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#12 - Les enjeux des normes de la diffusion numérique terrestre
samedi 15 avril 2006, par
Depuis son lancement commercial en France il y a tout juste un an, la télévision numérique terrestre gratuite rencontre un succès dont l’ampleur a surpris ses promoteurs eux-mêmes, avec près de deux millions de décodeurs vendus à ce jour. En Europe, en Amérique du Nord et surtout en Asie, l’engouement est le même, les quelques balbutiements constatés dans les pays « pionniers » comme l’Espagne ou le Royaume-Uni (qui s’était lancé dès 2000), n’étant plus qu’un mauvais souvenir. Il existe mêmes des régions où la réception de la télévision hertzienne terrestre n’est plus possible qu’en mode numérique : c’est par exemple le cas du Land de Berlin, en Allemagne, depuis l’été 2003. Seulement, voilà : la norme de télévision numérique terrestre Européenne (Digital Video Broadcasting-Terrestrial, DVB-T), telle qu’elle est actuellement implantée, ne permet pas la réception mobile, et dans l’immense majorité des cas il demeure même nécessaire, pour obtenir une réception fiable, d’avoir recours à l’antenne extérieure fixée sur le toit.
Le DVB-T : Le SECAM du mobile
L’idée a donc germé, il y a un peu plus de quatre ans, d’adapter le DVB-T pour autoriser aussi la réception des programmes en mobilité. Plusieurs essais ont été menés à cette fin dans différents pays Européens, lesquels ont pointé des difficultés quasi-insurmontables. En effet, le DVB-T, pour fonctionner correctement en mode « nomade », doit être planifié avec une marge supplémentaire de 17 dB par rapport au mode « réception fixe ». Concrètement, cela signifie que là où un émetteur de 10 kW rayonnés est à même d’offrir une bonne couverture avec des antennes montées en toiture, il faudrait 500 kW pour couvrir la même zone en mobilité ; cela coûterait fort cher en terme de réseau de diffusion, sans compter que les contraintes liées à la coordination internationale des fréquences ont pour effet de limiter la puissance des émetteurs de télévision numérique à 200 kW. Last but not least, il n’est là même pas question de couvrir l’intérieur des bâtiments, la réception devant s’effectuer en « diversité », c’est à dire à l’aide de deux antennes distinctes, ce qui réserve alors la réception mobile à des véhicules spécifiquement équipés, à l’exclusion de tout récepteur portatif. Enfin, s’il en était besoin, mentionnons également que, pour des raisons intrinsèques à l’architecture du système, la consommation des récepteurs DVB-T interdit en pratique toute autonomie supérieure à une heure sur batterie...
Afin de tenter de surmonter ces écueils, décision a été prise non plus d’adapter, mais cette fois de modifier la norme DVB-T afin de la rendre réellement « mobile ». C’est ainsi qu’est né le DVB-H (H pour « handheld ») dont la normalisation, très récente, n’est pas encore fixée définitivement. En effet, un certains nombre de points restent en suspens, le plus complexe d’entre eux, pour ne pas dire le plus handicapant, étant lié au niveau de champ réellement requis pour autoriser un fonctionnement fiable du système, ce paramètre ayant un impact de premier plan sur la planification des fréquences et leur disponibilité, mais également sur le coût de déploiement et de fonctionnement des futurs réseaux (un réseau densément maillé, constitué d’émetteur de faible puissance, étant même plus coûteux à déployer qu’un réseau constitué d’émetteurs puissants plus éloignés les uns des autres). En effet, après plusieurs essais menés sur le réseau berlinois de T-Systems il y a quelques mois, mais également sur des réseaux expérimentaux actuellement exploités par TDF et Towercast à Paris ainsi que par NTL à Oxford, il ressort que les niveaux de champ requis sont au moins aussi importants qu’en « DVB-T mobile », voire même supérieurs si l’on souhaite assurer également une réception portative à l’intérieur des bâtiments ; ces données ont d’ailleurs été intégrées à la Recommandation Technique DVB-H publiée à l’ETSI (TR 102 377).
