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Mr Robot - Présentation et avis sur la première saison de la série d’un pirate parano

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Par Ju, le 5 août 2015
Par Ju
Publié le
5 août 2015
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Si je n’écrivais pas pour un site de critiques de séries télés, je serais le premier à vous expliquer qu’il n’y a rien de mieux que de découvrir une série complètement à l’aveugle, sans rien en savoir, et la laisser de présenter d’elle-même. Ça serait honnête, certes, mais ça serait contre-productif : j’aime quand mes articles sont lus.

Mais maintenant que vous avez ouvert cette page, soyons sérieux.

Je ne saurais trop vous conseiller d’aller regarder Mr. Robot sans lire la moindre ligne de ce qui suit. C’est pour votre bien. Je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais regarder quand j’ai commencé mon rattrapage des six premiers épisodes de la série, à un gros détail près, et je vous invite vivement à faire de même.

J’imagine que vous pourrez revenir quand vous aurez tout vu.

Allez, ouste !

Qu’est-ce que c’est ?

Mr. Robot est la nouvelle série de USA Network, lancée fin juin. Elle a été créée par Sam Esmail et a été renouvelée pour une saison 2 de dix épisodes avant même la diffusion du pilote.

C’est également une série à l’opposé de l’image que je me faisais du network USA, que j’ai l’habitude de réduire à ses séries positives et ensoleillées comme White Collar, Monk ou Suits.

Mr. Robot n’est ni très positive, ni très ensoleillée.

De quoi ça parle ?

Elliot est un hackeur asocial à capuche qui déteste son boulot et passe son temps libre à deviner les mots de passes de ses connaissances pour espionner leurs vies. Occasionnellement, il utilise ses talents pour faire chanter des ordures ou se payer de la drogue, et éviter de vivre dans le monde réel.

Son existence pépère est bousculée quand il est contacté par un groupe de hackeurs anarchistes et ambitieux dirigés par un certain « Mr. Robot ».

C’est avec qui ?

C’est avec plein d’acteurs dont vous serez incapables de vous souvenirs de où vous les avez vu.

Elliot est interprété par Rami Malek (The Pacific), qui est entouré de Portia Doubleday (Mr. Sunshine, yay !), Carly Chaikin (Suburgatory), Michel Gill (House of Cards) ou encore Ben Rappaport (Carey dans The Good Wife).

Christian Slater est le Monsieur Robot du titre de la série.

Et il y a quelque chose de bizarre dans Mr. Robot, non ?

C’est une vraie excellente question, que je me félicite d’avoir posée.

En effet, il y a bien quelque chose de bizarre dans Mr. Robot. En l’occurrence, Mr. Robot est très fier de ses plafonds. Ou alors, la série est allergique au haut de l’écran. Ou alors, elle a un cadreur trop grand qui a un problème de dos.

Jugez plutôt, à l’aide de ces captures d’écran non recadrées :

(On notera également que Mr. Robot est fétichiste des panneaux rouges « EXIT », même si ce n’est pas le sujet.)

Visuellement, Mr. Robot est une série hyper soignée et vraiment jolie. Mais sa manie de cadrer les acteurs 30% trop bas (une manie qui apparait au deuxième épisode sans raison particulière) est vraiment distrayante.

Et il n’y a rien d’autre de bizarre dans Mr. Robot ?

Si, il y a effectivement quelque chose de très bizarre, et de plutôt essentiel à la série, dont je préfère ne pas parler tout de suite. Mais je vous rassure, vous n’êtes pas fou, ce truc bizarre est bien réel et existe ailleurs que dans votre tête.

Ok, donc, elle est bien cette série ?

Oui.

Elle est même vraiment, vraiment réussie.

Je suis ressorti des six premiers épisodes de Mr. Robot plutôt bluffé, vraiment ravi, et incapable de garder ça pour moi. Mr. Robot est une belle claque, et je le répète, je ne saurais trop vous conseiller de la découvrir en en sachant le moins possible.

