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#09 - Les fausses nouveautés du numérique

jeudi 3 novembre 2005, par pascal28

Depuis quelques années, les techniques audiovisuelles sont en train de migrer vers du tout numérique (passage de la VHS au DVD, de la télévision SECAM à la TNT...). Afin d’inciter les consommateurs à suivre la tendance, les industriels nous ont vendus une quantité de nouvelles fonctionnalités devant être un plus par rapport aux techniques analogiques. Mais ces nouveautés le sont-elles réellement ? Réelles avancées ou coup de génie des commerciaux ?

Dans cet article nous allons nous arrêter sur quelques arguments avancés pour passer au tout numérique qui ne sont peut-être pas tant justifiés que cela.

Une meilleure qualité d’image et de son
Cet argument est le fer de lance de l’argumentaire du passage au numérique. Sur le papier, cela est vrai. Les principes de base de la transmission numérique font qu’une fois le signal numérisé, il est très robustes face au parasitage, souffle et dégradations diverses. Mais nous verrons un peu plus loin que dans les faits, c’est loin d’être toujours le cas.

Une diffusion en multilingue
Contrairement aux idées reçues, le stockage et la diffusion d’un programme en plusieurs langues n’a pas attendu le numérique pour exister. De nombreux exemples étaient déjà en service avant l’avènement du numérique.
En transmission de télévision, les allemands ont la capacité de diffuser des programmes en 2 langues sur le réseau hertzien. Le principe consiste à utiliser la stéréo (disponible en Allemagne pour les transmissions télévisées depuis les années 70). Au lieu de diffuser un programme en stéréo, en cas le besoin les diffuseurs peuvent utiliser les 2 canaux audio pour proposer du bilingue en mono.
Pour le satellite, le multilingue est également disponible depuis des années. Pour les fans du sat de la première heure, nombreux sont ceux qui se souviennent de la diffusion de TNT la chaîne de cinéma paneuropéenne en 5 langues ou de Euronews qui était déjà polyglotte du temps de l’analogique. Contrairement à la diffusion hertzienne, la VM par satellite en analogique peut être en stéréo.
Pour le stockage, tout comme la transmission hertzienne, en utilisant la stéréo, il est possible d’archiver un programme en 2 langues mono sur une cassette VHS.

Le sous-titrage optionnel
Les personnes sourdes connaissent très bien cette technologie. En transmission télévisuelle, au début des années 80 le procédé utilisé était appelé Antiope. Son principe consiste à encoder sous forme de données informatiques dans des lignes hors de l’image le texte que l’on veut faire afficher. Les personnes équipées d’un décodeur pouvaient faire afficher le texte contenu dans ces lignes cachées. Par la suite, ce procédé fut abandonné au profit du télétexte plus performant et standard à toute l’Europe.
Pour les magnétoscopes, ce système existe également. Il est très utilisé sur les VHS pré-enregistrées en Grande Bretagne. L’utilisateur n’a plus qu’à brancher un décodeur sur sont magnétoscope pour faire apparaître les sous-titres. Si on en avait vraiment eu envie, il aurait été tout à fait possible de l’utiliser en France. On aurait même pu imaginer des dispositifs pour intégrer ces décodeurs dans les magnétoscopes et même enregistrer les sous-titres fournis par le télétexte pour visionner son enregistrement avec un sous-titrage optionnel. (tout comme on le fait avec les DVD aujourd’hui)

Le Guide Electronique des Programmes et les Services Interactifs
Cette fonction permet de faire afficher du texte et des images fixes sur son écran. On s’en sert principalement pour donner les grilles des programmes et de multiples services interactifs tels que la météo, les infos ou les résultats sportifs. Mais ceci existe déjà sur la plupart des téléviseurs : il s’agit du télétexte.

La diffusion en 16/9
Une diffusion d’image au format large est un autre gros argument avancé pour « vendre » le numérique. Mais là encore, les allemands ont été le premiers à proposer du 16/9 en analogique grâce au PAL+. Pour faire passer image plus grande dans signal conçu pour du 4/3, il faut faire passer les informations supplémentaires avec un autre encodage qui ne perturbe pas les téléviseurs 4/3 tout en étant reconnus par les écrans 16/9. C’est naturellement que la diffusion PAL+ utilise les lignes se trouvant dans les bandes noires (en haut et en bas) pour diffuser les informations manquantes. En France, notre système de diffusion ne permet par d’utiliser le dispositif allemand tel quel (SECAM oblige), il aurait été tout à fait possible de l’adapter facilement s’il y avait eu des volontés...