Malgré tout, un certain nombre de points ont été travaillés pour rendre le DVB-H plus adapté que le DVB-T à la mobilité : la première chose a été d’ajouter, en amont de la couche de transport DVB-T qui a été conservée (MPEG2-TS), une couche IP dans laquelle sont encapsulés les programmes transmis, laquelle est protégée des aléas de la propagation, notamment en milieu urbain mobile, par le biais d’un MPE-FEC (Multi Protocol Encapsulation - Forward Error Correction) comprenant un dispositif d’entrelacement temporel des données transmises, inconnue en DVB-T, mais indispensable pour éviter de « perdre le fil » de la réception en cas d’évanouissement temporaire du signal. Ce dispositif autorise la réception des programmes avec une seule antenne, donc sur des récepteurs portatifs. Autre avancée significative : l’introduction du « time slicing », méthode qui permet de ne diffuser les données liées à chaque programme qu’à intervalles réguliers, le récepteur se mettant alors « au repos » lorsque les informations transmise concernent les autres programmes, ce qui limite d’autant sa consommation. Celle-ci étant directement liée au débit diffusé, il a été décidé d’utiliser cette technologie non plus avec des résolutions d’image type DVB-T 4/3 (544x576 pixels) mais plutôt QVGA (320x240 pixels), ce qui est bien suffisant pour une visualisation sur les petits écrans des récepteurs portatifs.
En DVB-H, la norme de compression vidéo utilisée est le MPEG4 H.264 pour l’image et le HE-AAC (AAC+) pour le son.
Néanmoins, les lecteurs familiers de diffusion numérique n’auront pas manqué d’être surpris par un apparent paradoxe : pourquoi ajouter une couche IP, intrinsèquement consommatrice de ressource, pour y encapsuler les programmes au lieu d’utiliser à cette fin la couche de transport, quitte à y appliquer directement le MPE-FEC ? La réponse se situe au coeur des débats qui animent le petit monde de la télévision mobile, et permet de mieux comprendre qui sont les acteurs qui soutiennent le DVB-H avec autant de fougue et pourquoi, quitte parfois à utiliser la désinformation pour promouvoir une technologie qui comporte des inconvénients intrinsèques : en effet, les enjeux sont au moins autant politiques et économiques que techniques.
L’alternative du DMB
Nous y reviendrons un peu plus loin, car, précisément, il est temps de souligner que le DVB-H n’est pas la seule technologie qui prétend jouer un rôle de premier plan dans la télévision mobile de demain : en effet, la question de la diffusion numérique vers les mobiles ne se pose pas depuis le début des années 2000 et l’engouement pour le DVB-T : elle est apparue il y a maintenant 18 ans avec la problématique de la numérisation de la radio. A cette fin, a été développée entre 1988 (date des tous premiers essais) et 1995, date de sa normalisation définitive, une technologie conçue dès le départ pour la réception mobile de la radio à un coût abordable : le DAB (Digital Audio Broadcasting), issu du groupe de travail « Eurêka 147 » initié par l’Union Européenne. Non encore déployée commercialement en France pour des raisons légales et politico-économiques intimement liées (la loi permettant son déploiement commercial n’ayant été finalement votée qu’en juillet 2004, malgré la réticence des principaux groupes de radio en position dominante sur la FM, peu enclins à voir de nouveaux entrants leur prendre des parts de marché à l’occasion de l’arrivée du numérique), cette technologie a fait son chemin dans les pays voisins, notamment en Angleterre où elle est un véritable succès, mais également en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Espagne, en Belgique... Dès 1997, les Allemands ont modifié cette norme européenne pour diffuser de la vidéo en MPEG2 dans les rames ICE (le TGV d’outre-Rhin) à l’aide de réseaux déployés le long des principales lignes à grande vitesse. Les évolutions technologiques disponibles au début des années 2000 ont amené les Sud-Coréens a reprendre cette expérimentation à leur compte, cette fois-ci en MPEG4, et à mener à bien le processus de normalisation de cette « évolution du DAB » au niveau international sous le nom de « DMB », faisant alors du DAB une norme « multimédia », avant de lancer les premiers services commerciaux à Séoul en décembre 2005. La Chine, l’Inde, et surtout l’Allemagne à l’occasion de la coupe du monde de football s’apprêtent à leur tour à lancer des services DMB commerciaux avant la fin du premier semestre 2006. Le Royaume-Uni devrait suivre dans la foulée. La France, de son côté, mène actuellement à Paris une expérimentation en DMB, pilotée par le diffuseur VDL.

Le DAB, conçu dès le départ pour la mobilité (la radio étant intrinsèquement un médium « nomade ») possède un entrelacement temporel natif ainsi qu’un dispositif de protection contre les erreurs sur sa couche radio, qui rend cette technologie très fiable dans des conditions de propagation extrêmes, comme par exemple le long des rues étroites et à l’intérieur des bâtiments. Les niveaux de champ requis sont inférieurs d’environ 20 dB (rapport de 1 à 100) à ceux du DVB-H dans une bande de fréquences donnée (en l’occurrence la bande III VHF, seule destinée, en théorie, à accueillir ces deux technologies). A titre d’exemple, dans cette bande, deux émetteurs de 5 kW de puissance rayonnée en isofréquence suffisent pour couvrir, y compris dans 95% des bâtiments, Paris et la moyenne couronne en DAB. La grande banlieue est, dans ces conditions, couverte en « outdoor » pour la réception mobile alors que dans le même temps le réseau DVB-H parisien le plus abouti, exploité par TDF, comporte 5 émetteurs UHF et ne couvre que Paris et la petite couronne, uniquement en mobile outdoor.
