

Son incursion télévisuelle n’allait pas sur ce territoire jusque là. Si la filiation de Skye est devenue un thème principal de la saison 2 de l’Agence Tout S.H.I.E.L.D., ce n’est pas un des aspects principaux de la série. Et Agent Carter s’éloigne encore plus de cette thématique. Daredevil, version Netflix, est la première série Marvel qui reprend ces codes de manière aussi forte. Cela s’explique par le fait qu’il s’agit de la première adaptation d’un comic book Marvel. Les personnages d’Agents of S.H.I.E.L.D. sont, pour la plupart, des inventions de la série incorporés plus tard à la mythologie des comic books et Agent Carter est le spin off d’un film. Daredevil s’inspire directement du comic book éponyme.

C’est pour cela que ce qui agace Jéjé, cette insistance sur la relation entre Matt et son père, rend la série remarquable. La version Netflix de Daredevil parle de la relation forte d’une famille monoparentale et d’un secret de famille (la raison de la mort de Jack) qui a cimenté en Matt la recherche de la justice. Parce qu’avant d’être Daredevil, Murdock est aussi et principalement un avocat qui cherche à aider sa ville et sa communauté. [1] Netflix n’a pas choisi la voie facile du teen drama avec les origines de Daredevil ou un Matt Murdock à la fac. Il s’agit d’un homme adulte qui gère le fait d’être un enfant unique élevé par son père décédé dans des circonstances tragiques. Le thème peut te paraitre enfantin, Jéjé, mais non seulement ça aurait été idiot de ne pas aborder le sujet, mais en plus la série a le mérite de pas choisir la manière facile et évidente, le teen drama, pour l’aborder.

Non, je sais qu’on dit du mal des séries et qu’on le pense, mais sur ce coup, tu sais que tu as tort, Jéjé.

Conundrum
P.S. Et puis si tu veux d’un Daredevil sans qu’on parle de son père, t’as le film avec Ben Affleck, hein.
Notes

[1Hé, mais ça ne serait pas le second aspect qui t’agace mon petit Jéjé ? Le fameux Myyyy Ciiiiityyyyyy  !!!!?