De toutes ces « nouveautés » techniques grâce au numérique, qu’en est-il réellement ?

La qualité d’image et du son
Pour les DVD l’amélioration face au VHS est indéniable, mais c’est du coté de la transmission télévisuelle que le bas blesse. La dégradation du signal n’a plus lieu pendant la transmission mais lors de l’encodage numérique à la source. En effet, plus une chaîne veut proposer un grain d’image fin, plus la place nécessaire au sein d’un multiplex de diffusion sera importante : en clair, ça coûte plus cher ! Avec la diffusion analogique, que l’image soit bonne ou mauvaise, le coût de transmission était le même. Avec le numérique, comme il est possible de jouer sur la qualité pour limiter les coûts, de plus en plus de chaîne ont tendance à volontairement dégrader leurs images pour faire des économies. Avec cette méthode, il arrive parfois qu’une image numérique puisse avoir une qualité bien inférieure à ce que peut donner une bonne réception en analogique. Il en est de même pour le son.

La diffusion multilingue
Par rapport à l’analogique, le numérique permet de proposer une quantité beaucoup plus importante de langues, le tout en stéréo. Dans la pratique, il s’avère que le point le plus bloquant n’est pas l’aspect technique de la diffusion en VM, mais la production du signal (se procurer les copies, rédiger les sous-titres, fabriquer les bandes son supplémentaires, avoir les droits de diffusion, etc...) Finalement, à l’exception des chaînes cinéma et quelques rares autre, la VM est quasi inexistante. L’arrivée du numérique n’a pas vraiment fait évoluer la situation.

Le guide électronique des programmes et les service interactifs
Le principal point positif, c’est que c’est plus joli que le télétexte. Mais coté contenu, finalement sommes-nous réellement gagnants ? Les services de base du télétexte (info, météo, articles divers) sont bel et bien présents au sein des bouquets numériques mais peuvent être dorénavant payant ! On peut même constater qu’un grand nombre de chaîne proposant un télétexte en diffusion hetzienne, le perde sur la diffusion numérique sous prétexte que les mêmes infos sont disponibles au sein du moteur interactif du bouquet (petit bémol, certains deviennent payant au passage).

Le 16/9
Je ne vais pas revenir sur les raisons qui nous ont fait aboutir à cette situation (un article entier y a déjà été consacré), mais on constate que « grâce au numérique », nous disposons aujourd’hui de 4 chaînes en 16/9. Cela fait peu pour plus de 200 chaînes dans le PAF. Mais pour être tout à fait honnête, on peut espérer que grâce à la TNT (voir l’article consacré au 16/9) la situation puisse enfin s’améliorer.

Alors, qu’en penser ?
A la vue de ce bilan, on peut constater qu’il n’était pas forcément nécessaire d’abandonner l’analogique pour bénéficier de ces fonctionnalités qui nous sont accessibles « grâce au numérique ». Il faut tout de même être honnête, le passage au numérique a permis d’augmenter les capacités et d’améliorer de manière conséquente la qualité de ces services.
Mais dans la pratique, c’est « nouvelles » fonctions sont très souvent sous exploitées. Ne nous auraient-elle pas été annoncées juste pour accentuer les avantages du numérique ? Car si les diffuseurs voulaient tant que cela nous proposer de la VM ou du 16/9 à gogo, il aurait été possible de le faire depuis très longtemps, sans nous obliger à renouveler tout un parc de réception. La principale motivation de ce passage vers le numérique n’aurait-il pas été la réduction des coûts pour les diffuseurs ?
Bien entendu, je ne suis pas passéiste et je ne veux en aucun cas le retour vers l’analogique car effectivement, quand la technologie est bien exploitée, il nous est possible de profiter de réelles avancées comme le 5.1 ou le passage vers la HD. Mais au regard de ce qui c’est déjà passé, ces avancées vont-elles être réellement exploitées ? Ne nous aurait-on pas légèrement sur-vendu les vertus du numérique afin de s’assurer avec plus de certitude un renouvellement rapide du matériel des consommateurs sans que ceux-ci aient eu l’impression de se faire légèrement forcer la main ?

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