Les programmes DAB sont constitués de flux audio encodés en MPEG I/II couche 2 (MP2).
Le DMB se distingue du DAB par l’ajout d’une couche de transport MPEG2-TS destinée à encapsuler les programmes vidéo et l’audio associé (H.264 QVGA et AAC+), laquelle bénéficie d’une protection additionnelle contre les erreurs de transmission par le biais d’un Reed-Solomon lié à un entrelacement temporel supplémentaire, ce qui fait que le même niveau de champ, donc la même ingénierie radio, est requise tant en DAB qu’en DMB : ainsi, les réseaux DAB déployés depuis une dizaine d’année peuvent, instantanément, être utilisés pour diffuser des programmes DMB avec une qualité de service identique, voire même très légèrement supérieure, et ce d’autant plus facilement que les programmes DMB sont « vus » par les récepteurs DAB de première génération comme des service de données, qui ne gênent en rien le décodage des radios éventuellement diffusées en DAB sur le même multiplexe.
Il est également possible de faire, en DMB, de la « visual radio », c’est à dire de diffuser des programmes audio en AAC+ avec des images d’accompagnement rafraîchies toutes les 2 secondes. Le DMB permet aussi de faire de l’IP tunneling pour transporter les programmes diffusés, mais contrairement au DVB-H il ne s’agit que d’une option, qui n’a encore jamais été retenue... il est désormais temps d’en donner la raison !
Conflits entre diffuseurs de services et diffuseurs de contenus
Le DVB-H, technologie encore balbutiante (à tel point qu’elle n’est pas prise en compte en tant que telle par la Conférence Radio Régionale de l’Union Internationale des Télécommunications qui se tiendra à Genève en mai prochain, et dont l’objectif sera de planifier les bandes de fréquence broadcast pour les services numériques en Europe, Afrique et Moyen-Orient), bénéficie pourtant du soutien sans faille d’un certain nombre d’acteurs puissants... en premier lieu du monde des télécommunications. Le principal soutien de cette technologie est sans conteste Nokia, géant de la téléphonie mobile, qui en fait son cheval de bataille depuis des années, y mettant toute sa force de frappe médiatique, au point de vouloir l’imposer comme la seule norme de télévision mobile en Europe. L’équipementier finlandais souhaite en effet intégrer le DVB-H à ses portables, avec le soutien, notamment, de Sagem et de Motorola. Ses principaux clients, les opérateurs mobiles qui lui achètent des packs pas centaine de milliers, ne sont pas en reste. Et ce sont précisément eux qui sont intéressés au premier chef par la présence de la couche IP !
En effet, depuis le déploiement de la 3G, les services de téléchargement de vidéo, voire la visualisation de concerts en direct comme le propose SFR en France, constituent les services les plus populaires, mais présentent le défaut majeur d’engorger les réseaux UMTS qui, au même moment, ne peuvent que difficilement écouler les services réellement « télécom » que sont le téléchargement de données privées et la visiophonie. L’idéal, pour l’opérateur mobile, consisterait alors à transférer le service de vidéo sur une plateforme broadcast, puisque ce type de contenu est précisément destiné à être visualisé par le plus grand monde, afin de réserver les réseaux UMTS pour les usages strictement « point à point ». Seulement, attention : pas question, dans ce cas-là, de perdre une fraction de ses revenus. Dans la téléphonie mobile plus qu’ailleurs, on veut le beurre et l’argent du beurre. Il est donc exclu d’avoir recours à une technologie broadcast qui ne permettrait pas de pouvoir délivrer instantanément des services systématiquement payants.... tout en se laissant la possibilité, au passage, de faire aussi de l’adressage à l’aide d’un canal dédié, par exemple à destination des flottes de mobiles professionnels appartenant aux principaux clients « entreprise » dudit opérateur !
Pour cette raison, Nokia et consorts poussent au développement exclusif du DVB-H en UHF, ce qui leur permet de simplifier la conception des mobiles « bimodes » utilisant déjà une antenne intégrée dans les bandes de fréquence télécom, à conditions de ne pas dépasser les 700 MHz car sinon se posent des problème de compatibilité électro-magnétique entre la réception de la « télévision » et un appel entrant GSM à 900 MHz. Bref, pourquoi faire simple quand ça ne rapporte pas assez ?