Je suis volontairement resté vague en décrivant l’histoire de la série pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte à ceux qui hésitent encore à se lancer, et je vais essayer de continuer sur cette lancée. Mais ne prenez pas ça comme le signe d’un manque de profondeur ou de simplicité de l’histoire, il s’agit juste d’une vraie volonté de ne pas trop en dévoiler.

Ce que je peux dire sans problème, par contre, c’est que Mr. Robot est une série très soignée.

Sur le plan visuel, déjà, c’est assez magnifique. Le soin apporté à la réalisation, l’imagination de la mise en scène, et l’utilisation des rues de New York m’ont fait énormément penser à la regrettée Rubicon (sans parler du fait que les deux protagonistes sont des mecs brillants complètement renfermés sur eux-mêmes), ce qui est un énorme compliment. Ok, comme je l’ai dit plus haut, le tic qui consiste à filmer les acteurs trop bas est un peu distrayant, mais pas suffisamment pour gâcher la composition des plans.
La musique est également superbe, avec une ambiance gentiment techno toute en discrétion, presque irréelle, et contribue parfaitement à l’atmosphère et à l’identité de la série.

Mr. Robot jouit d’un vrai soin apporté à l’ensemble de la production. Cela passe par des détails (tout le code qu’on voit à l’écran est correct, tous les hacks sont crédibles) comme par des éléments plus importants : le téléspectateur est en permanence dans la tête d’Elliott, existe à travers lui, et voit le monde à travers ses yeux et ses oreilles.
Cela se traduit par des affiches publicitaires détournées, visibles pendant quelques plans quand il passe devant, le fait qu’on entende en permanence le nom de la société au cœur de la série comme « Evil Corp » plutôt que « E Corp », et par un dernier élément dont je refuse toujours de parler.

Et non, je vous arrête tout de suite, passer autant de temps dans la tête d’un hackeur dépressif n’a rien d’ennuyeux.

Certes, Elliott est hyper cynique, mais il est facile à aimer.
Ou alors c’est parce qu’il est hyper cynique que je le trouve facile à aimer.
Je ne sais pas, vous me direz.

Le fait est que Rami Malek et ses yeux globuleux sont absolument géniaux dans le rôle d’Elliott. Je ne le connaissais pas du tout avant, et il est une vraie révélation. (C’est également le cas de Martin Wallström, qui joue Tyrell Wellick, l’autre personnage central de la série).
L’un comme l’autre incarnent pourtant des personnages qui peuvent ressembler, à première vue, à des clichés ambulants. Elliott est un hackeur asocial, Tyrell un jeune loup aux dents longues. Et pourtant, ça passe sans problème. Sans doute parce que la série est bien écrite, et parce que Sam Esmail est très conscient des codes avec lesquels ils jouent.

En particulier, j’apprécie énormément que les adversaires d’Elliott et Tyrell soient toujours très intelligents et ne leur servent pas juste de faire-valoir. La série évite ainsi de tomber dans le syndrome House of Cards (où Frank Underwood est un manipulateur expert qui ne manipule, avec expertise, de profonds abrutis). Tyrell n’est pas un Jim Profit sous Linux, et la série en ressort grandie, plus passionnante, et bien moins prévisible.
Un autre exemple de codes parfaitement approprié par Esmail : la voix-off. Ici, il ne s’agit pas juste d’être dans la tête d’Elliott et d’entendre ses pensées sur un ton monotone, la voix-off a un rôle à jouer dans la narration. En l’occurrence, la série s’ouvre au moment même où Elliott décide de commencer à parler à un ami imaginaire (nous, en l’occurrence) et chacune de ses interventions est un rappel supplémentaire que tout ne tourne pas tout à fait rond chez lui.