Peu importe, par conséquent, qu’un réseau DVB-H soit très coûteux à déployer, que le nombre de fréquences disponibles dans chaque agglomération soit souvent réduite à une seule, voire que se pose, notamment dans les régions frontalières, des problèmes de coordination internationale des fréquences quasi-insolubles... Les enjeux financiers sont tellement élevés qu’il faut pousser ses billes coûte que coûte. Au point que même dans les réunions préparatoires à la conférence de Genève évoquée plus haut, qui est pourtant censée replanifier des fréquences broadcast pour un usage correspondant à des services strictement télévisuels et radiophoniques, il n’est pas rare d’entendre les représentants des opérateurs de téléphonie mobile, soutenus pas leur propre organe de régulation, demander que leur soit réservée, sous couvert de « dividende numérique », une sous-bande en UHF, autour de 600 MHz de préférence, soit en plein dans les fréquences les plus utilisées pour la télévision depuis les années 60, dans l’objectif d’étendre, dans tous les sens du terme, le périmètre de leurs lucratives activités. Inutile de préciser que cette offensive en règle est diversement appréciée dans le monde du broadcast, la bande UHF étant déjà celle du déploiement de la TNT, à titre exclusif en France comme au Royaume-Uni, et à titre principal chez nos autres voisins. Les seuls éditeurs de programmes audiovisuels véritablement intéressés par un modèle « tout payant » sont ceux qui, à l’instar de Canal +, ont toujours vécu sur le modèle du « pay per view ».
Le DMB, au contraire, a plutôt les faveurs des éditeurs de service, notamment radiophoniques (notamment grâce à la possibilité désormais offerte de diffuser en AAC+ en faisant de la visual radio), mais pas exclusivement. Ces éditeurs ont pour modèle les programmes gratuits financés par la publicité et le parrainage. Certes, la possibilité de faire passer également des services payants existe bel et bien, mais, si l’on prend l’exemple de la Corée, premier pays à avoir lancé la télévision mobile terrestre en DMB, on constate que, sur les six multiplexes desservant l’agglomération de Séoul, tous sont constitués d’un mélange de programmes vidéo et de radios, intégralement gratuits, les éditeurs de service qui en sont à l’origine étant déjà présents sur le marché radiophonique et télévisuel « classique ». Côté équipementiers, on trouve bien évidemment les Coréens LG et Samsung, mais des Européens comme Philips ou Siemens pourraient bientôt être également sur les rangs.
En Allemagne, les programmes DMB destinés à retransmettre en direct les matchs de la coupe du monde de football seront gratuits.
Il faut noter à cet égard que les services de télévision mobile payants par satellite lancés, en Corée, quelques mois avant les services DMB terrestre gratuits, ont vu leur taux de réabonnement chuter de manière vertigineuse précisément dès l’apparition de l’offre gratuite.
Néanmoins, il faut noter que « gratuité » ne signifie pas obligatoirement « absence de revenus » (hors publicité et parrainage) pour l’éditeur de services. Par exemple, sur la plateforme DMB expérimentale parisienne, TF1 teste des services de jeux interactifs sur des mobiles bimodes GSM/DMB dont la voie de retour, réalisée par GPRS, génère une facturation ; cependant, libre au « mobi-téléspectateur » de l’utiliser ou pas...
Les éditeurs de programmes télévisuels musicaux ainsi que les chaînes d’info en continu, sont également intéressés, dans une large mesure, par cette technologie qui présente l’avantage de ne pas faire exploser les coûts de diffusion.
Enfin, les radios, premières « clientes » du DAB, sont intéressées par la possibilité de diffuser, via le DMB et en temps réel, un contenu éditorial lié ou non au programme diffusé (pochette de disque avec traduction en temps réel des paroles d’une chanson, affichage périodique des cours de la bourse, des infos trafic type Sytadin en alternance avec les conditions de circulation sur le réseau de transport en commun de l’agglomération, etc.).
Toute cette variété de programmes pourrait trouver sa place, en DMB, sur des réseaux à couverture nationale après l’arrêt de Canal + analogique (dont l’autorisation court jusqu’à fin 2010). En effet, il découle des règles retenues pour la planification de la bande III VHF à la conférence de Genève que, si seuls les services DMB étaient déployés dans cette bande, il serait possible, en France, de dégager six « couches » nationales, y compris dans les régions frontalières, environ deux de plus hors frontières du Nord et de l’Est, ainsi que plusieurs couches « multiville » dans les agglomérations importantes, le chiffre pouvant même atteindre huit dans les grandes villes. A raison de deux programmes vidéo et trois radios par multiplex, cela ferait en théorie 32 télévisions mobiles et 48 radios diffusées en DMB dans les principales agglomérations.
Même sans attendre l’arrêt de Canal +, il demeure possible, généralement, de planifier dans un premier temps quatre à six multiplexes DMB dans les quarante premières agglomérations, ce qui permettrait de placer, en bande III, autant voire plus que programmes en DMB au premier stade du déploiement qu’en DVB-H à l’issue de l’arrêt des services analogiques en UHF (un canal DVB-H = quatre canaux DMB en terme de débit utile étant donné la largeur de bande différente dans les deux technologies, sachant qu’il est possible, le cas échéant, de placer quatre canaux DMB adjacents sur le même émetteur afin de limiter encore le coût de déploiement des réseaux).
Si l’on ajoute à cela un multiplex DVB-H national en UHF (les impératifs de la coordination internationale des fréquences ainsi que des coûts élevés de déploiement poussent, parallèlement à la demande accrue pour deux multiplexes TNT supplémentaires, un pays comme la France à s’orienter uniquement vers une couverture multiville en DVB-H) on pourrait alors rajouter une douzaine de télévisions mobiles payantes dans les agglomérations de plus de 50000 habitants, soit au total environ 44 télévisions mobiles pour les heureux citadins dont on peut légitimement se demander dans quelles conditions, pour quel usage, avec quels récepteurs et pour quels types de programmes ils seraient susceptibles de franchir le pas...
Et pendant ce temps...
Un premier enseignement peut être tiré de l’exemple sud-coréen, premier « marché » à avoir déployé des services commerciaux de télévision mobile. Les programmes actuellement diffusés sont encore très proches de ceux disponibles sur les plateformes « fixes », quand ils ne sont pas identiques. La réception en mobilité se fait bien évidemment sur des téléphones mobiles bimodes, mais, chose curieuse, l’apparition à la fin de l’année dernière de PDAs équipés d’un tuner DMB a semble-t-il poussé les Coréens, moyennement friands de ce type de produit aussi surprenant que cela puisse paraître, à s’équiper en masse. Le « grand écran » (par rapport à celui d’un téléphone) en serait-il la cause ? Il faut dire que le prix de ces PDAs, tournant autour de 330 USD, n’est pas prohibitif, et semble même plutôt inférieur à celui d’un téléphone mobile bimode acheté « seul » (c’est à dire sans subvention lié à un prolongement d’abonnement auprès d’un opérateur de téléphonie), qui atteint alors les 400 USD. Le « player vidéo » doté d’un écran 6 pouces et dûment équipé pour la réception TV, encore un peu plus cher, tient néanmoins lui aussi la corde.

Dans le même ordre de prix, on trouve, chez Samsung, un APN finition « métal » qui fait fureur et dont l’écran de visée sert également à visualiser la télévision... Seulement, à l’instar du PDA et du téléphone, il est équipé d’une prise casque, et peut donc aussi servir à écouter la radio. Car là n’est pas le moindre des paradoxes : si la fascination exercée par l’image semble bien constituer l’attrait principal de toutes ces nouveautés technologiques, les premières enquêtes d’usages montrent que les Coréens, s’ils regardent la télévision presque une heure par semaine (de préférence dans les transports en commun), écoutent, dans le même temps, la radio pendant 90 minutes ! Il faut avouer que marcher dans la rue et regarder en même temps la télévision n’est pas toujours chose aisée, alors que mettre le récepteur dans la poche et écouter la radio, c’est nettement plus simple, l’image n’étant alors que facultative et loin d’être toujours nécessaire au suivi du programme.
Pour conclure, on sera tenté de dire que les usages ne seront vraisemblablement pas les mêmes dans tous les pays, le facteur culturel pouvant jouer un rôle non négligeable dans les habitudes de l’utilisateur moyen. En effet, pendant que les Coréens regardent la télévision en DMB dans le train et écoutent la radio dans la rue, les études menées sur l’échantillon de beta-testeurs de l’expérimentation DVB-H Canal + / Nokia / Towercast, qui a lieu en ce moment à Paris, tendraient à montrer que la plupart de ceux qui le peuvent (techniquement parlant) regardent la télévision mobile... chez eux, dans leur fauteuil, où, précisément, ils pourraient privilégier le grand écran de la télévision fixe. Et là, franchement, on ne peut s’empêcher de penser : « Tout ça pour ça » ?