Car oui, au cœur du récit se trouve un personnage déséquilibré. Mr. Robot est une série qu’on découvre à travers le filtre d’un mec qui ne va pas très bien. En découle des histoires rythmées, pas toujours linéaires, voire même plutôt sombres.
Comme je le disais, c’est à l’opposé total de l’idée que je me faisais des séries diffusées par USA. Il y a même un peu de cul, quelques « fuck » censurés, et un côté irrévérencieux et cynique qui fait beaucoup de bien.

Je le répète une dernière fois : je ne saurais trop vous conseiller Mr. Robot.
Regardez donc le pilote et essayez d’arrêter, pour voir.

Et donc, ce truc bizarre dans Mr. Robot, c’est quoi ?

D’un côté, j’hésite à aborder ce point pour ne pas accorder trop d’importance à un élément anecdotique de la série. De l’autre, j’ai vraiment envie d’en parler.

Si vous n’êtes pas déjà au courant, félicitation, vous avez plus de chance que moi. Il s’agit de quelque chose d’évident quand on le sait, mais qui peut échapper à quelqu’un qui regarderait la série pour la première fois sans trop faire attention.

Donc si vous savez déjà de quoi je veux parler, vous pouvez continuer, sinon je vous déconseille d’aller lire ce qui se trouve derrière cette chouette capture d’écran, cadrée de façon totalement normale et pas du tout trop décalée dans un coin isolé de l’écran.

J’adore la façon dont l’existence de Mr. Robot n’est jamais confirmée ou infirmée.

A priori, tout porte à croire que Mr. Robot n’existe pas, qu’il est une invention d’Elliott ou qu’Elliot est Mr Robot. C’est du moins ma lecture de la série : on est complètement dans la copie de Fight Club, Mr. Robot est le Tyler Durden d’un narrateur peu fiable (ils vont même jusqu’à avoir le même plan, détruire la dette mondiale, c’est dire). Mr. Robot est le Hobbes de Calvin. L’Estelle de Tigrou.

En effet, personne ne réagit à ce que dit Mr. Robot, personne ne parle non plus de lui comme d’un être à part entière. Quand il semble avoir des conversations avec d’autres personnages, Elliott est toujours présent. Et si on le retire des scènes, tout laisse à croire que Darlene est à la tête de fsociety, pas lui.

Ce que j’apprécie particulièrement, c’est que l’ambiguïté semble être absolument volontaire.

Ce que je veux dire par là, c’est que je ne crois pas qu’il s’agisse d’un énorme rebondissement sensé nous surprendre dans le dernier épisode de la saison/série. Je pense vraiment que Sam Esmail joue avec le fait que les trois quarts des téléspectateurs se sont rendus compte du truc, et qu’il joue en permanence avec le fait qu’il est impossible d’en avoir la confirmation dans un sens ou dans l’autre.

Pour preuve, le début du cinquième épisode où, pour la première fois de la série, Mr. Robot interagit avec le monde qui l’entoure. Bruyamment. Il parle à des gens, il les touche, on lui répond, il vole une carte de sécurité, autant de choses qu’ils n’a pas fait du tout dans les épisodes précédents.
Puis Christian Slater se rassoit gentiment, l’air hyper satisfait, à la limite de faire un clin d’œil à la caméra. Aucun doute possible, Mr Robot se fout de nous.

Et c’est très bien comme ça.

Les doutes qu’on peut avoir sur l’existence de Mr. Robot contribuent complètement à nous placer dans la tête d’Elliott, et à partager le malaise dans lequel il évolue. (Ironiquement, l’existence de Mr. Robot fait partie des rares choses dont il ne doute pas.)
Ou comment transformer une idée qui aurait pu être bancale en une richesse supplémentaire, un outil narratif comme un autre pour nous faire douter de ce qu’on voit.

Que Monsieur Robot existe ou pas, peu importe.

Que Mr. Robot existe dans cet été bien vide niveau séries, par contre, ça fait vraiment plaisir.

Ju